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16/02/2022 | FRANCE | N°21BX03502

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 16 février 2022, 21BX03502


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2100970 du 16 juin 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistr

es le 23 août et le 29 novembre 2021, M. C..., représenté par Me Lampe, demande à la cour :

1°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2100970 du 16 juin 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées le 23 août et le 29 novembre 2021, M. C..., représenté par Me Lampe, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 juin 2021;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 2 décembre 2020 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêté à venir et sous astreinte de 80 euros par jour de retard, ou à défaut, de procéder au réexamen de sa demande, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la préfète de la Gironde a méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant liée par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 8 août 2018 ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que l'offre de soins en Géorgie n'a pas évolué depuis 2017, comme il ressort du courrier du médecin secrétaire général de l'association des urologues de Géorgie du 10 février 2021, confirmant l'absence d'injection de toxine botulique intravésicale produite en première instance ; les premiers juges ont, dès lors, a tort considéré qu'il ne rapportait pas de pièce postérieure à 2017 concernant l'accessibilité du médicament ; il produit en appel un nouveau certificat d'un urologue géorgien confirmant l'absence du traitement dans ce pays ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour les mêmes raisons ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales, puisqu'il justifie d'une vie privée et familiale en France, du fait notamment de sa durée de présence de 8 années sur le territoire français et de son concubinage avec une ressortissante géorgienne en situation régulière, avec qui il s'est marié depuis ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant, dès lors que la famille qu'il constitue désormais avec Mme B... ne pourrait ses reconstituer en Géorgie sans porter atteinte à l'intérêt des enfants de celle-ci, dont le dernier est né en France ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 juillet 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evelyne Balzamo,

- et les observations de Me Lamoe représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant grégorien, est entré en France le 23 novembre 2013. Il a déposé une demande d'asile et a sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sa demande d'asile a été définitivement rejetée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 8 novembre 2016, tandis qu'il a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, valable du 28 janvier 2016 au 27 janvier 2017. Par un arrêté du 29 août 2017, le préfet de la Gironde a refusé de renouveler son titre de séjour. Cet arrêté a été annulé par le jugement devenu définitif, n° 1704686, du tribunal administratif de Bordeaux du 22 janvier 2018. M. C... a alors bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, valable jusqu'au 13 mars 2019. Par un arrêté du 2 décembre 2020, la préfète de la Gironde a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. C... relève appel du jugement du 16 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

4. En l'espèce, le collège de médecins de l'OFII a estimé, dans son avis rendu le 8 août 2019, que l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre des soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

5. Pour contester cette affirmation, M. C... fait valoir qu'il est atteint d'une paraparésie spastique et de troubles vésico-sphinctériens en raison d'une myélite virale ancienne, qu'il est soigné par injections de toxine botulique intra-détrusorienne et que ce traitement n'est pas accessible en Géorgie. M. C... produit pour la première fois en appel un courriel du 10 février 2021 d'un urologue géorgien, secrétaire général de l'association des urologues de Géorgie, consulté par le ministère de la santé de ce pays, ainsi qu'un certificat du 23 juin 2021 d'une polyclinique multidisciplinaire de Koutaïssi, troisième plus grande ville du pays, dont l'authenticité n'est pas contestée, attestant que ce traitement n'y est pas pratiqué. Si ces pièces sont postérieures à l'arrêté du 2 décembre 2020, elles confirment les informations datant de 2017, provenant d'un urologue expert auprès du ministère de la santé et du chef de la polyclinique multidisciplinaire de Koutaïssi. La préfète de la Gironde ne conteste pas sérieusement ces éléments en invoquant l'existence d'une prise en charge médicale en Géorgie antérieure à 2013, date de son arrivée en France, alors qu'il n'est pas établi que l'état de santé de M. C... nécessitait alors des injections de toxine botulique intra-détrusorienne pour ses troubles vésico-sphinctériens. Dès lors, M. C... est fondé à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à demander l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour, et par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

7. En application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, il y a lieu, sous réserve d'un changement substantiel dans la situation de droit ou de fait de l'intéressé, d'enjoindre à la préfète de la Gironde de délivrer au requérant une carte de séjour temporaire dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en l'état, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me Lampe sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2100970 du 16 juin 2021 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 2 décembre 2020 de la préfète de la Gironde est annulé.

Article 3 : Il est enjoint à la préfète de la Gironde de délivrer à M. C... un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à Me Lampe, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition le 16 février 2022.

Le président-assesseur,

Dominique FerrariLa présidente,

Evelyne Balzamo Le greffier,

André Gauchon

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX03502


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03502
Date de la décision : 16/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Evelyne BALZAMO
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : LAMPE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-02-16;21bx03502 ?
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