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15/02/2022 | FRANCE | N°18BX01930

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 15 février 2022, 18BX01930


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 29 avril 2015 par laquelle le maire de Labastide-Saint-Pierre a rejeté leur réclamation préalable présentée le 10 mars 2015 et de condamner la commune de Labastide-Saint-Pierre à leur verser la somme de 246 234,50 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de leur réclamation préalable, en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de l'édiction de décisions d'urbanisme i

llégales les ayant conduits à construire une maison en zone inondable.

Par un ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 29 avril 2015 par laquelle le maire de Labastide-Saint-Pierre a rejeté leur réclamation préalable présentée le 10 mars 2015 et de condamner la commune de Labastide-Saint-Pierre à leur verser la somme de 246 234,50 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de leur réclamation préalable, en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de l'édiction de décisions d'urbanisme illégales les ayant conduits à construire une maison en zone inondable.

Par un jugement n° 1502972 en date du 6 mars 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 mai 2018 et des mémoires enregistrés les 7 octobre et 4 novembre 2019 ainsi que le 9 juin 2020, M. et Mme C..., représentés par Me A..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1502972 du tribunal administratif de Toulouse du 6 mars 2018 ;

2°) de condamner la commune de Labastide-Saint-Pierre à leur verser une somme, à parfaire, de 246 234,50 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 mars 2015, du fait de l'irrégularité du plan local d'urbanisme de la commune et de l'illégalité du certificat d'urbanisme et du permis de construire qui leurs ont été délivrés les 31 mai 2005 et 19 juin 2006 ;

3°) de mettre à la charge de la commune la somme de 3 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont entaché leur décision de dénaturation dans l'interprétation des documents graphiques du plan local d'urbanisme de la commune et du plan de prévention des risques d'inondations approuvé par arrêté préfectoral du 22 décembre 1999 ; il est, en outre, irrégulier et mal fondé dès lors que les conclusions tendant à l'annulation de la décision rejetant leur réclamation préalable présentées devant le tribunal ont, à tort, été rejetées par les premiers juges ;

- la commune a commis une faute lors de l'élaboration, en 2003, du plan local d'urbanisme en classant partiellement le terrain cadastré section A n° 1263 situé chemin de Saoula, en zone UC constructible alors que les documents à sa disposition lors de l'élaboration du plan permettaient aisément de constater que la totalité du terrain se trouvait dans la zone rouge délimitée par le plan de prévention des risques d'inondation approuvé par un arrêté préfectoral du 22 décembre 1999 ; le plan de prévention des risques d'inondation ne fait aucune distinction selon l'altimétrie des parcelles, il interdit les constructions en zone rouge quelles que soient les cotes altimétriques du terrain ;

- l'Etat n'a commis aucune faute en produisant un document imprécis ; la responsabilité de l'élaboration du plan local d'urbanisme repose sur la commune ;

- elle a également commis une faute en délivrant un certificat d'urbanisme le 31 mai 2005 indiquant que ce terrain était partiellement constructible et en leur délivrant un permis de construire une maison à usage d'habitation le 19 juin 2006 ;

- la commune, qui a signé le certificat d'urbanisme, ne peut s'exonérer de responsabilité en soutenant que l'instruction de ce document a été confiée à l'Etat ;

- la commune ne peut leur opposer l'exception de prescription quadriennale dès lors qu'ils n'ont eu connaissance de l'origine et de l'étendue de leurs dommages qu'à l'occasion du refus de délivrance du permis de construire qui leur a été opposé le 4 avril 2014 ;

- compte tenu du caractère totalement inondable du terrain, ils ont subi un préjudice financier de 192 000 euros en le cédant à un prix nécessairement inférieur à celui qu'ils auraient pu obtenir s'il répondait aux caractéristiques décrites par la commune en 2005 et en 2006 ;

- ils ont engagé des frais de 24 234,50 euros à l'occasion de la réalisation d'un projet de construction d'une seconde maison engagé sur la base des informations erronées délivrées par la commune et qui a dû être abandonné ;

- ils ont subi un préjudice moral et des troubles dans leurs conditions d'existence pouvant être estimés à 30 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 décembre 2018 et 23 octobre 2019, la commune de Labastide Saint-Pierre, représentée par Me Courrech, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge des époux C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont écarté à bon droit les conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision rejetant la réclamation préalable indemnitaire des requérants ;

- les préjudices allégués sont prescrits dès lors que les prétentions indemnitaires sont fondées sur trois supposées fautes commises plus de quatre ans avant l'introduction de la requête ; l'existence des prescriptions du plan de prévention des risques a été portée à la connaissance des requérants dans l'acte d'achat de leur terrain, document dans lequel ils ont déclaré en faire leur affaire personnelle ; le certificat d'urbanisme mentionne l'existence de cette servitude ; ils ne peuvent utilement soutenir n'avoir eu connaissance des risques qu'à l'occasion de la décision de 2014 portant refus de permis de construire pour leur second projet immobilier;

- elle n'a, au demeurant, commis aucune faute lors de l'élaboration du plan local d'urbanisme ; le document établi par un géomètre-expert démontre que le terrain des requérants n'est pas inondable compte tenu des cotes altimétriques relevées ; les plans disponibles à l'époque ne permettaient pas de retenir que le terrain des requérants était situé dans sa totalité au sein de la zone inondable ; l'adoption du plan local d'urbanisme permet difficilement un raisonnement parcelle par parcelle ;

- le certificat d'urbanisme dont la durée de validité n'excède pas deux ans a été établi conformément aux informations dont elle disposait à l'époque ;

- le permis de construire n'est pas fautif dès lors que la maison n'est pas située sur une partie inondable de la parcelle ;

- les fautes alléguées ne sont pas à l'origine de la perte de valeur du terrain mais à l'origine d'une simple perte de chance de ne pas l'acquérir ;

- sa responsabilité doit être atténuée par les faits des époux C... qui ont acquis un terrain malgré sa situation en zone rouge ;

- l'estimation du préjudice est erronée et excessive.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michaël Kauffmann,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,

- et les observations de Me A..., représentant les époux C..., et de Me Maillard, représentant la commune de Labastide-Saint-Pierre.

Une note en délibéré présentée par M A... pour M. et Mme C... a été enregistrée le 20 janvier 2022.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C... ont été propriétaires entre 2006 et 2015 d'un terrain cadastré section A-1263, situé chemin de Saoula sur le territoire de la commune de Labastide-Saint-Pierre sur lequel ils ont bâti une maison d'habitation. Ils ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune à les indemniser des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de l'adoption d'un document et de décisions d'urbanisme illégaux les ayant conduits à estimer que le terrain concerné était partiellement constructible et à y édifier une maison alors qu'il est situé dans la zone rouge définie par le plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) approuvé par arrêté préfectoral du 22 décembre 1999. Ils relèvent appel du jugement en date du 6 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, une éventuelle dénaturation des pièces du dossier quant à l'interprétation des documents graphiques du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune et du PPRI approuvé par arrêté préfectoral du 22 décembre 1999 n'affecterait que le bien-fondé du jugement attaqué, dont le contrôle est opéré par l'effet dévolutif de l'appel, et reste, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de ce jugement.

3. En second lieu, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient rejeté, à tort, les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 29 avril 2015 par laquelle la commune de Labastide-Saint-Pierre a rejeté leur réclamation préalable indemnitaire ressort également du bien-fondé du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

4. La décision du 29 avril 2015 par laquelle la commune de Labastide-Saint-Pierre a rejeté la demande présentée par les requérants en vue d'obtenir la réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de l'irrégularité du document et des décisions d'urbanisme les ayant amenés à penser que la parcelle cadastrée section A n° 1263 était partiellement constructible n'a eu pour seul objet et pour seul effet que de lier le contentieux à titre indemnitaire. Au regard de l'objet d'une telle demande, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit des intéressés à percevoir la somme qu'ils réclament, les vices propres dont serait, le cas échéant, entachée la décision qui a lié le contentieux sont sans incidence sur la solution du litige. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions à fin d'annulation de ladite décision implicite, présentées par les requérants.

En ce qui concerne le bien-fondé des conclusions indemnitaires :

5. Le PLU de la commune de Labastide-Saint-Pierre, approuvé le 30 mai 2003, classe la parcelle A-1263, d'une superficie de 4 289 m2, pour partie en zone UC constructible, s'agissant de sa portion nord longeant le chemin de Saoula et pour partie en zone Ng non constructible, s'agissant de sa portion sud longeant le ruisseau du Barouillet. M. et Mme C... ont acquis ce terrain par un acte en date du 14 novembre 2006, après avoir obtenu de la part du maire de ladite commune, d'une part, le 31 mai 2005, un certificat d'urbanisme positif déclarant réalisable la construction d'une maison d'habitation sur la portion classée en zone UC et, d'autre part, le 19 juin 2006, un permis de construire autorisant la construction d'une telle maison sur cette même portion. Les intéressés ont présenté le 4 avril 2014 une nouvelle demande de permis de construire en vue d'implanter une seconde maison d'habitation sur une autre partie de leur parcelle. L'autorisation ainsi sollicitée leur a été refusée par un arrêté du maire intervenu en mai 2014, au motif, notamment, que le terrain concerné était situé en zone rouge du PPRI. Les époux C... ont mis en vente leur bien immobilier à compter du 21 octobre 2014 et l'ont finalement cédé le 23 septembre 2015.

S'agissant du principe de responsabilité :

6. En principe, toute illégalité commise par l'administration constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain.

Quant au classement de la parcelle A-1263 dans le PLU :

7. Aux termes de l'article L. 126-1 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " Les plans locaux d'urbanisme doivent comporter en annexe les servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation du sol et qui figurent sur une liste dressée par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 126-1 du même code, alors en vigueur : " Doivent figurer en annexe au plan local d'urbanisme les servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation du sol et appartenant aux catégories figurant sur la liste annexée au présent chapitre. (...) ". Figurent notamment, sur la liste à laquelle il est ainsi renvoyé, les plans de prévention des risques naturels prévisibles établis en application de l'article L. 562-1 du code de l'environnement. Aux termes de ces dernières dispositions : " I. - L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations (...). / II. - Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : / 1° De délimiter les zones exposées aux risques, dites "zones de danger", en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation (...) ou, dans le cas où des construction, ouvrages, aménagements ou exploitations (...) pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 562-4 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé vaut servitude d'utilité publique. Il est annexé au plan d'occupation des sols, conformément à l'article L. 126-1 du code de l'urbanisme. (...) ". Il résulte de ces dispositions combinées, dans leurs versions applicables au litige, que les plans de prévention des risques naturels prévisibles sont annexés au PLU comme servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation du sol et sont opposables aux demandes d'autorisation d'occupation du sol. Il ne résulte toutefois ni de ces dispositions ni d'aucun autre texte ou principe, que les dispositions de ces plans seraient au nombre des règles au regard desquelles doit être appréciée la légalité du PLU.

8. Le PPRI du secteur Tarn, approuvé par arrêté préfectoral du 22 décembre 1999, détermine les zones d'aléas forts en fonction, notamment, des hauteurs d'eaux atteintes par la crue de référence et classe en zone rouge les parties où les hauteurs ou les vitesses des eaux sont telles que la sécurité des biens et des personnes ne peut être garantie, les zones non urbanisées qui sont des champs d'expansion de crues ainsi que la totalité des zones submersibles non couvertes par un système d'annonce des crues. L'article 2-1-1-1 du règlement du PPRI proscrit tous travaux et construction à l'exception de ceux visés par les articles 2-1-1-2 et 2-1-2 du même règlement. L'article 2-1-1-2 de ce règlement autorise, sous conditions, notamment la réalisation de bâtiments annexes à des habitations existantes sur la même unité foncière (garages, abris de jardin), la construction des piscines extérieures, celles des locaux techniques et des locaux à usage sanitaires et de vestiaires ou douches associés aux piscines ou terrain de sport et de loisirs. L'article 2-1-2 de ce règlement autorise quant à lui, sous conditions, les travaux de reconstruction à l'identique des bâtiments détruits par un sinistre autre qu'une inondation, ceux ayant pour objet l'extension des habitations existantes, dans la limite de 20 m² de surface hors œuvre brute, ou l'extension sur la même unité foncière des activités existantes dans la limite de 40 m² ou de 20 % de la surface hors œuvre brute existante à la date d'approbation du PPRI. La zone rouge est identifiée sur un document graphique annexé audit plan et établi à l'échelle 1/10 000ème.

9. M. et Mme C... soutiennent qu'en classant la partie nord de leur parcelle A-1263 en zone UC constructible, le PLU approuvé en mai 2003 par la commune de Labastide-Saint-Pierre méconnaît les prescriptions du PPRI du secteur Tarn dès lors qu'il résulte de l'analyse du document graphique annexé à ce plan que l'intégralité de la parcelle se trouve comprise en zone rouge au sein de laquelle ne pouvaient être autorisés que les travaux limitativement énumérés aux articles 2-1-1-2 et 2-1-2 du règlement du PPRI, parmi lesquels ne figurent pas les constructions d'habitations nouvelles. Il résulte toutefois de ce qui a été exposé au point 7 que la méconnaissance du PPRI ne peut utilement être soulevée à l'encontre de la délibération approuvant le PLU pour se prévaloir, notamment, de son illégalité fautive. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que le point le plus bas de la portion de ladite parcelle classée en zone UC se situe à la cote 99,61 NGF, soit à 41 cm au-dessus de la cote de référence telle que définie par le règlement du PPRI en tenant compte de la crue de référence. Si, ainsi que le soutiennent les requérants, le règlement du PPRI ne fait pas nécessairement correspondre les limites de la zone rouge à celle de la cote de référence, il n'en demeure pas moins, eu égard, en outre, aux outils technologiques dont la commune disposait à la date de l'élaboration du PLU qui ne lui permettaient pas, à partir du seul document graphique annexé au PPRI, compte tenu de son échelle, d'appréhender avec précision les limites de la zone rouge, qui semblait traverser la parcelle A-1263 en son centre, que les auteurs du PLU n'ont pas entaché le classement dont s'agit d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du risque d'inondation auquel était exposée cette parcelle. Dans ces conditions, le moyen soulevé par les époux C..., tiré de ce que le PLU adopté par la commune est entaché d'une illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité, doit être écarté.

Quant à la délivrance du certificat d'urbanisme et du permis de construire :

10. Il résulte des dispositions citées au point 7 que, dans les zones délimitées par un plan de prévention des risques naturels prévisibles, les prescriptions auxquelles un tel plan subordonne une construction en application des 1° et 2° du II de l'article L. 562-1 du code de l'environnement s'imposent directement aux certificats d'urbanisme et aux autorisations de construire, qui ne sauraient être légalement délivrés lorsque ces prescriptions sont méconnues.

11. Il résulte de l'instruction, notamment de la cartographie issue de l'application Cartélie développée par le ministère de la transition écologique, et il n'est d'ailleurs pas contesté par la commune, que l'intégralité de la parcelle A-1263 se trouve, en définitive, comprise dans la zone rouge identifiée par le document graphique annexé au PPRI du secteur Tarn. Dès lors, le certificat d'urbanisme positif établi le 31 mai 2005 et le permis de construire délivré le 19 juin 2006, autorisant la construction d'une maison à usage d'habitation sur la partie de cette parcelle classée en zone UC, qui ont permis la valorisation de cette parcelle au-delà de ce que permettaient les prescriptions précitées du règlement du PPRI, sont entachés d'illégalité. M. et Mme C... sont donc fondés à soutenir que, quand bien même ces autorisations respectaient les dispositions du PLU approuvé en 2003 par la commune de Labastide-Saint-Pierre, cette dernière a commis une faute en les délivrant en méconnaissance des prescriptions du PPRI.

Quant aux causes exonératoires de responsabilité :

12. La commune de Labastide-Saint-Pierre soutient que la faute des époux C..., qui, dès 2006, étaient en possession de l'information selon laquelle le terrain qu'ils projetaient d'acquérir était situé en zone rouge, dès lors que le PPRI et le document graphique de ce plan étaient annexés au projet d'acte de vente du terrain, est de nature à atténuer sa propre responsabilité. Toutefois, il est constant qu'avant de procéder à l'acquisition dudit terrain, les intéressés se sont assurés de la faisabilité de leur projet de construction en sollicitant un certificat d'urbanisme puis un permis de construire qui, tous deux, leur ont été délivrés par la commune. Dans ces conditions, eu égard, en outre, au caractère difficilement interprétable du document graphique annexé au PPRI à la date d'acquisition de leur terrain, M. et Mme C..., qui ne sont pas des professionnels de l'immobilier, ne peuvent être regardés comme ayant commis une quelconque faute de nature à atténuer la responsabilité de la commune.

En ce qui concerne les préjudices indemnisables :

S'agissant de l'exception de prescription quadriennale :

13. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites au profit de l'Etat, des départements et des communes à sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par ... toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance à, tout recours formé devant la juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance à, toute communication écrite d'une administration intéressée dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; toute émission de moyen de règlement ". Aux termes de l'article 3 : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". Il résulte de la combinaison des dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968 que la connaissance par la victime de l'existence d'un dommage ne suffit pas à faire courir le délai de la prescription quadriennale. Le point de départ de cette dernière est la date à laquelle la victime est en mesure de connaître l'origine de ce dommage ou du moins de disposer d'indications suffisantes selon lesquelles ce dommage pourrait être imputable au fait de l'administration.

14. En l'espèce, les requérants sont fondés à soutenir qu'ils n'ont eu connaissance de l'existence des illégalités commises lors de la délivrance du certificat d'urbanisme du 31 mai 2005 et du permis de construire du 19 juin 2006 qu'à l'occasion de la décision leur refusant le bénéfice d'un nouveau permis de construire en mai 2014 au motif, notamment, que le terrain concerné était situé en zone rouge du PPRI. Il s'ensuit, qu'à la date d'introduction de leur réclamation préalable indemnitaire, le 10 mars 2015, la créance dont se prévalent M. et Mme C... n'était pas prescrite.

S'agissant des préjudices patrimoniaux :

15. En premier lieu, M. et Mme C... font valoir que, compte tenu de la localisation de leur terrain en zone rouge du PPRI, ils ont subi un préjudice financier de l'ordre de 192 000 euros en cédant la maison qu'il y avaient bâtie à un prix nécessairement inférieur à celui qu'ils auraient pu obtenir si le terrain répondait aux caractéristiques décrites par la commune dans le plan local d'urbanisme ainsi que dans le certificat d'urbanisme et l'autorisation de construire qui leur ont été délivrés.

16. Toutefois, si les fautes commises par la commune à l'occasion de la délivrance du certificat d'urbanisme du 31 mai 2005 et du permis de construire du 19 juin 2006 ont pu avoir directement pour effet de conduire les requérants à acquérir, au prix de 77 000 euros, le terrain cadastré section A-1263 alors qu'il était inconstructible dans sa totalité, il demeure que ces fautes ont eu directement pour effet de leur permettre de valoriser ledit terrain et d'y édifier une maison en contrariété avec les prescriptions du règlement du PPRI applicable. Dès lors que les requérants n'établissent pas que la localisation en zone inondable de leur bien les a conduits à réaliser une moins-value financière lors de sa cession au prix de 217 000 euros, en se bornant à soutenir que la valeur vénale de leur bien aurait été supérieure si celui-ci s'était trouvé hors de la zone rouge, ils ne justifient pas de l'existence d'un préjudice financier certain lié à la perte de valeur de leur terrain.

17. En second lieu, les requérants soutiennent qu'ils ont légitimement pu croire, sur la foi des informations résultant du certificat d'urbanisme du 31 mai 2005 et du permis de construire obtenu le 19 juin 2006, que la parcelle A-1263 était constructible et qu'ils ont engagé, dès lors, dans le courant de l'année 2014, des frais, à hauteur de 24 234,50 euros, au titre d'opérations de maîtrise d'œuvre pour la réalisation d'un nouveau projet immobilier qui n'a finalement pu aboutir en raison du rejet de leur demande de permis de construire en mai 2014. Il résulte néanmoins des termes même de l'arrêté portant refus de permis de construire qui leur a alors été notifié que ce nouveau projet immobilier a été refusé au double motif, d'une part, que le terrain objet de la demande était situé en zone rouge du PPRI, d'autre part, qu'il procédait d'une division de terrain constituant un lotissement qui n'avait pas été légalement déclaré ni autorisé. Les requérants, qui ne contestent pas la pertinence de ces motifs, ne sont dès lors pas fondés à se prévaloir d'un préjudice lié à l'engagement en pure perte de frais relatifs à une autorisation de construire qui, quelle qu'ait été la situation de leur terrain au regard du PPRI, n'aurait pu, en l'état, leur être délivrée.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

18. Les requérant sont fondés à soutenir que la découverte, plusieurs années après sa construction, que leur maison a été irrégulièrement construite sur la parcelle A-1263 au sein de la zone rouge du PPRI est à l'origine d'un préjudice moral et de troubles dans leurs conditions d'existence liés aux difficultés qu'ils ont éprouvées à revendre leur bien, pouvant être évalués à la somme de 3 000 euros, tous intérêts compris à la date du présent arrêt.

19. Il résulte de ce qui précède que les époux C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes et à solliciter la condamnation de la commune de Labastide-Saint-Pierre à leur verser la somme de 3 000 euros.

Sur les frais liés à l'instance :

20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à chacune des parties la charge des frais, non compris dans les dépens, exposés pour la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1502972 du tribunal administratif de Toulouse du 6 mars 2018 est annulé.

Article 2 : La commune de Labastide-Saint-Pierre est condamnée à verser à M. et Mme C... la somme de 3 000 euros, tous intérêts compris.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... C... et à la commune de Labastide-Saint-Pierre.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2022.

Le rapporteur,

Michaël Kauffmann La présidente,

Evelyne Balzamo

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au préfet du Tarn-et-Garonne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX01930


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité.

Urbanisme et aménagement du territoire - Plans d'aménagement et d'urbanisme - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU).


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: M. Stéphane GUEGUEIN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SCP BOUYSSOU et ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 15/02/2022
Date de l'import : 22/02/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18BX01930
Numéro NOR : CETATEXT000045179963 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-02-15;18bx01930 ?
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