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10/02/2022 | FRANCE | N°21BX03918

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 10 février 2022, 21BX03918


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 16 mars 2021 par lequel la préfète de la Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2101484 du 14 septembre 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, en

registrée le 11 octobre 2021, M. A..., représenté par Me Masson, demande la cour :

1°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 16 mars 2021 par lequel la préfète de la Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2101484 du 14 septembre 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 octobre 2021, M. A..., représenté par Me Masson, demande la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 septembre 2021 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 mars 2021 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte en lui délivrant, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'auteur de l'arrêté contesté était incompétent ;

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- la décision n'est pas suffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen personnel et approfondi de sa situation ;

- la décision méconnait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnaît les stipulations des articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- la décision est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision n'est pas suffisamment motivée ;

- la décision portant fixation du pays de destination méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Un mémoire, enregistré le 10 janvier 2022 à 15h40, postérieurement à la clôture de l'instruction présenté par la préfète de la Vienne, n'a pas été communiqué.

Par une décision n°2021/022869 du 4 novembre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Nathalie Gay a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant géorgien, entré en France le 15 septembre 2015, a bénéficié de cartes de séjour temporaires sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile valables du 21 octobre 2016 au 20 janvier 2021. Le 21 décembre 2020, il a demandé le renouvellement de son titre de séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 16 mars 2021, la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. M. A... relève appel du jugement du 14 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

2. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 27 novembre 2020 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, la préfète de la Vienne a donné délégation à M. Émile Soumbo, secrétaire général, à l'effet de signer tous arrêtés entrant dans le champ d'application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'exception d'actes parmi lesquels ne figurent pas les décisions de refus de séjour, celles portant obligation de quitter le territoire français et celles fixant le pays de destination. Contrairement à ce que soutient l'appelant, cette délégation est suffisamment précise. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.

En ce qui concerne la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :

3. M. A... reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée et du défaut d'examen de sa situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans la rédaction applicable en l'espèce : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. (...) ".

5. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

6. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 25 février 2021 que si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié et son état de santé lui permet de voyager sans risque. Pour remettre en cause cette appréciation, M. A... se prévaut d'un suivi par des consultations médicales régulières et spécialisées notamment en hépato-gastro-entérologie et en neurochirurgie, la réalisation de prises de sang et la prescription d'un traitement médicamenteux notamment d'un immunosuppresseur complet et d'un antalgique. L'appelant produit un certificat médical du 25 mai 2021 d'un médecin du pôle DUNE du centre hospitalier de Poitiers indiquant que le traitement immunosuppresseur complet, le Cellcept, n'existe pas en Géorgie ainsi que le reste du traitement, et une liste datant de 2014 de psychotropes et de stupéfiants dont la circulation en Géorgie est limitée, parmi lesquels figure le Tramadol. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment de la liste des établissements hospitaliers en Géorgie ainsi que des fiches MedCoi, versées au dossier par la préfète de la Vienne, que le suivi médical ainsi que les traitements médicamenteux prescrits à M. A... sont disponibles en Géorgie. Par suite, dès lors que les pièces apportées par M. A... ne suffisent pas à remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration aux termes duquel l'intéressé peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé en Géorgie, la préfète n'a pas méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Par ailleurs, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., né le 9 mai 1975, entré en France le 15 septembre 2015, déclare être marié et père d'un enfant. Il n'est pas contesté qu'il n'est pas isolé en Géorgie où résident son épouse, son enfant, sa mère et un frère. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'il disposerait d'attaches personnelles ou familiales en France et rien ne s'oppose à la reconstitution de la cellule familiale en Géorgie où, comme il a été indiqué au point 6, il peut bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé. Par suite, la préfète de la Vienne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus qui lui a été opposé et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. M. A... ne peut, en outre, utilement se prévaloir du moyen tiré de la méconnaissance des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision de refus de titre de séjour qui n'a pas pour objet de fixer la Géorgie comme pays de destination de la mesure d'éloignement.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation à quitter le territoire français.

11. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 6, 8 et 9, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce, doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

12. M. A... reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision fixant le pays de destination. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

13. Il résulte, par ailleurs, de ce qui a été indiqué au point 6, que M. A... peut effectivement bénéficier d'un traitement adapté à ses pathologies en Géorgie. De plus, l'appelant n'apporte aucun élément permettant de tenir pour établi qu'il serait personnellement exposé à des risques graves en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, la décision fixant le pays de destination ne méconnaît ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de son article 2.

14. Pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 8, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise pour information à la préfète de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 février 2022.

La rapporteure,

Nathalie GayLa présidente,

Frédérique Munoz-Pauziès La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX03918 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 21BX03918
Date de la décision : 10/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-02-10;21bx03918 ?
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