Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Galerie Boisneuf a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2013 par lequel le préfet de la Guadeloupe a déclaré cessibles, au profit de la société d'économie mixte d'aménagement de la Guadeloupe, les parcelles comprises dans le périmètre de l'opération de résorption de l'habitat insalubre des secteurs des cours Capou-Montella-Charneau-Ferrand dans la commune des Abymes, notamment la parcelle cadastrée CY n° 44 lui appartenant.
Par un jugement n°1400063 du 28 avril 2016, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 juin 2016 et 26 décembre 2017 sous le 16BX02119, la société Galerie Boisneuf, représentée par Me Jorion, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 28 avril 2016 du tribunal administratif de la Guadeloupe ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2013 par lequel le préfet de Guadeloupe a déclaré cessibles, au profit de la société d'économie mixte d'aménagement de la Guadeloupe, les parcelles comprises dans le périmètre de l'opération de résorption de l'habitat insalubre des secteurs des cours Capou-Montella-Charneau-Ferrand dans la commune des Abymes, notamment la parcelle cadastrée CY n° 44 lui appartenant ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'un défaut de motivation dans sa réponse au moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué ;
- le secrétaire général de la préfecture n'était pas compétent pour signer l'arrêté du 4 juillet 2013, dès lors qu'il ne résulte d'aucune pièce du dossier que l'arrêté querellé se rapporterait à un domaine relevant de sa compétence ;
- l'avis d'enquête publique n'a pas fait l'objet des mesures de publicité prévues par l'article R. 11-20 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le commissaire-enquêteur n'a donné son avis ni sur l'emprise des ouvrages ni sur le périmètre des acquisitions des immeubles, contrairement à l'article R. 11-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit, ou à défaut d'une erreur de qualification juridique des faits, dès lors que l'immeuble situé sur la parcelle CY 44 ne relève d'aucun des cas pour lesquels l'article 13 de la loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 autorise la mise en œuvre d'une procédure d'expropriation, alors surtout qu'il est exclusivement d'usage commercial ;
- la déclaration d'utilité publique n'implique pas l'inclusion de la parcelle CY 44 dans l'arrêté de cessibilité ;
- l'inclusion de la parcelle CY n° 44 n'est pas nécessaire pour la réalisation du projet ;
- l'opération en cause ne présente pas un caractère d'utilité publique, et l'insalubrité invoquée par l'administration n'est pas avérée.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 14 septembre 2016 et le 28 mars 2018, la société d'économie mixte d'aménagement de la Guadeloupe (SEMAG), représentée par Me Fusenig, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la requérante le paiement de la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 23 octobre 2017 et le 1er mars 2018, le ministre des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Par un arrêt n° 16BX02119 du 20 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de la société Galerie Boisneuf, annulé ce jugement et l'arrêté de cessibilité en tant qu'il inclut la parcelle cadastrée CY n° 44, et rejeté le surplus des conclusions.
Par une décision n° 427179-428208 du 28 septembre 2020, le Conseil d'État a annulé les articles 1er et 2 de l'arrêt du 20 novembre 2018 et renvoyé l'affaire dans la limite de la cassation prononcée à la cour.
Procédure devant la cour après cassation :
Par un mémoire, enregistré le 9 décembre 2020, la société d'économie mixte d'aménagement de la Guadeloupe maintient ses conclusions tendant au rejet de la requête, par les mêmes moyens.
Par un mémoire, enregistré le 13 janvier 2021, le ministre des outre-mer maintient ses conclusions tendant au rejet de la requête, par les mêmes moyens.
Par un mémoire, enregistré le 18 février 2021, la société Galerie Boisneuf conclut aux mêmes fins que sa requête et par les mêmes moyens.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Frédérique Munoz-Pauziès,
- les conclusions de Mme Florence Madelaigue,
- et les observations de Me Favain, représentant la société Galerie Boisneuf.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 29 février 2000, le préfet de la région Guadeloupe a classé en zone insalubre les quartiers de Capou-Ferrand et de Charneau-Montella situés sur le territoire de la commune des Abymes. Le secteur concerné a fait l'objet d'une concession d'aménagement confiée à la société d'économie mixte d'aménagement de la Guadeloupe, et, par une délibération du 10 septembre 2009, le conseil municipal des Abymes a demandé au préfet de mettre en œuvre une procédure de déclaration d'utilité publique afin de permettre l'acquisition par le concessionnaire, au besoin par voie d'expropriation, des immeubles situés dans le périmètre d'insalubrité. L'enquête publique s'est déroulée du 10 décembre 2012 au 10 janvier 2013, et par arrêté du 30 mai 2013, le préfet de la Guadeloupe a déclaré l'utilité publique de l'opération de résorption de l'habitat insalubre des secteurs Capou-Montella-Chameau-Ferrand. Par arrêté du 4 juillet 2013, le préfet a déclaré cessibles au profit de la SEMAG les parcelles nécessaires à la réalisation du projet, dont la parcelle cadastrée section CY n° 44, d'une superficie de 144 m², propriété de la société Galerie Boisneuf.
2. La société Galerie Boisneuf a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 4 juillet 2013, et, par jugement du 28 avril 2016, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Saisie en appel, la cour, dans un arrêt du 20 novembre 2018, a annulé ce jugement et l'arrêté du 4 juillet 2013, mais par une décision n° 427179-428208 du 28 septembre 2020, le Conseil d'État, saisi par le ministre des outre-mer et la société d'économie mixte d'aménagement de la Guadeloupe, a annulé les articles 1er et 2 de l'arrêt du 20 novembre 2018 et renvoyé l'affaire dans la limite de la cassation prononcée à la cour.
Sur la régularité du jugement :
3. Le jugement attaqué relève que la décision attaquée a été signée par M. Setbon, secrétaire général de la préfecture, qui a reçu délégation de la préfète de la Guadeloupe par arrêté n° 20 13045-0022 du 14 février 2013, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du mois de février 2013, que cet arrêté donne délégation à M. Setbon pour signer au nom de la préfète de la Guadeloupe, dans les domaines relevant de la compétence du secrétaire général, tous les arrêtés, actes, décisions, circulaires rapports, correspondances relevant des attributions de l'État dans le département, à l'exception des réquisitions de la force armée, hors gendarmerie, des actes pour lesquels une délégation a été conférée à un chef de service de l'État dans le département et des arrêtés de conflit, et enfin qu'il ne résulte pas des pièces versées au dossier que la signature des arrêtés de cessibilité n'entrerait pas dans le champ de compétence délégué au secrétaire général de la préfecture ainsi que le prétend la SCI Galerie Boisneuf. Le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'un défaut de motivation dans sa réponse au moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué doit, par suite, être écarté.
Sur l'arrêté du 30 mai 2013 portant déclaration l'utilité publique :
4. Il appartient au juge, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social, économique ou environnemental que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente. Il lui appartient également, s'il est saisi d'un moyen en ce sens, de s'assurer, au titre du contrôle sur la nécessité de l'expropriation, que l'inclusion d'une parcelle déterminée dans le périmètre d'expropriation n'est pas sans rapport avec l'opération déclarée d'utilité publique.
5. Il ressort des pièces du dossier, que le taux d'insalubrité des secteurs des cours Capou-Montella-Charneau-Ferrand de la commune des Abymes est d'environ 81 % sur une superficie totale d'environ 16 hectares. Par suite, la réhabilitation de ce quartier répond à une finalité d'intérêt général. L'opération litigieuse prévoit la création de 270 à 340 logements et de commerce, de voies de circulation afin de désenclaver le quartier ainsi que de nouveaux équipements, et l'adaptation des réseaux électriques et téléphoniques. La circonstance que les locaux situés sur la parcelle CY 44 ne seraient pas insalubres n'est pas de nature à retirer à l'opération son caractère d'utilité publique. Il ne ressort pas, en outre, des pièces du projet que le coût du projet, l'atteinte à la propriété privée qu'il présente ou les inconvénients d'ordre social, économique ou environnemental seraient de nature à retirer à l'opération litigieuse son caractère d'utilité publique.
6. Si la société galerie Boisneuf soutient que l'inclusion de la parcelle CY n° 44, dont les locaux ne sont pas insalubres, n'est pas nécessaire pour la réalisation du projet, il ressort toutefois des pièces du dossier que la parcelle en cause est située à l'entrée du nouveau quartier, entre le rond-point Hibiscus, la rocade de contournement et la gare inter-rurbaine, et que la démolition de l'immeuble qui s'y trouve érigé permettra de sécuriser l'accès au nouveau quartier. Ainsi, l'inclusion de cette parcelle dans le périmètre d'expropriation n'est pas sans rapport avec l'opération déclarée d'utilité publique.
Sur l'arrêté de cessibilité du 4 juillet 2013 :
7. En premier lieu, aux termes de l'article R.11-20 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, alors en vigueur : " Le préfet désigne, par arrêté (...) un commissaire enquêteur ou une commission d'enquête. / Le même arrêté précise : / 1° L'objet de l'enquête, la date à laquelle celle-ci sera ouverte, sa durée qui ne peut être inférieure à quinze jours ; / 2° Les jours et heures où les dossiers pourront être consultés dans les mairies et les observations recueillies sur des registres ouverts à cet effet qui seront établis sur feuillets non mobiles, cotés et paraphés par le maire ; / 3° Le lieu où siège le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête ; / 4° Le délai dans lequel le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête doit donner son avis à l'issue de l'enquête, ledit délai ne pouvant excéder un mois. / Un avis portant ces indications à la connaissance du public est publié par voie d'affiches et, éventuellement, par tous autres procédés, dans chacune des communes désignées par le préfet. Cette désignation porte au minimum sur toutes les communes sur le territoire desquelles l'opération doit avoir lieu. L'accomplissement de cette mesure de publicité incombe au maire ; il est certifié par lui. /Le même avis est en outre inséré en caractères apparents dans un des journaux diffusés dans le département. "
8. Il ressort des pièces du dossier que l'avis d'enquête parcellaire a été affiché en mairie des Abymes à partir du 15 novembre 2012, comme en atteste le maire de la commune dans le certificat d'affichage du 19 novembre 2012, et publié dans un journal d'annonces légales du département de la semaine du 22 au 28 novembre 2012, dont un exemplaire est produit par la société d'économie mixte d'aménagement de la Guadeloupe. Le moyen tiré de la méconnaissance des mesures de publicités prévues à l'article R.11-20 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique doit, par suite, être écarté.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article R.11-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, alors en vigueur : " (...) Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête donne son avis sur l'emprise des ouvrages projetés (...) ".
10. En vertu de ces dispositions, à l'issue de l'enquête parcellaire, le commissaire-enquêteur doit notamment donner son avis sur l'emprise des ouvrages projetés ou, lorsque les caractéristiques principales des travaux ou des ouvrages et leur localisation n'ont pu encore être établies, sur le périmètre des acquisitions d'immeubles nécessaires.
11. L'enquête publique qui s'est déroulée du 10 décembre 2012 au 10 janvier 2013, a porté tant sur l'utilité publique du projet que sur la délimitation des parcelles nécessaires à sa réalisation. Le dossier d'enquête parcellaire comprenait notamment, un état parcellaire et un plan à l'échelle 1/1000ème précisant le périmètre d'expropriation et les parcelles expropriées. En donnant un avis favorable à l'issue de l'enquête parcellaire, le commissaire enquêteur a approuvé la détermination de l'emprise des ouvrages projetés. Par suite, le moyen tiré de ce que le commissaire enquêteur n'aurait pas donné son avis sur l'emprise des ouvrages projetés doit être écarté.
12. En troisième lieu, aux termes de l'article 9 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements : " Le préfet de département met en œuvre les politiques nationales (...) ". Aux termes de l'article 13 : " Le préfet de département est assisté dans l'exercice de ses fonctions : 1° D'un secrétaire général (...) ". Aux termes de l'article 43 de ce même décret : " Le préfet de département peut donner délégation de signature, notamment en matière d'ordonnancement secondaire : / 1° En toutes matières (...) au secrétaire général (...) ".
13. Par arrêté du 14 février 2013, la préfète de la Guadeloupe a donné délégation à M. A... Setbon, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer " dans les domaines relevant de la compétence du secrétaire général, tous arrêtés, actes, décisions (...) relevant des attributions de l'État dans le département (...) ", à l'exception de certaines matières qui ne sont pas en cause dans ce dossier. En application de l'article 43 du décret du 29 avril 2004, le préfet de département peut, dans toutes les matières relevant de ses compétences, donner délégation de signature au secrétaire général. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté.
14. En quatrième lieu, la procédure d'expropriation litigieuse a été menée selon la procédure de droit commun des articles L. 11-1 et suivants du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, alors en vigueur, et non selon la procédure d'expropriation dérogatoire applicable aux immeubles déclarés insalubres à titre irrémédiable, prévue aux articles 13 à 19 de la loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre, aujourd'hui codifiés aux articles L. 511-1 et suivants du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 13 de la loi du 10 juillet 1970 est inopérant et doit être écarté.
15. En cinquième et dernier lieu, le moyen tiré de ce que la déclaration d'utilité publique n'impliquait pas l'inclusion de la parcelle CY 44 dans l'arrêté de cessibilité n'est pas assorti des précisions permettant à la cour d'en apprécier la portée et le bien-fondé.
16. Il résulte de tout ce qui précède que la société Galerie Boisneuf n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande. Par voir de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que, dans les circonstances de l'espèce, les conclusions présentées sur ce fondement par la société d'économie mixte d'aménagement de la Guadeloupe.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Galerie Boisneuf est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société d'économie mixte d'aménagement de la Guadeloupe au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Galerie Boisneuf, au ministre des outre-mer et à la société d'économie mixte d'aménagement de la Guadeloupe.
Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,
Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère,
Mme Nathalie Gay, première conseillère.
Rendu public par dépôt au greffe le 10 février 2022.
L'assesseure la plus ancienne
Mme Florence Rey-Gabriac
La présidente-rapporteure,
Frédérique Munoz-Pauziès
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre des outre-mer en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX03253