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10/02/2022 | FRANCE | N°20BX02366

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 10 février 2022, 20BX02366


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 21 février 2018 par lequel le préfet de la Réunion a ordonné la fermeture pour une durée d'un mois de l'établissement à l'enseigne " Bar B... Marcel ".

Par un jugement n° 1800262 du 17 juin 2020, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 juillet 2020 et 13 décembre 2021, ce dernier n'ayant pas

té communiqué, M. B..., représenté par Me Maillot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 21 février 2018 par lequel le préfet de la Réunion a ordonné la fermeture pour une durée d'un mois de l'établissement à l'enseigne " Bar B... Marcel ".

Par un jugement n° 1800262 du 17 juin 2020, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 juillet 2020 et 13 décembre 2021, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. B..., représenté par Me Maillot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 17 juin 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 21 février 2018 par laquelle le préfet de La Réunion a ordonné la fermeture de l'établissement " Bar B... Marcel " pour une durée d'un mois ;

3°) de condamner l'État à lui verser la somme de 2 170 euros au titre de l'article L. 761-1 et R.761-1 du code de justice administrative pour la procédure devant le tribunal administratif de La Réunion et la même somme pour la procédure devant la cour.

Il soutient que :

- le délai entre la convocation et l'entretien n'était pas suffisant pour préparer sa défense ;

- la procédure méconnaît les droits de la défense en l'absence de communication de son dossier préalablement à son entretien en date du 14 février 2018 ;

- la décision n'est pas suffisamment motivée dès lors qu'elle n'énonce aucune considération de fait justifiant la sanction infligée ;

- la décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'un avertissement ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 6 § 2, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision viole la liberté d'entreprendre et la liberté du commerce et de l'industrie en ce qu'elle le prive de la possibilité de travailler dans son bar ;

- il n'a jamais été poursuivi ou condamné pour des faits de tapage nocturnes ; le préfet de La Réunion a commis une erreur manifeste d'appréciation en prononçant la fermeture de l'établissement qu'il exploite pour une durée d'un mois ; la mesure de fermeture temporaire est disproportionnée.

Par un mémoire, enregistré le 1er juillet 2021, le préfet de La Réunion conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens développés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nathalie Gay;

- et les conclusions de Mme Madelaigue, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 21 février 2018, le préfet de La Réunion a ordonné la fermeture de l'établissement " Bar B... Marcel ", situé 5 rue Cimendefs Basse-Terre à Saint-Pierre, pour une durée d'un mois. M. B..., exploitant de cet établissement, relève appel du jugement du 17 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 21 février 2018 vise notamment les dispositions des articles L. 3332-15 et L. 3813-43 du code de la santé publique. En outre, il vise le procès-verbal n° 2017/6158 à l'encontre de l'établissement à l'enseigne " Bar B... Marcel " pour " trouble à la tranquillité publique (ouverture tardive de l'établissement, tapage nocturne, réception d'une clientèle manifestement ivre...) " et mentionne l'atteinte à l'ordre public, à la santé et à la tranquillité publique justifiant la fermeture de l'établissement. Ainsi que l'ont indiqué à bon droit les premiers juges, il ressort des pièces du dossier que ce procès-verbal correspond à celui de l'audition libre de M. B... le 5 janvier 2018 au cours de laquelle celui-ci a été informé qu'il était soupçonné de nuisances sonores commises à Saint-Pierre de façon habituelle depuis 2010 et d'une fermeture tardive le 20 décembre 2017 et a reconnu les faits décrits constatés par les agents qui se sont rendus sur place le 20 décembre 2017 entre 1h10 et 1h30. Ces indications, qui ont permis à M. B... de comprendre et de contester la mesure prise à son encontre, étaient suffisantes. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ".

5. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 6 février 2018, le préfet de la Réunion a informé M. B... A... la réception du procès-verbal 2017/6158 selon lequel une procédure avait été diligentée à l'encontre de son établissement pour " trouble à la tranquillité publique (ouverture tardive de l'établissement, tapage nocturne, réception d'une clientèle manifestement ivre...) ", lui a fait part de son projet de décision et des motifs de celle-ci et l'a invité à se présenter à la préfecture le 14 février 2018. À la suite de cet entretien et sans que l'intéressé demande un délai supplémentaire, M. B... a présenté ses observations par courrier du 16 février 2018 en contestant notamment la mesure de fermeture qui pourrait être prise à son encontre par le préfet à la suite de plaintes du voisinage. Ainsi, et alors même que M. B... n'avait pas demandé d'audition, il a été mis à même de présenter des observations écrites et orales dans un délai suffisant. Par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire n'est pas fondé.

6. En troisième lieu, aucune disposition légale ou réglementaire ni aucun principe général du droit n'imposait à l'administration de communiquer à M. B... le dossier administratif avant d'ordonner la fermeture de l'établissement. Au surplus, il ressort des pièces du dossier que M. B... n'a demandé la communication du dossier administratif que le 23 février 2018, postérieurement à la décision contestée. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision est entachée d'un vice de procédure en raison de la méconnaissance du principe des droits de la défense.

7. En quatrième lieu, M. B... ne peut utilement soutenir que la mesure de police qu'il attaque, prise en vue d'assurer la tranquillité publique, aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 6, § 2, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en vertu desquelles " toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ".

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique : " 1. La fermeture des débits de boissons et des restaurants peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas six mois, à la suite d'infractions aux lois et règlements relatifs à ces établissements. / Cette fermeture doit être précédée d'un avertissement qui peut, le cas échéant, s'y substituer, lorsque les faits susceptibles de justifier cette fermeture résultent d'une défaillance exceptionnelle de l'exploitant ou à laquelle il lui est aisé de remédier. / 2. En cas d'atteinte à l'ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publiques, la fermeture peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas deux mois. (...) ". Aux termes de l'article L. 3813-43 du même code : " La fermeture des débits de boissons et des restaurants peut être ordonnée par arrêté du représentant de l'État pour une durée n'excédant pas six mois soit à la suite d'infraction aux lois et règlements relatifs à ces établissements, soit en vue de préserver l'ordre, la santé ou la moralité publics ".

9. En application des dispositions de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique, seule la fermeture administrative prise sur le fondement du 1° de ces dispositions, applicable en cas d'infraction aux lois et règlements relatifs aux débits de boissons et restaurants, doit être précédée d'un avertissement préalable. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux se fonde sur les dispositions du 2°) de cet article, et n'avait pas, par suite, à être précédé de l'avertissement préalable prévu par le 1° de l'article L. 3332-15 précité. Si M. B... a entendu soulever l'absence d'un tel avertissement, le moyen est dès lors inopérant.

10. En sixième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment des procès-verbaux des 20 et 27 décembre 2017 et du 5 janvier 2018 que les services de police ont constaté l'ouverture tardive de l'établissement " Bar B... Marcel " - par exemple à 1h10 le 20 décembre 2017 alors que l'heure légale est fixée à 00h30 - les nuisances sonores provoquées par la diffusion d'une musique à très haut volume, ainsi que les cris de clients très alcoolisés. Il ressort également des pièces du dossier et notamment des plaintes des 4 septembre et 20 novembre 2011 et 18 et 21 décembre 2017, des déclarations de main courante des 9 mars 2013 et 10 mai 2015 et de la pétition du 11 décembre 2017, que l'activité du bar, notamment par la diffusion de musique tardive, et les incivilités de ses clients sont la source de nuisances nombreuses et répétées pour le voisinage. Ces faits caractérisent une atteinte à l'ordre et à la tranquillité publics en relation avec l'activité de l'établissement " Bar B... Marcel " de nature à justifier sa fermeture administrative. Il suit de là que le préfet de La Réunion n'a pas porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté du commerce et de l'industrie qui, découlant de la liberté d'entreprendre, constitue une liberté fondamentale, en ordonnant la fermeture de cet établissement pour une durée d'un mois, qui n'est pas manifestement excessive.

11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 21 février 2018.

Sur les frais exposés en première instance et non compris dans les dépens :

12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

13. Ces dispositions faisaient obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'était pas, en première instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre de ces dispositions.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de La Réunion.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 février 2022.

La rapporteure,

Nathalie GayLa présidente,

Frédérique Munoz-Pauziès

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX02366


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX02366
Date de la décision : 10/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-04 Police. - Polices spéciales. - Police des débits de boissons.


Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : MAILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-02-10;20bx02366 ?
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