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31/01/2022 | FRANCE | N°21BX03889

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 31 janvier 2022, 21BX03889


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 31 décembre 2020 par lesquels, d'une part, le préfet de Haute-Loire lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et interdiction de retour d'une durée de trois mois et, d'autre part, le préfet de la Haute-Garonne l'a assigné à résidence pour une durée de six mois.

Par un jugement n° 2100003 du 6 septembre 2021, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulou

se a annulé l'arrêté du préfet de Haute-Loire du 31 décembre 2020 en tant qu'il refuse...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 31 décembre 2020 par lesquels, d'une part, le préfet de Haute-Loire lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et interdiction de retour d'une durée de trois mois et, d'autre part, le préfet de la Haute-Garonne l'a assigné à résidence pour une durée de six mois.

Par un jugement n° 2100003 du 6 septembre 2021, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du préfet de Haute-Loire du 31 décembre 2020 en tant qu'il refuse d'accorder un délai de départ volontaire à M. C... et lui fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois mois, a annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 31 décembre 2020 l'assignant à résidence et a rejeté le surplus de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 octobre 2021 et un mémoire enregistré le 7 janvier 2022, le préfet de la Haute-Loire demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 6 septembre en tant qu'il a annulé les décisions du 31 décembre 2020 par lesquelles il a refusé d'accorder un délai de départ volontaire à M. C... et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois mois, en tant qu'il a annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 31 décembre 2020 l'assignant à résidence et en tant qu'il a mis une somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat au titre des frais exposés pour l'instance.

Il soutient que :

- en application du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il pouvait refuser d'accorder un délai de départ volontaire à M C... dès lors que celui-ci s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement et, au demeurant, que celui-ci ne disposait pas de garanties de représentation suffisantes ;

- M. C... a refusé de donner son accord pour sa reconduite à la frontière ;

- la circonstance que les liaisons avec Madagascar aient été temporairement suspendues permettaient seulement à l'intéressé de demander l'autorisation de demeurer provisoirement sur le territoire.

Par un mémoire enregistré le 7 décembre 2021, M. C..., représenté par Me Bouix, conclut au rejet de la requête, à ce que le jugement attaqué soit annulé en tant qu'il a rejeté ses conclusions tenant à l'annulation des décisions du 31 décembre 2020 portant refus d'admission exceptionnelle au séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des articles L. 761-1 du Code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que le préfet de de la Haute-Loire n'est pas recevable à demander l'annulation de la décision du 31 décembre 2020 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne l'a assigné à résidence, que la décision lui refusant le séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions des articles L. 313-11 alinéa 7 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, enfin que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par lettre du 13 décembre 2021, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions de M. C..., tendant à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions lui refusant le séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire, qui ne sont pas intervenues sur le fondement ou en exécution des décisions annulées par le tribunal, relèvent d'un litige distinct et sont dès lors irrecevables en raison de leur tardiveté.

Par un mémoire en réponse à ce moyen d'ordre public enregistré le 31 décembre 2021, M. C... soutient que ses conclusions tendant à l'annulation des décisions lui refusant le séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire présentent le caractère de conclusions incidentes et que leur recevabilité n'est dès lors subordonnée à aucune condition de délai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant malgache né en 1996, est entré en France en août 2015 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour " étudiant ". Il s'est vu délivrer des cartes temporaires de séjour portant la mention " étudiant ", dont la dernière était valable jusqu'au 14 septembre 2018. Par un arrêté du 25 avril 2019, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de procéder à un nouveau renouvellement de ce titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire. A la suite de son interpellation suite à un contrôle routier en Haute-Loire le 30 décembre 2020, le préfet de ce département lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et lui a interdit de revenir pendant une durée de trois mois par un arrêté du 31 décembre 2020. Par un arrêté du même jour, le préfet de la Haute-Garonne l'a assigné à résidence sur la commune de Toulouse pour une durée de six mois. Le préfet de la

Haute-Loire relève appel du jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse du 6 septembre 2021 en tant qu'il a annulé les décisions par lesquelles il a refusé d'accorder un délai de départ volontaire à M. C... et lui fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois mois, en tant qu'il a annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 31 décembre 2020 l'assignant à résidence et en tant qu'il a mis une somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat au titre des frais exposés pour l'instance.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Aux termes de l'article R. 811-10-5 du code de justice administrative : " I. - Par dérogation aux dispositions de l'article R. 811-10, le préfet présente devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'Etat lorsque le litige est né de l'activité des services de la préfecture dans les matières suivantes : 1° Entrée et séjour des étrangers en France. "

3. Le litige relatif à la décision du 31 décembre 2020 par laquelle le préfet de la

Haute-Garonne a assigné M. C... à résidence n'étant pas né de l'action des services de la préfecture de la Haute-Loire, M. C... est fondé à soutenir que le préfet de ce dernier département n'est pas recevable à demander, au nom de l'Etat, l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé cette assignation à résidence.

Sur la recevabilité des conclusions incidentes présentées par M. C... :

4. Les décisions portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français, refusant un délai de départ volontaire, portant interdiction de retour sur le territoire français et assignation à résidence étant distinctes, les conclusions les concernant relèvent de litiges distincts et ne sont dès lors recevables devant la cour qu'à la condition d'avoir été enregistrées dans le délai d'appel ayant couru contre le jugement. Il en va toutefois autrement des conclusions incidentes tendant à l'annulation des décisions prises sur le fondement ou en exécution de la décision faisant l'objet de l'appel principal et présentant un lien suffisant avec celle-ci.

5. En l'occurrence, il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué du 6 septembre 2021, prononçant l'annulation des décisions portant refus de délai de départ volontaire, interdiction de retour sur le territoire français et assignation à résidence et rejetant la demande tendant à l'annulation des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire, a été notifié au requérant le 8 septembre 2021 et à son avocat le 7 septembre 2021. Ces courriers de notification précisaient que cette notification faisait courir le délai d'appel qui est d'un mois. Dans ces conditions, les conclusions de M C... présentées dans le litige introduit par le préfet de la Haute-Loire contre le jugement du 6 septembre 2021et tendant à obtenir l'annulation des décisions lui refusant le séjour et portant obligation de quitter le territoire, qui ne sont pas intervenues sur le fondement ou en exécution des décisions annulées par le tribunal, soulèvent un litige distinct et doivent donc être regardées comme présentées à titre principal en appel. Il suit de là que ces conclusions, enregistrées le 7 décembre 2021, sont tardives et ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées comme irrecevables.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

6. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a fait l'objet, le 25 avril 2019, d'une obligation de quitter le territoire à l'exécution de laquelle il s'est soustrait après le rejet, le 24 décembre 2019 du recours qu'il a formé, notamment, contre cette décision devant le tribunal administratif de Toulouse, qui rendait cette décision exécutoire, et qu'il ne peut être regardé comme présentant des garanties de représentation suffisantes dès lors que son passeport était périmé et n'avait pas encore été renouvelé à la date de la décision du 31 décembre 2020 refusant de lui accorder un délai de départ volontaire. En outre, si M. C... soutient qu'il réside en France depuis plus de cinq années, qu'il est locataire d'un appartement, qu'il vit avec sa compagne, titulaire d'une carte temporaire de séjour en qualité d'étudiante, qu'il entretient des relations suivies avec son oncle et sa tante qui résident en France et sont de nationalité française ainsi qu'avec une cousine et des amis et que sa présence est indispensable auprès de sa tante depuis qu'elle a subi un accident vasculaire cérébral, ces circonstances, à les supposer même établies, ne permettent pas de considérer que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire. En outre, la circonstance que les liaisons avec Madagascar aient été temporairement interrompues demeurent sans incidence sur la légalité de cette décision et lui permettait seulement, en application des dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'être autorisé à se maintenir provisoirement sur le territoire français jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation de quitter le territoire.

8. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le premier juge a considéré que sa décision refusant d'accorder à l'intéressé un délai de départ volontaire était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

9. Il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. C... à l'encontre de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et de la décision subséquente lui faisant interdiction de revenir sur le territoire pour une durée de trois mois.

Sur les autres moyens invoqués par M. C... :

10. En premier lieu, les décisions refusant à M. C... un délai de départ volontaire et lui faisant interdiction de revenir sur le territoire national pendant une durée de trois mois comportent les considérations de fait et de droit qui en constituent les fondements. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que ces décisions seraient insuffisamment motivées.

11. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 8 et 10 du présent arrêt que M. C... ne peut pas utilement se prévaloir de l'illégalité de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire pour demander l'annulation de la décision lui faisant interdiction de revenir sur le territoire national pendant une durée de trois mois.

12. En troisième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. ".

13. M. C... soutient que la décision lui faisant interdiction de revenir sur le territoire national pendant une durée de trois mois est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que sa présence est indispensable auprès de sa tante. Toutefois, il ne l'établit pas en se bornant à se prévaloir d'une attestation du médecin traitant de cette dernière du 23 juin 2021 dont il ressort que son état de santé ne lui permet pas d'accomplir normalement les tâches de la vie quotidienne et nécessite la présence d'une tierce personne ainsi que d'une lettre de son oncle indiquant que celle-ci a été victime d'un accident vasculaire cérébral en 2020, qu' " elle a besoin que quelqu'un soit présent et l'aide à effectuer les tâches ménagères " et que

lui-même est en déplacement professionnel du lundi au vendredi.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Loire est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le premier juge a annulé les décisions par lesquelles il a refusé d'accorder un délai de départ volontaire à M. A... C... et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois mois et, dans les circonstances de l'espèce, qu'il a mis une somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Par suite, il y a lieu d'annuler, dans cette seule mesure, ce jugement.

15. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande M. C... au titre des frais qu'il a exposés pour l'instance.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement attaqué du 6 septembre 2021 est annulé en tant qu'il a annulé les décisions du 31 décembre 2020 par lesquelles le préfet de la Haute-Loire a refusé d'accorder un délai de départ volontaire à M. C... et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois mois et en tant qu'il a mis une somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat au titre des frais exposés pour l'instance.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. C... devant la cour sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Loire et au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Brigitte Phémolant, présidente,

Mme Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 janvier 2022.

Le rapporteur,

Manuel B...

La présidente,

Brigitte Phémolant

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°21BX03889 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03889
Date de la décision : 31/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : BOUIX

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-01-31;21bx03889 ?
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