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31/01/2022 | FRANCE | N°20BX02094

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 31 janvier 2022, 20BX02094


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société ADL France a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner la communauté d'agglomération du Grand Guéret à lui verser la somme de 69 600 euros toutes taxes comprises au titre de factures impayées dans le cadre d'un contrat de prospection conclu le 8 décembre 2008, assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2017.

Par un jugement n° 1701151 du 20 février 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société ADL France a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner la communauté d'agglomération du Grand Guéret à lui verser la somme de 69 600 euros toutes taxes comprises au titre de factures impayées dans le cadre d'un contrat de prospection conclu le 8 décembre 2008, assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2017.

Par un jugement n° 1701151 du 20 février 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 juillet 2020 et 3 décembre 2021, la société ADL France, représentée par la SELARL Sexer et Binet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 20 février 2020 ;

2°) de condamner la communauté d'agglomération du Grand Guéret à lui verser la somme de 69 600 euros toutes taxes comprises au titre des factures impayées dans le cadre d'un contrat de prospection conclu le 8 décembre 2008, assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2017 ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Grand Guéret la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- alors que la société Horizon Guéret (enseigne Noz) appartenant au groupe Futura finances a signé un contrat de crédit-bail pour l'implantation d'une plateforme logistique de l'enseigne Noz prévoyant la création de cent quarante emplois, la communauté d'agglomération du Grand Guéret ne lui a versé que 14 400 euros en exécution du contrat et reste donc redevable de la somme de 69 600 euros ;

- l'expiration, le 31 décembre 2012, du contrat de prospection en cause ne faisait pas obstacle au règlement de son solde, dès lors que le contrat prévoit en son article 4 que la prime de résultat peut être due en dehors des dates du contrat ;

- le contrat est licite dès lors que le prix déterminé par le contrat s'impose à la communauté d'agglomération du Grand Guéret qui l'a accepté ; elle a donc droit à la prime de résultat prévue par le contrat qui s'élève à 500 euros hors taxes par emploi en contrat à durée indéterminée à temps plein prévu à compter de la signature du contrat de crédit-bail conclu avec la société Horizon Guéret (Noz) ; le paiement de la prime de résultat peut valablement intervenir au-delà du 31 décembre 2012 en application de l'article 4 ;

- la communauté d'agglomération du Grand Guéret fait preuve de mauvaise foi alors qu'elle a été satisfaite de la mission accomplie ;

- le montant de la prime de résultat sollicitée à hauteur de 69 600 euros toutes taxes comprises est justifié ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, elle apporte la preuve en appel que lors de la signature du crédit-bail, la création de 140 emplois en contrats à durée indéterminée à temps plein était prévue ; dans ces conditions, les prévisions d'emplois portaient exclusivement sur des contrats à durée indéterminée à temps plein, conformément à l'article 3 du contrat ; dans les faits, 173 emplois ont été créés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2021, la communauté d'agglomération du Grand Guéret, représentée par Me Hennette-Jaouen, conclut au rejet de la requête de la société ADL France, par la voie de l'appel incident, à la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 1 000 euros indument versée, et à ce qu'il soit mis à sa charge la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- elle est fondée à solliciter la condamnation de la société requérante à lui verser la somme de 1 000 euros au titre d'un trop perçu de prime de résultat ; alors que la création de 22 emplois était prévue lors de l'implantation de la société Noz, elle justifie avoir versé à la société requérante la somme de 14 400 euros correspondant à 24 emplois en contrat à durée indéterminée à temps plein ;

- les moyens soulevés par la société ADL France ne sont pas fondés.

Par courrier du 3 janvier 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions incidentes de la communauté d'agglomération du Grand Guéret tendant à la condamnation de la société ADL France au paiement de la somme de 1 000 euros, qui ont le caractère de conclusions nouvelles en appel.

Par un mémoire enregistré le 7 janvier 2022, la communauté d'agglomération du Grand Guéret a répondu à ce moyen d'ordre public.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Agnès Bourjol,

- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique,

- et les observations de Me Roussel, représentant la communauté d'agglomération du Grand Guéret.

Une note en délibéré présentée par la communauté d'agglomération du Grand Guéret a été enregistrée le 12 janvier 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Le 8 décembre 2008, la communauté d'agglomération de Guéret Saint-Vaury, devenue la communauté d'agglomération du Grand Guéret, a conclu avec la société ADL France exploitant sous le nom commercial " Performance international ", un contrat de prospection afin que des entreprises s'implantent sur le parc industriel de l'agglomération de Guéret. Le 27 juin 2014, la communauté d'agglomération du Grand Guéret a signé un contrat de crédit-bail avec la société Futura finances pour l'implantation d'une plate-forme logistique pour l'enseigne Noz. En avril 2015, septembre 2015 et novembre 2015, la société ADL France a adressé à la communauté d'agglomération du Grand Guéret trois factures d'un montant respectif de 8 400 euros, de 7 800 euros et de 16 800 euros, toutes taxes comprises. Cette dernière a payé la première facture pour un montant de 8 400 euros et, par une lettre du 28 décembre 2015, a refusé de payer les deux autres. Dans le courant de l'année 2016, la communauté d'agglomération a réglé une somme de 6 000 euros toutes taxes comprises à la société ADL France. Les 15 et 17 décembre 2016, la société ADL France a établi deux factures d'un montant de 16 200 euros et 28 800 euros, toutes taxes comprises, que la communauté d'agglomération du Grand Guéret a refusé de payer. Par un courrier du 19 avril 2017, la société requérante a demandé à la communauté d'agglomération du Grand Guéret de payer les factures émises pour une montant total de 69 600 euros toutes taxes comprises, correspondant à 140 emplois prévus lors de l'implantation de la société Futura finances. Par un courrier du 19 juin 2017, la communauté d'agglomération du Grand Guéret a refusé de faire droit à cette demande. La société ADL France relève appel du jugement du 20 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par la voie de l'appel incident, la communauté d'agglomération du Grand Guéret demande la condamnation de la société ADL France à lui verser la somme de 1 000 euros au titre d'un trop perçu de prime de résultat.

Sur le cadre juridique :

2. Selon l'article 1er du code des marchés publics, alors en vigueur, les contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs et des opérateurs économiques publics ou privés pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fourniture ou de service sont des marchés publics soumis aux dispositions de ce code. En l'espèce, le contrat litigieux, conclu pour quatre ans du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2012, qui a pour objet de confier à la société ADL France, prestataire, une mission de prospection d'investisseurs afin de dynamiser les bassins d'emplois sur le territoire de la communauté d'agglomération de Guéret, répond à un besoin d'intérêt communautaire dès lors qu'il concerne une action de développement économique sur une zone industrielle située sur le territoire de cet établissement public au sens des dispositions du 1°) du I de l'article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales. Le contrat est rémunéré par une contrepartie économique, constitué par un prix comportant une part forfaitaire et une part variable constituée notamment par une prime de résultat. Il doit donc être regardé comme un marché public de services au sens de l'article 1er susmentionné du code des marchés publics.

Sur le solde du marché :

3. Aux termes des stipulations de l'article 3 du contrat litigieux : " En rémunération des services apportés par la société performance international, la Communauté de Guéret Saint-Vaury versera: / - une rémunération forfaitaire de 25 000 euros HT par an. /et / - un montant de 1000 euros HT par rendez-vous pris (...) /et / - Une prime de résultat d'un montant de 500 euros HT par emploi CDI temps plein prévu pour une implantation sur la Communauté de Guéret Saint-Vaury ; ladite prime étant payable à réception de facture établie à la signature du bail de location, de l'acte d'achat ou à l'inscription au registre du commerce. (...) " et aux termes des stipulations de l'article 4 du même contrat : " Le présent contrat est conclu pour une durée déterminée allant du 1/01/2009 au 31/12/2012. / Le contrat prend fin pour la première partie de la rémunération une fois les coordonnées du contact donné, la date du rendez-vous arrêté et le rendez-vous honoré par l'agence et pour la seconde partie à l'implantation, qui peut être en dehors des dates du contrat. ".

4. Il résulte de ces stipulations contractuelles combinées que l'implantation d'une entreprise sur le territoire de la communauté d'agglomération du Grand Guéret, à la suite de la prospection réalisée par la société ADL France, matérialisée par la signature d'un bail de location, d'un acte d'achat ou de l'inscription au registre du commerce, ouvre droit à versement d'une prime de résultat due à concurrence du nombre d'emplois en contrat à durée indéterminée à plein temps prévu lors de la signature du bail, de l'acte d'achat ou de l'inscription au registre du commerce, et ce, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que cette signature intervienne postérieurement à l'échéance, fixée au 31 décembre 2012, du contrat en litige.

5. Il est constant que les actions de prospection effectuées par la société ADL France, durant la période d'exécution du contrat, ont permis l'implantation d'une plate-forme logistique de la société Noz appartenant au groupe Futura finances, sur le territoire de la communauté d'agglomération qui a donné lieu à signature le 27 juin 2014 d'un contrat de crédit-bail.

6. Pour rejeter la demande de la société ADL France tendant au règlement de quatre factures d'un montant respectif de 7 800 euros, 16 800 euros, 16 200 euros, et 28 800 euros dont la communauté d'agglomération du Grand Guéret resterait redevable, les premiers juges ont considéré que la société requérante n'apportait pas d'éléments permettant de démontrer que les prévisions d'emplois lors de la signature du contrat de crédit-bail conclu avec la société Noz portaient uniquement sur des emplois en contrats à durée indéterminée à temps plein.

7. En cause d'appel, la société ADL France produit une attestation émanant du maire de la commune de Guéret, qui était alors membre du conseil communautaire, par laquelle il certifie que, " lors de la signature du crédit-bail, le 27 juin 2014 à laquelle j'ai assisté, j'exerçais la fonction de Député-maire de Guéret et j'atteste que la société Noz avait prévu la création de 140 emplois en contrats à durée indéterminée temps plein ". Il appartient au juge d'apprécier la valeur probante de cette attestation, au regard de l'ensemble des éléments du dossier, alors même qu'elle ne répond pas au formalisme requis par l'article 202 du code de procédure civile. Cette attestation est par ailleurs corroborée par une capture d'écran du site internet de la communauté d'agglomération, réalisée le 3 février 2017 par un huissier, et produite en première instance, indiquant qu'" il est prévu la création d'environ 140 emplois à l'horizon 2016-2017 ". Compte tenu de ces éléments, la société ADL France doit être regardée comme apportant la preuve que les prévisions d'emplois en cause portaient sur des contrats à durée indéterminée selon une quotité de travail de 100 %. Contrairement à ce que fait valoir la communauté d'agglomération, il ne résulte pas des stipulations de l'article 3 que la société requérante devait respecter un délai pour adresser ses factures relatives au paiement de la prime de résultat. Dans le silence sur ce point du contrat, la collectivité n'est pas fondée à faire valoir que la société ADL France a perdu son droit à règlement de cette prime de résultat pour en avoir fractionné le paiement.

8. Par suite et en application des stipulations précitées de l'article 3, le montant de la prime de résultat s'élevant à 500 euros hors taxes par emploi en contrat à durée indéterminée à temps plein prévu, la communauté d'agglomération du Grand Guéret était redevable de la somme de 70 000 euro hors taxes, soit 84 000 euros toutes taxes comprises. Eu égard au règlement partiel effectué à hauteur de 14 400 euros, la société ADL France est fondée à demander à la communauté d'agglomération du Grand Guéret le règlement du solde restant dû, soit 69 600 euros toutes taxes comprises.

9. Il résulte de ce qui précède que la société ADL France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la communauté d'agglomération du Grand Guéret à lui verser la somme de 69 600 euros toutes taxes comprises au titre des factures impayées dans le cadre du contrat de prospection conclu le 8 décembre 2008, et à demander que la communauté d'agglomération du Grand Guéret soit condamnée d'une part, à lui verser une somme de 69 600 euros toutes taxes comprises, d'autre part, à lui verser sur cette somme les intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2017, date de sa réclamation préalable.

Sur les conclusions d'appel incident de la communauté d'agglomération du Grand Guéret :

10. Les conclusions de la communauté d'agglomération du Grand Guéret tendant à la condamnation de la société ADL France au paiement de la somme de 1 000 euros correspondant aux primes de résultat indument versées n'ont pas été soumises aux premiers juges et ont, de ce fait, le caractère de conclusions nouvelles en cause d'appel. Elles sont, par suite, irrecevables et doivent être rejetées.

Sur les frais d'instance :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Grand Guéret la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société ADL France et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La communauté d'agglomération du Grand Guéret est condamnée à verser à la société ADL France la somme de 69 600 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2017.

Article 2 : L'article 1er du jugement n°1701151 du 20 février 2020 du tribunal administratif de Limoges est annulé.

Article 3 : La communauté d'agglomération du Grand Guéret versera à la société ADL France une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société ADL France et les conclusions d'appel incident présentées par la communauté d'agglomération du Grand Guéret sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société ADL France et à la communauté d'agglomération du Grand Guéret.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Brigitte Phémolant, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 janvier 2022.

La rapporteure,

Agnès BOURJOLLa présidente,

Brigitte PHEMOLANTLa greffière,

Sylvie HAYET

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 20BX02094


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02094
Date de la décision : 31/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05 Marchés et contrats administratifs. - Exécution financière du contrat.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: Mme Agnès BOURJOL
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : CABINET PARME

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-01-31;20bx02094 ?
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