Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune de Beychac-et-Cailleau à lui verser une indemnité de 20 000 euros en réparation des préjudices lié au harcèlement moral dont il s'estime être la victime de la part du maire.
Par un jugement n° 1703968 du 3 avril 2019, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 28 mai 2019, le 15 juin 2020 et le 28 avril 2021, M. B... A..., représenté par Me Baltazar, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1703968 du tribunal ;
2°) de condamner la commune de Beychac-et-Cailleau à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts avec les intérêts au taux légal à compter du 31mai 2017 ;
3°) de mettre à la charge de la commune la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en application de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, aucun agent public ne doit subir des faits de harcèlement moral lesquels, quand ils sont avérés, engagent la responsabilité de l'administration vis-à-vis de l'agent concerné ;
- le maire lui reproche un certain nombre de faits qui ne sont pas établis et recherche des prétextes afin de le sanctionner ;
- ainsi, lorsqu'il lui a été demandé en 2013 de retirer sa nouvelle tenue de travail, on a refusé de lui communiquer une note de service et c'est pour cette raison qu'il a refusé de la signer ; le comportement irrespectueux que lui prête le maire à cette occasion n'est nullement avéré ; la sanction prise à son encontre, même si elle a été ensuite retirée, prouve l'attitude de harcèlement du maire ;
- le maire n'avait aucune raison de reprocher à M. A... de ne pas avoir été en service le 15 juin 2015 à 12h55 alors que ce dernier était en pause déjeuner ; il a également été convoqué à un entretien en novembre 2015 au motif qu'il s'était rendu aux toilettes pendant ses horaires de travail ;
- le maire reproche sans l'établir à M. A... de ne pas avoir honoré son temps de travail entre janvier et mars 2016 en se rendant au bois Roudet ; les attestations de ses collègues produites au dossier montrent que ce reproche est infondé car M. A... est simplement venu aider ces derniers ; son comportement bienveillant lui a pourtant valu une nouvelle convocation par le maire ;
- ses avantages de rémunération n'ont jamais été honorés et certains lui ont été retirés sans raison ;
- aucune attitude irrespectueuse, désobéissante ou déloyale ne saurait lui être reprochée ;
- l'ensemble de ces faits révèlent une attitude de harcèlement moral du maire à l'encontre de M. A... ;
- ces faits ont eu aussi pour conséquence de dégrader les conditions de travail de M. A... ; les certificats médicaux produits au dossier et qui décrivent avec précision son état de santé en attestent ;
- le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence dont est victime M. A... doivent être évalués à 20 000 euros de dommages et intérêts.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 janvier 2020, le 14 septembre 2020 et le 29 septembre 2021, la commune de Beychac-et-Cailleau, représentée par Me Laveissière, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du requérant la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.
Par ordonnance du 9 septembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 30 septembre 2021 à 12h00.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 2006-779 du 3 juillet 2006 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frédéric Faïck,
- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique,
- et les observations de Me Baltazar, représentant M A..., et de Me Roncin, représentant la commune de Beychac-et-Cailleau.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... est adjoint technique principal de 2ème classe employé depuis 2008 au service de la voirie et des espaces verts de la commune de Beychac-et-Cailleau. Le 30 mai 2017, M. A... a adressé à la commune une demande d'indemnisation de ses préjudices en raison du harcèlement moral dont il s'estime la victime de la part du maire. Cette demande ayant été rejetée le 20 juillet 2017, M. A... a sollicité du tribunal administratif de Bordeaux la condamnation de la commune de Beychac-et-Cailleau à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans ses conditions d'existence. M. A... relève appel du jugement rendu le 3 avril 2019 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment (...) la rémunération (...) l'appréciation de la valeur professionnelle, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés (...) ".
3. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.
5. M. A... soutient avoir été victime de la part du maire de Beychac-et-Cailleau, entre 2013 et 2016, d'une série d'attitudes et d'agissements révélateurs d'un harcèlement moral engageant, sur le terrain de la faute, la responsabilité de la commune à son égard.
6. Il résulte de l'instruction que M. A... ne s'est pas rendu en mairie afin de récupérer sa nouvelle tenue de travail alors qu'il avait été invité à le faire par le responsable du service technique de la commune le 28 novembre 2013. M. A... s'est ensuite présenté en mairie le 4 décembre 2013 mais a refusé de signer la note de service relative à l'utilisation des nouveaux vêtements de travail et de récupérer sa tenue. Il résulte de l'instruction que M. A..., contrairement à ce qu'il soutient, n'a pas été empêché de prendre connaissance de la note de service et qu'il lui a seulement été refusé l'autorisation de l'emporter à son domicile après qu'il eut exprimé son désaccord sur les sanctions prévues pour les agents refusant le port des nouvelles tenues de travail. Ainsi, M. A... n'est pas fondé à soutenir que son refus de signer la note de service, dont l'établissement procède d'un exercice normal par le maire de son pouvoir d'organisation du service, est justifié par l'impossibilité dans laquelle il a été mis d'en prendre connaissance. Il résulte également de l'instruction que M. A..., en raison de son attitude, a été convoqué par le maire à un entretien du 12 décembre 2013 puis sanctionné le 20 décembre 2013 d'une exclusion des fonctions d'une journée fondée sur son refus de respecter le nouveau règlement sur le port de la tenue de travail. Il n'est pas établi par les éléments de l'instruction que les décisions par lesquelles le maire a convoqué M. A... à un entretien, lancé une procédure disciplinaire et prononcé une sanction, avant d'ailleurs de la retirer, révèlent un comportement de harcèlement susceptible d'engager la responsabilité de la commune.
7. Il résulte de l'instruction qu'au cours d'un entretien qui s'est tenu le 3 juin 2015, soit plus d'un an et demi après l'incident survenu fin 2013, M. A... a reproché au maire de façon véhémente de l'avoir privé de la nouvelle bonification indiciaire, reproche qu'il a réitéré sur un ton semblable dans un courrier du 20 juin 2015. Indépendamment du ton employé par M. A... au cours de ces échanges, il ne résulte pas de l'instruction que les fonctions qu'il exerçait au sein du service des espaces verts de la commune étaient, par leur nature, au nombre de celles éligibles à cette bonification en vertu de l'annexe à l'article 1er du décret du 3 juillet 2006 portant attribution de la nouvelle bonification indiciaire à certains personnels de la fonction publique territoriale.
8. Il résulte de l'instruction qu'en 2010, la commune a supprimé par erreur le " treizième mois " dont bénéficiait ses agents avant de régulariser leur situation pour cependant opposer à M. A..., du moins selon ses affirmations, la prescription quadriennale en ce qui concerne l'année 2010. La circonstance que la commune ait opposé cette prescription à M. A..., comme la loi du 31 décembre 1968 lui permettait de le faire, ne suffit pas à révéler une intention de harcèlement.
9. La commune de Beychac-et-Cailleau fait valoir que, fin mai 2015, le maire a constaté la présence de M. A... dans les locaux techniques alors qu'il était censé travailler aux espaces verts. Ce reproche n'est pas confirmé par les éléments de l'instruction, M. A... soutenant à cet égard que la visite du maire a eu lieu pendant sa pause-déjeuner. De même, si M. A... a été convoqué par le maire à un entretien prévu le 20 novembre 2015, les raisons de cette convocation ne sont pas explicitées par les éléments du dossier. Pour autant, il résulte de l'instruction qu'en janvier 2016, deux adjoints au maire se sont rendus sur le lieu de travail de M. A... pour constater qu'il n'accomplissait pas son service de ramassage des feuilles. Par ailleurs, à la suite d'un échange verbal avec M. A... le 24 mars 2016, le maire a convoqué ce dernier à un entretien dans le cadre d'une procédure disciplinaire. Les attestations de ses collègues que M. A... produit au dossier ne permettent pas d'estimer, eu égard à leur teneur, que les faits qui lui sont reprochés, à savoir une attitude irrespectueuse envers le maire et un refus d'exécuter certaines tâches, ne reposent sur aucun fondement. Ainsi, alors même que certains des reproches que le maire a adressés à M. A... ne sont pas établis au dossier, les éléments de l'instruction ne permettent pas de considérer que ces différents épisodes, qui n'ont d'ailleurs débouché sur aucune sanction, seraient révélateurs d'une attitude de harcèlement à l'encontre de M. A....
10. Il résulte de l'instruction qu'en 2011, 2013, 2014 et 2015, les responsables successifs chargés de l'évaluation de M. A... ont relevé que celui-ci possédait des compétences techniques mais que son investissement dans le travail et dans les relations humaines devait être amélioré. Il n'est pas établi par les éléments de l'instruction que ces appréciations critiques et réitérées sur le comportement de l'intéressé sont entachées d'inexactitudes ou d'une erreur manifeste d'appréciation.
11. Comme l'a jugé à bon droit le tribunal, les faits invoqués par M. A... ne révèlent pas l'existence d'un harcèlement moral à son encontre. Il résulte au contraire des éléments relatés ci-dessus que les convocations et rappels à l'ordre que le maire a adressés à M. A... ne se rattachent pas à un exercice anormal de son pouvoir hiérarchique.
12. Si, enfin, M. A... produit au dossier plusieurs avis d'arrêt de travail et des certificats médicaux indiquant qu'il présente une symptomatologie anxieuse et un syndrome de stress post-traumatique, il résulte de ce qui précède que cet état de santé ne peut être imputé à une attitude de harcèlement moral engageant la responsabilité pour faute de la commune. Au demeurant, dans son avis du 7 juin 2017, la commission de réforme a estimé que le congé pour maladie de M. A... n'était pas imputable au service.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de ce jugement et à la condamnation de la commune à lui verser des dommages et intérêts doivent être rejetées.
14. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions des parties présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE
Article 1er : La requête n° 19BX02204 présentée par M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Beychac-et-Cailleau au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de
Beychac-et- Cailleau.
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Brigitte Phémolant, présidente,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Agnès Bourjol, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2022.
Le rapporteur,
Frédéric Faïck
La présidente,
Brigitte Phémolant
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX02204