Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire pendant de deux ans.
Par un jugement n° 2005698 du 1er février 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 mai 2021, un mémoire de production de pièces et un mémoire complémentaire, enregistrés le 8 et le 28 juin 2021, Mme B..., représentée par Me Trebesses, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er février 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 25 novembre 2020 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, et, de lui délivrer, dans l'attente, un récépissé l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- il révèle un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- la préfète de la Gironde a commis une erreur de droit dès lors qu'elle s'est crue à tort liée par l'avis de l'OFII ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
Par un mémoire enregistré le 9 novembre 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête de Mme B....
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par décision du 8 avril 2021, Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Sylvie Cherrier.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante géorgienne née le 11 mai 1996 à Batoumi (Géorgie), déclare être entrée en France le 24 décembre 2017 munie de son passeport géorgien, accompagnée de ses parents et de sa sœur. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 17 avril 2018, ce rejet ayant été confirmé par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 17 octobre 2018. Par arrêté du 14 décembre 2018, le préfet de Lot-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Sa demande de réexamen de sa demande d'asile a été rejetée le 21 mai 2019 par l'OFPRA puis le 19 septembre 2019 par la CNDA. Le 21 novembre 2019, elle a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade. Mme B... relève appel du jugement du 1er février 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 novembre 2020 par lequel la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi, et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211- 2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ".
3. La décision en litige vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment ses articles 3 et 8, ainsi que les articles pertinents du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquels elle se fonde. En outre, l'arrêté contesté relate les conditions d'entrée et de séjour de Mme B... en France et précise aussi les circonstances de fait propres à sa situation notamment les conditions de son séjour, les principaux aspects de sa vie privée et familiale, les refus qui lui ont été opposés tant par l'OFPRA que la CNDA non seulement à l'encontre de sa demande initiale d'asile mais aussi à l'encontre de sa demande de réexamen, le refus de titre et la mesure d'éloignement prises à son encontre le 14 décembre 2018, la date de sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, l'avis du 9 juin 2020 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) la concernant et mentionne qu'elle ne remplit pas les conditions pour la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. L'arrêté en litige précise enfin que Mme B... n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces conditions, la préfète de la Gironde, qui n'était pas tenue de préciser de manière exhaustive l'ensemble des éléments de fait caractérisant la situation personnelle de l'appelante, a suffisamment motivé sa décision au regard des exigences de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.
4. Par ailleurs, les motifs qui fondent l'arrêté en litige révèlent que la préfète de la Gironde a procédé à un examen circonstancié de la situation personnelle de Mme B... et qu'elle ne s'est pas crue liée par l'avis du collège de médecins de l'OFII.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre. (...) ".
6. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tout élément permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
7. Il ressort des pièces du dossier que les médecins du collège de l'OFII, dans leur avis du 9 juin 2020, ont estimé que l'état de santé de Mme B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle était originaire, elle pouvait y bénéficier d'un traitement approprié et y voyager sans risque.
8. Pour contester cet avis, Mme B... fait valoir qu'elle souffre " d'un trouble bipolaire dont le traitement est difficile à adapter en raison d'une épilepsie séquellaire avec des troubles d'allure autistiques ". A ce titre, elle bénéficie d'un traitement permettant de réduire la fréquence de ses crises. Elle ajoute qu'en cas de retour dans son pays d'origine, elle ne pourra plus bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé, l'une des molécules qui lui sont prescrites n'étant pas disponible en Géorgie. Il ressort des certificats médicaux produits par la requérante qu'elle bénéficie d'un traitement associant plusieurs molécules dont l'une n'est pas commercialisée en Géorgie, selon une réponse du ministre des populations déplacées des territoires occupés, du travail, de la santé et des affaires sociales du 29 janvier 2021. Toutefois, s'il ressort du certificat médical du 16 juin 2021 produit à l'appui du présent recours que cette molécule a permis de réduire la fréquence des crises d'épilepsie dont souffre Mme B... et de l'ordonnance du 14 juin 2021 que ce médicament n'est pas substituable, ce qui permet simplement de conclure qu'il n'a pas d'équivalent générique, ces documents, très peu circonstanciés, ne suffisent pas à démontrer qu'aucune autre molécule ne pourrait être utilement administrée à la requérante en association avec d'autres antiépileptiques. Aucune autre pièce du dossier, et particulièrement les extraits d'articles généraux cités dans la requête d'appel sur le système de santé géorgien, ne permet de remettre en cause l'appréciation du collège de médecins de l'OFII quant à la possibilité pour Mme B... d'accéder en Géorgie au traitement approprié à son état de santé. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation invoqué à l'encontre de l'arrêté dans son ensemble ne peut qu'être écarté.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
10. Il ressort de ce qui a été au point 8 que l'état de santé de Mme B... ne constitue pas un obstacle au prononcé d'une obligation de quitter le territoire français. Par suite, cette décision n'a pas été prise en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la requérante, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'État au titre des frais non compris dans les dépens dès lors qu'il n'est pas dans la présente instance la partie perdante.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie sera adressée à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Karine Butéri, présidente,
Mme Sylvie Cherrier, première conseillère,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 janvier 2022.
La rapporteure,
Sylvie Cherrier
La présidente,
Karine Butéri
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX02093