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20/01/2022 | FRANCE | N°20BX00194

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 20 janvier 2022, 20BX00194


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Saint-Barthélemy d'annuler la délibération du 26 juillet 2018 par laquelle le conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy a refusé de leur délivrer un permis de construire portant sur l'extension d'une case à vent par deux cases créoles de 12,4 mètres carrés chacune sur un terrain cadastré section AZ n° 0077, 0078 et 0079 à Toiny (97).

Par un jugement n° 1800021 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Saint-Barth

lemy a annulé la délibération du 26 juillet 2018, a enjoint à la collectivité de Sain...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Saint-Barthélemy d'annuler la délibération du 26 juillet 2018 par laquelle le conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy a refusé de leur délivrer un permis de construire portant sur l'extension d'une case à vent par deux cases créoles de 12,4 mètres carrés chacune sur un terrain cadastré section AZ n° 0077, 0078 et 0079 à Toiny (97).

Par un jugement n° 1800021 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Saint-Barthélemy a annulé la délibération du 26 juillet 2018, a enjoint à la collectivité de Saint-Barthélemy de procéder au réexamen de la demande de permis de construire de M. et Mme D... dans un délai de trois mois et a mis à la charge de la collectivité de Saint-Barthélemy une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 14 janvier 2020 et le 1er avril 2021, la collectivité de Saint-Barthélemy, représentée par Me Destarac, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Saint-Barthélemy du 15 octobre 2019 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. et Mme D... ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme D... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en considérant que la case à vent existant sur le terrain de M. et Mme D... était en état de ruine ;

- elle aurait pu fonder le refus de permis de construire sur l'article 2 du code de l'urbanisme de Saint-Barthélemy, dans sa version applicable à la date à laquelle le certificat d'urbanisme du 12 janvier 2017 a été délivré, dès lors que le projet en litige, qui se situe en dehors des espaces urbanisés de la collectivité, ne constitue pas une extension d'une construction existante mais consiste en la création de deux cases de 12,4 mètres carrés, séparées de 8 mètres de la construction existante.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 juillet 2020, M. B... D... et Mme A... D..., représentés par Me Novo, demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête de la collectivité de Saint-Barthélemy ;

2°) d'enjoindre à la collectivité de Saint-Barthélemy de leur délivrer le permis de construire sollicité, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la date de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) à défaut, de surseoir à statuer afin de leur permettre de soumettre à la collectivité de Saint-Barthélemy une demande de régularisation du permis de construire sollicité ;

4°) de mettre à la charge de la collectivité de Saint-Barthélemy la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- la requête de la collectivité de Saint-Barthélemy est tardive, dès lors que les délais de distance prévus par l'article R. 811-7 du code de justice administrative ne sont pas applicables ;

- la case existante ne peut être qualifiée de ruine ;

- le refus de permis de construire ne peut être fondé sur l'article 2 du code de l'urbanisme de Saint-Barthélemy, dès lors que leur terrain se situe dans un espace urbanisé de la collectivité ;

- le refus de la collectivité méconnaît le principe d'égalité, dès lors que l'hôtel voisin a obtenu le droit de restaurer une case semblable à la leur ;

- à titre subsidiaire, ils demandent le bénéfice de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'urbanisme de Saint-Barthélemy ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Charlotte Isoard,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me Barreau, représentant la collectivité de Saint-Barthélémy, et les observations de Me Novo, représentant M. et Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte du 9 avril 2015, M. D... et Mme C... ont fait donation à leurs enfants M. B... D... et E... A... D..., des parcelles cadastrées section AZ n° 0077, 0078 et 0079 au lieu-dit Toiny, sur lesquelles était édifiée une case à vent. Par une délibération du 12 janvier 2017, le conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy a délivré à M. D... et Mme C... un certificat d'urbanisme opérationnel portant sur l'extension de 25 mètres carrés de la case existante. Le 18 juin 2018, M. et Mme D... ont déposé une demande de permis de construire portant sur " l'extension " de la case existante par l'ajout de deux cases créoles de 12,4 mètres carrés chacune. La collectivité territoriale de Saint-Barthélemy relève appel du jugement du 15 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Saint-Barthélemy a annulé sa délibération du 26 juillet 2018 par laquelle elle a refusé de délivrer le permis de construire sollicité, lui a enjoint de procéder au réexamen de la demande de permis de construire dans un délai de trois mois, et a mis à sa charge une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1. (...) ". Selon l'article R. 811-5 de ce code : " Les délais supplémentaires de distance prévus à l'article R. 421-7 s'ajoutent aux délais normalement impartis. (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 421-7 du même code : " Lorsque la demande est portée devant un tribunal administratif qui a son siège en France métropolitaine ou devant le Conseil d'Etat statuant en premier et dernier ressort, le délai de recours prévu à l'article R. 421-1 est augmenté d'un mois pour les personnes qui demeurent (...) à Saint-Barthélemy. (...) ". Pour l'application des dispositions du code de justice administrative relatives au bénéfice en appel des délais de distance, le lieu du domicile réel s'apprécie à la date de notification du jugement.

3. Il ressort des mentions de l'accusé de réception de l'application informatique Télérecours que le jugement attaqué a été notifié à la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy, dont le siège se situe à Saint-Barthélemy, le 16 octobre 2019. Sa requête, qui a été enregistrée au greffe de la cour le 14 janvier 2020, a été formée dans le délai d'appel prévu par les dispositions de l'article R. 811-2 du code de justice administrative, augmenté du délai de distance par l'effet de l'article R. 811-5 du même code, qui était applicable. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par les consorts D... doit être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Le conseil exécutif de la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy a refusé de délivrer le permis de construire sollicité au motif que la case existante étant en état de ruine, le projet décrit dans la demande ne pouvait être regardé comme l'agrandissement d'une construction existante, seul aménagement autorisé par l'article N3 du règlement de la carte d'urbanisme de Saint-Barthélemy.

5. Aux termes de l'article N3 du règlement de la carte d'urbanisme de

Saint-Barthélemy : " Agrandissement limité aux bâtiments existants et constructions d'annexes : 1°) Dans les secteurs où ils sont autorisés, les agrandissements des bâtiments ayant une existence légale ne peuvent conduire : ni à la création d'une unité bâtie dont l'emprise au sol de la partie non-enterrée, calculée à l'extérieur des murs, excède 150 mètres carrés / - ni à une augmentation de la hauteur du bâtiment tant à l'égout du toit qu'au faitage / 2°) Dans les secteurs où la construction d'annexes aux bâtiments ayant une existence légale est autorisée, ces annexes ne peuvent être affectées qu'à l'habitation, aux garages et aux locaux techniques ou aux installations de loisirs comme les piscines / Ces annexes doivent être situées à 10 mètres au plus du bâtiment principal. L'emprise au sol totale de la partie non enterrée de ces annexes, calculée à l'extérieur des murs, ne peut excéder 30 mètres carrés (...) ".

6. La case à vent implantée sur le terrain de M. et Mme D..., située sur la parcelle n° 0077, présente une surface de plancher d'environ 10 mètres carrés. Il ressort des photographies versées au dossier qu'elle comportait, à la date de la demande, des murs et une toiture en essentes. Si les ouvertures de la porte et de la fenêtre n'étaient pas fermées à la date de la délibération litigieuse, et s'il n'est pas établi qu'à cette date, la construction était pourvue d'un sol autre qu'en terre battue, il est constant que les éléments constituant le gros-œuvre du bâtiment existaient toujours. Les circonstances que la toiture du bâtiment ne serait pas étanche et que la seule pièce de l'édifice ne comporte pas de menuiserie extérieure, de point d'eau ou d'électricité, ne sont pas de nature à permettre de qualifier cette construction de ruine. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le conseil exécutif de la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy avait commis une erreur d'appréciation en considérant que la case existante était en état de ruine, et en refusant pour ce motif de délivrer le permis de construire sollicité en application du règlement de l'article N3 de la carte d'urbanisme de la collectivité de Saint-Barthélemy.

7. Toutefois, la collectivité de Saint-Barthélemy demande une substitution de motifs pour justifier son refus, sur le fondement des dispositions du 1° de l'article 2 du code de l'urbanisme de Saint-Barthélemy applicables à la date de la délivrance du certificat d'urbanisme le 12 janvier 2017. Si, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, les dispositions d'urbanisme applicables à la demande de permis de construire de M. et Mme D... étaient bien celles en vigueur au 26 juillet 2018 et non celles à la date du certificat d'urbanisme, dès lors que cette demande présentait un projet différent de celui figurant dans la demande de certificat d'urbanisme, ces règles n'ont, de toute façon, pas été modifiées entre le 12 janvier 2017 et le 26 juillet 2018, date de la délibération litigieuse.

8. Aux termes de l'article 2 du code de l'urbanisme de Saint-Barthélemy : " 1° En dehors des espaces urbanisés de la collectivité, seuls peuvent être autorisés : / l'adaptation, le changement de destination, la réfection ou l'extension extrêmement mesurée des constructions existantes (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet de M. et Mme D... ne se situe pas dans une partie de la collectivité comportant un nombre et une densité significatifs de constructions. En outre, il est situé à l'est de l'étang de Toiny, identifié comme une zone floristique et faunistique d'intérêt majeur préservée par l'inventaire des espaces naturels établi en 2016. Ce terrain, s'ouvre, au nord et à l'est, sur une vaste zone naturelle, et a d'ailleurs fait l'objet d'un classement en zone N de la carte d'urbanisme approuvée par la délibération du 24 février 2017 du conseil territorial de la collectivité de Saint-Barthélemy. Il est ainsi situé en dehors des espaces urbanisés de la collectivité, alors même qu'un certificat d'urbanisme a été délivré par le conseil exécutif de la collectivité territoriale de

Saint-Barthélemy le 12 janvier 2017 pour ce terrain, et qu'auraient existé treize maisons dans l'environnement du projet et six cases avant le passage de l'ouragan Lenny en 1999. Les parcelles des consorts D... doivent donc être regardées comme situées en dehors des parties urbanisées de la collectivité au sens de l'article 2 du code de l'urbanisme de Saint-Barthélemy. Or, il ressort des pièces du dossier que le projet soumis à la demande de permis de construire consiste en l'édification de deux cases de 12,4 mètres carrés de part et d'autre de la case existante, qui seront séparées de huit mètres de ce bâtiment, et qui ne peuvent par conséquent être regardées comme une extension de la construction existante, seule autorisée par l'article 2 du code de l'urbanisme de Saint-Barthélemy, mais comme des constructions nouvelles.

10. Il résulte ainsi de l'instruction que le conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy aurait pris la même décision s'il avait entendu se fonder initialement sur la méconnaissance du 1° de l'article 2 du code de l'urbanisme de Saint-Barthélemy. Dès lors, il y a lieu de procéder à la substitution de motifs demandée, qui ne prive pas les intimés d'une garantie procédurale.

11. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme D... devant le tribunal administratif de Saint-Barthélemy et devant la cour.

12. M. et Mme D... font valoir que l'hôtel de luxe voisin a obtenu le droit de restaurer une case similaire en tous points à la leur située en bord de plage. Toutefois, le principe de l'égalité devant la loi ne peut être invoqué à l'appui d'une demande tendant à l'octroi d'un avantage illégal, alors, au demeurant, que la localisation de la case en cause était différente.

13. Il résulte de ce qui précède que la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy est fondée à demander l'annulation du jugement du 15 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Saint-Barthélemy a annulé sa délibération du 26 juillet 2018, lui a enjoint de procéder au réexamen de la demande de M. et Mme D... dans un délai d'un mois, et a mis à sa charge une somme de 1 500 euros.

Sur la demande de sursis à statuer :

14. Si les consorts D... ont entendu invoquer le bénéfice des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, ces dernières permettent seulement la régularisation d'un vice par l'autorité qui a délivré une autorisation de construire, et ne peuvent être utilement invoquées par les pétitionnaires qui n'étaient pas bénéficiaires d'une autorisation de construire. Par suite, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer sur la requête.

Sur l'injonction :

15. Au regard de ses motifs, le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions de M. et Mme D... à fin d'injonction et d'astreinte doivent par suite être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme D... une somme de 1 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la collectivité de Saint-Barthélemy, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme D... demandent à ce titre.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Saint-Barthélemy du 15 octobre 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme D... devant le tribunal administratif de Saint-Barthélemy et leurs conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : M. et Mme D... verseront à la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy, à M. B... D... et à Mme A... D....

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

Mme Fabienne Zuccarello, présidente,

Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 janvier 2022.

La rapporteure,

Charlotte IsoardLa présidente,

Fabienne Zuccarello

La greffière,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au préfet de Saint-Martin et Saint-Barthélemy ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX00194 7


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00194
Date de la décision : 20/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Légalité interne du permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme ZUCCARELLO
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : NOVO

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-01-20;20bx00194 ?
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