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18/01/2022 | FRANCE | N°21BX03350

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 18 janvier 2022, 21BX03350


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé de son transfert aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile ainsi que l'arrêté du même jour par lequel il a été assigné à résidence.

Par un jugement n° 2103971 du 8 juillet 2021, la magistrate désignée du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requ

ête, enregistrée le 13 août 2021, M. B..., représenté par Me Mercier demande à la cour :

1°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé de son transfert aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile ainsi que l'arrêté du même jour par lequel il a été assigné à résidence.

Par un jugement n° 2103971 du 8 juillet 2021, la magistrate désignée du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 août 2021, M. B..., représenté par Me Mercier demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 juillet 2021 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 1er juillet 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile et de lui remettre une attestation de demande d'asile dans le délai de 24 heures suivant la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard en application des dispositions des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ou, en tout état de cause, de procéder au réexamen de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou dans l'hypothèse où M. B... ne serait pas admis à l'aide juridictionnelle, la mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne l'arrêté portant transfert aux autorités italiennes :

- il est entaché d'un défaut de motivation en droit et en fait et d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- il est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'en méconnaissance de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, il n'est pas établi que les brochures d'information sur la procédure de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile lui ont été remises dans la langue malinké qui est la seule langue qu'il comprend ; l'agent de la préfecture n'a pas davantage lu à l'interprète les quatre-vingt pages du document en cause ;

- il est entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions des articles 18.1 b) et 18.1 d) du règlement du 26 juin 2013 dès lors que les autorités françaises avaient connaissance au moment de la formulation de la requête de reprise en charge, de la circonstance selon laquelle il avait fait précédemment l'objet d'un rejet de sa demande d'asile en Italie ;

- il méconnait les dispositions de l'article 3 alinéa 2 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions des articles 17.1 et 17.2 du règlement n° 604/2013 dès lors qu'il rencontre d'importants problèmes de santé nécessitant des investigations médicales poussées, ainsi que très vraisemblablement un suivi médical ;

- la décision litigieuse méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

- cette décision est insuffisamment motivée ; aucune démonstration n'est faite quant au caractère raisonnable de la perspective de mise à exécution de la décision de transfert puisque le préfet se borne à faire état du constat de l'accord implicite des autorités italiennes en date du 20 juin 2021, en soulignant qu'il est " valable " six mois ; en toute hypothèse, le préfet ne se prévaut pas d'un " routing " programmé en vue de mettre à exécution son arrêté dans les quarante-cinq jours, durée de validité de l'assignation à résidence ; enfin, aucune perspective raisonnable de transfert vers l'Italie ne peut intervenir à bref délai en raison de la crise sanitaire actuelle ;

- elle est entachée d'un défaut de base légale en raison de l'illégalité de la décision de transfert aux autorités italiennes ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet ne démontrant pas le caractère raisonnable de la perspective de mise à exécution de la décision de transfert.

Par ordonnance du 4 octobre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 3 décembre 2021 à 12 heures.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 7 octobre 2021 du bureau de l'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Nicolas Normand.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant guinéen né en 1995 a introduit une demande d'asile auprès des services préfectoraux de la Haute-Garonne le 2 juin 2021. Le relevé de ses empreintes décadactylaires a révélé qu'il avait déjà déposé une demande d'asile en Italie le 20 janvier 2018. Les autorités italiennes ont été saisies d'une demande de reprise en charge le 4 juin 2021 et un constat d'accord implicite est intervenu le 20 juin 2021. Par un arrêté du 1er juillet 2021, le préfet de la Haute-Garonne a ordonné le transfert de M. B... aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par un arrêté du même jour, ce préfet a assigné M. B... à résidence jusqu'à la date de son départ. M. B... relève appel du jugement du 7 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté portant transfert aux autorités italiennes :

2. En premier lieu, M. B... reprend en appel, sans l'assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, les moyens tirés du défaut de motivation de l'arrêté contesté et d'un défaut d'examen sérieux de sa situation. Il convient d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n 'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile doit se voir remettre une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout état de cause, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de cette information, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

5. Il ressort des pièces des dossiers que M. B... s'est vu remettre lors de son entretien individuel du 8 juin 2021, le guide du demandeur d'asile ainsi que les brochures intitulées " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' ", lesquels contiennent les informations pour les demandeurs d'une protection internationale dans le cadre d'une procédure de Dublin III. La remise de ces fascicules d'information composant la brochure est attestée par la signature de l'interprète de M. B... sur la page de couverture de ces documents. Il ressort également du compte-rendu de l'entretien individuel dont M. B... a bénéficié et qui fait foi sauf preuve contraire, qu'il a déclaré comprendre parfaitement le malinké et que la version française des guides qui lui ont été remis a été traduite par l'interprète. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article 4 doit être écarté.

6. En troisième lieu, en vertu du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'Etat membre responsable en vertu de ce règlement est tenu de reprendre en charge le demandeur dont la demande est en cours d'examen par les autorités de cet État (point b) de ce paragraphe). Et selon le paragraphe 1 de l'article 23 du règlement : " Lorsqu'un Etat membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. ".

7. M. B... soutient que sa demande d'asile ayant été définitivement rejetée en Italie, le préfet de la Haute-Garonne ne pouvait se fonder sur les dispositions précitées du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.

8. Il ressort des pièces du dossier que si le préfet de la Haute-Garonne a saisi les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge de M. B... sur le fondement des dispositions du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, le formulaire de reprise en charge mentionne que l'intéressé a déjà fait l'objet d'un refus de reconnaissance du statut de réfugié en Italie le 20 janvier 2018. Ce faisant, l'arrêté portant transfert de M. B... aux autorités italiennes ne pouvait être pris sur le fondement des dispositions du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

9. Toutefois, l'arrêté litigieux trouve son fondement légal dans les dispositions du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 qui peuvent être substituées à celles du b) du 1 du même article l'ayant fondé à tort dès lors, d'une part, que M. B... se trouvait dans la situation où, en application du d) du 1 de l'article 18 du règlement du 26 juin 2013, le préfet pouvait décider de son transfert aux autorités italiennes d'autre part, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie, enfin, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions. Il y donc lieu d'accueillir la demande de substitution de base légale présentée par le préfet devant le tribunal.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La procédure de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile ne peut être engagée dans le cas de défaillances systémiques dans l'Etat considéré mentionné au 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride. ". L'article 3 du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dispose que : " (...). / 2. Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. ".

11. L'Italie est membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à celles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette présomption est toutefois réfragable lorsque qu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Dans cette hypothèse, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités italiennes répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.

12. Le requérant fait valoir qu'eu égard aux conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile en Italie, à sa particulière vulnérabilité et à la pandémie de coronavirus, l'Italie n'est pas en mesure de traiter sa demande d'asile. Il ne ressort toutefois pas des nombreux rapports qu'il verse au dossier, qui ne sont d'ailleurs pas tous contemporains de la décision attaquée, que le système d'asile italien manifeste des défaillances telles qu'une demande d'asile ne pourrait y être examinée dans des conditions conformes aux principes dégagés par la Convention de Genève. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en édictant l'arrêté en litige autorisant son transfert vers l'Italie, responsable de l'examen de sa demande d'asile, le préfet de la Haute-Garonne aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

13. En quatrième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...).". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile : " Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'État d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre État. ". Si la mise en œuvre, par les autorités françaises, des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 doit être assurée à la lumière des exigences définies par les dispositions du second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, en vertu desquelles les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif, la faculté laissée à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

14. Si M. B... fait valoir qu'il souffre de céphalées importantes, le seul certificat médical produit ne démontre aucunement que son état de santé le place dans une situation d'une vulnérabilité telle que sa demande d'asile devrait être nécessairement examinée en France. Par suite, le moyen tiré de ce qu'un retour en Italie méconnaîtrait les dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté.

En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

15. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté portant assignation à résidence serait illégal en raison de l'illégalité de la décision portant transfert qui le fonde.

16. En deuxième lieu, l'arrêté contesté vise les textes dont il fait application, notamment les articles L. 573-2, L. 732-3, L. 751-2 et L. 751-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fait référence à la mesure de transfert dont M. B... fait l'objet et précise que l'accord implicite de transfert des autorités italiennes du 20 juin 2021 est valable six mois et que la mesure d'éloignement demeure une perspective raisonnable. Dans ces conditions, et dès lors que le préfet n'était pas tenu de détailler les étapes qu'il entendait conduire pour mettre à exécution son arrêté dans les quarante-cinq jours, durée de validité de l'assignation à résidence, l'arrêté attaqué qui comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde est suffisamment motivé.

17. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge peut être assigné à résidence par l'autorité administrative pour le temps strictement nécessaire à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile. Lorsqu'un Etat requis a refusé de prendre en charge ou de reprendre en charge l'étranger, il est immédiatement mis fin à l'assignation à résidence édictée en application du présent article, sauf si une demande de réexamen est adressée à cet Etat dans les plus brefs délais ou si un autre Etat peut être requis. En cas de notification d'une décision de transfert, l'assignation à résidence peut se poursuivre si l'étranger ne peut quitter immédiatement le territoire français mais que l'exécution de la décision de transfert demeure une perspective raisonnable. L'étranger faisant l'objet d'une décision de transfert peut également être assigné à résidence en application du présent article, même s'il n'était pas assigné à résidence lorsque la décision de transfert lui a été notifiée. ".

18. L'accord des autorités italiennes étant valide pour une période de six mois, l'autorité préfectorale a pu légalement considérer que l'exécution de la mesure d'éloignement demeurait une perspective raisonnable, et que M. B... pouvait faire l'objet d'une assignation à résidence, laquelle constitue une mesure alternative au placement en rétention dès lors que l'intéressé présente des garanties de représentation suffisantes. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'existerait pas, en dépit de la situation sanitaire, une réelle perspective que l'éloignement de M. B... puisse être mené à bien dans le délai d'assignation prévu par l'arrêté. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant assignation à résidence serait entachée d'une erreur de droit ou d'une erreur d'appréciation de sa situation.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et celles tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 janvier 2022.

Le rapporteur,

Nicolas Normand La présidente,

Evelyne Balzamo Le greffier,

André Gauchon La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

3

N° 21BX03350


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03350
Date de la décision : 18/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : MERCIER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-01-18;21bx03350 ?
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