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29/12/2021 | FRANCE | N°21BX02422

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 29 décembre 2021, 21BX02422


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 10 mars 2020 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de renouveler son titre de séjour.

Par un jugement n°2100195 du 12 mai 2021, le tribunal administratif de la Guyane a annulé l'arrêté du 10 mars 2020, a enjoint au préfet de la Guyane de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour de Mme C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et a mis à la charge de l'Etat l

a somme de 800 euros au titre des

articles L. 761-1 du code de justice administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 10 mars 2020 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de renouveler son titre de séjour.

Par un jugement n°2100195 du 12 mai 2021, le tribunal administratif de la Guyane a annulé l'arrêté du 10 mars 2020, a enjoint au préfet de la Guyane de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour de Mme C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros au titre des

articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 9 juin 2021 et le 23 septembre 2021, le préfet de la Guyane, représenté par Me Tomasi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 12 mai 2021 ;

2°) de rejeter la demande de Mme C....

Il soutient que :

- sa requête d'appel est motivée ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que l'arrêté en litige a méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Mme C... ne justifie pas avoir vécu et entretenu une relation avec M. D..., supposé être le père de son enfant, avant et après la naissance de ce dernier ; elle ne justifie pas que le père de l'enfant contribue de manière effective et régulière à l'entretien de l'enfant ; il existe un faisceau d'indices de nature à caractériser une fraude pour l'obtention du titre de séjour ;

- l'arrêté n'est pas entaché d'incompétence ;

- il ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 septembre 2021, Mme C..., représentée par Me Pépin conclut au rejet de la requête, à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'appel du préfet n'est pas motivé ;

- les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 octobre 2021.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Catherine Girault a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante haïtienne, est entrée irrégulièrement sur le territoire français en 2014. Le 20 novembre 2015, elle a donné naissance à un enfant, A..., reconnu

le 2 décembre 2015 par un ressortissant français. Elle a obtenu deux cartes de séjour temporaires en qualité de parent d'un enfant français, et fait venir d'Haïti en 2017 sa fille aînée. Le 27 février 2019, elle a sollicité le renouvellement de sa carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui lui a été refusé le 10 mars 2020. Le préfet de la Guyane relève appel du jugement du 12 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a annulé cette décision, lui a enjoint de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour de Mme C... dans un délai de deux mois et a mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros au titre des

articles L. 761- 1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

2. Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 octobre 2021. Par suite, ses conclusions tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.

Sur la recevabilité de l'appel :

3. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête (...) Elle contient l'exposé des faits et moyens ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".

4. Contrairement à ce que soutient l'intimée, la requête d'appel du préfet, qui contient des moyens et conclusions d'appel, est suffisamment motivée et n'est, par conséquent, pas irrecevable.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable: " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ". La loi n°2018-778 du 10 septembre 2018 a ajouté un second alinéa, applicable aux demandes présentées à compter du 1er mars 2019, prévoyant que : " Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant (...) ".

6. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en œuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de

l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.

7. Le préfet de la Guyane a rejeté la demande de renouvellement de titre de séjour de Mme C... au motif qu'elle n'a présenté aucune preuve de vie commune avec M. D..., de nationalité française, avant, pendant et après sa grossesse et qu'elle ne démontre pas que ce dernier contribue à l'entretien et à l'éducation de l'enfant. Il a relevé en outre que M. D... est connu pour au moins une autre reconnaissance d'enfant et a estimé que la demande de Mme C... était alors suspecte de fraude. Toutefois, le préfet de la Guyane ne pouvait se fonder sur une simple suspicion de fraude et n'apporte pas plus en appel que devant le tribunal d'éléments de nature à constituer un faisceau d'indices suffisants. Par suite, la fraude n'est pas établie.

8. Si Mme C... a reconnu ignorer où se trouve actuellement le ressortissant français qui a reconnu son enfant, lequel ne verse plus de participation pour son entretien, et n'a sollicité le juge aux affaires familiales pour la fixation de cette contribution qu'après la décision du préfet, la condition selon laquelle le demandeur de titre de séjour doit justifier que le parent français, auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant n'est pas applicable aux demandes présentées avant le 1er mars 2019, comme en l'espèce. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Guyane n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a annulé sa décision en date du 10 mars 2020.

Sur les frais d'instance :

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande Mme C... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme C... à fin d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Article 2 : La requête du préfet de la Guyane est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de Mme C... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B... C....

Copie en sera adressée au préfet de la Guyane.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2021.

La présidente-assesseure,

Anne Meyer

La présidente, rapporteure,

Catherine Girault

Le greffier,

Fabrice Benoit

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX02422


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02422
Date de la décision : 29/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : PEPIN

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-29;21bx02422 ?
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