Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 18 février 2019 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 1901058 du 12 mai 2021, le tribunal administratif de la Guyane
a annulé l'arrêté du 18 février 2019, a enjoint au préfet de la Guyane de procéder au réexamen
de la demande de titre de séjour de M. A... dans un délai de deux mois à compter
de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 juin 2021, et un mémoire enregistré le 17 novembre 2021 le préfet de la Guyane, représenté par Me Tomasi, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 12 mai 2021 ;
2°) de rejeter la requête de première instance de M. A....
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a considéré que l'arrêté en litige a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : M. A... n'établit pas l'intensité et la stabilité de ses liens privés et familiaux en France et ne démontre pas d'atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale ; il est célibataire et sans enfant à charge et n'est pas démuni d'attaches à l'étranger, où résident ses parents et où il a vécu jusqu'à l'âge de 16 ans ; la seule circonstance qu'il poursuive ses études en France ne lui confère aucun droit au séjour ;
- M. A... n'apporte aucun élément de nature à caractériser l'existence de circonstances humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire enregistré le 9 novembre 2021, M.A..., représenté par Me Compper Gaudy, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet ne pouvait retenir qu'il était célibataire et sans enfant alors qu'il pourvoit à l'éducation de son fils né le 13 janvier 2019 ;
- arrivé mineur sur le territoire en 2014, il a obtenu tous ses diplômes et s'est inséré
depuis 7 ans tant socialement que professionnellement ; la décision l'empêche d'honorer une formation en alternance pour son BTS ;
- il s'occupe de son oncle malade et handicapé et n'a plus d'attaches familiales en Haïti ;
- la décision méconnaît l'article L313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par ordonnance du 15 octobre 2021, la clôture d'instruction a été fixée
au 24 novembre 2021 .
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Catherine Girault a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant haïtien, a déclaré être entré irrégulièrement sur le territoire français le 7 septembre 2014 alors qu'il était mineur. Le 18 octobre 2018, il a sollicité une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Guyane relève appel du jugement du 12 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a annulé l'arrêté du 18 février 2019 lui refusant un titre de séjour, lui a enjoint de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté en litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Pour retenir une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de M. A..., le tribunal a pris en compte sa scolarisation depuis 2015, durant laquelle il a obtenu des notes correctes, l'obtention de son brevet des collèges en 2015, de son brevet d'études professionnelles Electrotechnique Energie Equipements Communicants en 2017, de son baccalauréat professionnel en 2018 dans la même spécialité, de ses certificats de sauveteur secouriste et de compétences de citoyen de sécurité civile, et de son attestation scolaire de sécurité routière. Toutefois, les deux attestations antérieures à l'arrêté en litige, peu circonstanciées, et la carte d'adhésion à un club de football, non datée, qu'il produit ne démontrent pas son intégration au sein de la société française à la date de la décision du préfet. En outre, si M. A... soutient qu'il poursuit une formation
en BTS en alternance et qu'il a trouvé une entreprise pour sa formation, il ne l'établit pas et a sollicité des aides financières auprès de la collectivité territoriale de Guyane en qualité de jeune majeur. Il ne peut utilement se prévaloir devant la cour du contrat d'aide électricien qu'il a souscrit en août 2021 postérieurement à la décision du tribunal. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu'il est arrivé sur le territoire français à l'âge de 16 ans et que ses parents résident en Haïti. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait tissé des liens personnels intenses, stables et anciens en France autres que ceux entretenus avec son oncle paternel, titulaire d'une carte de résident. S'il soutient que son fils réside en France, il ne démontre pas avoir eu des contacts réguliers avec celui-ci à la date de la décision attaquée, et n'apporte aucun élément relatif à la nationalité de la mère de l'enfant, également née en Haïti, à la régularité de sa situation sur le territoire et à ses liens avec elle, alors qu'il est hébergé chez un tiers. Il ne peut utilement se prévaloir de factures d'achats de produits pour enfants datant de 2021, postérieures à la décision attaquée. En outre, s'il allègue que son oncle est malade, handicapé et doit subir une lourde opération, il ne le démontre pas par la seule attestation de celui-ci, et ne justifie pas davantage que sa présence auprès de lui soit indispensable. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de la Guyane s'est fondé sur une méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler l'arrêté en litige.
4. Il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de la Guyane à l'encontre de l'arrêté du 18 février 2019.
5. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
6. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 du présent arrêt que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation de l'intéressé doivent être écartés.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Guyane est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a annulé son arrêté du 18 février 2019, lui a enjoint de réexaminer la demande de titre de séjour de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
8. M. A... étant partie perdante dans la présente instance, sa demande présentée
au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ne peut qu'être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1901058 du 12 mai 2021 du tribunal administratif de la Guyane
est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de la Guyane
et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Copie en sera adressée au préfet de la Guyane.
Délibéré après l'audience du 30 novembre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
Mme Nathalie Gay, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 décembre 2021.
La présidente-assesseure,
Anne Meyer
La présidente, rapporteure,
Catherine Girault
Le greffier,
Fabrice Benoit
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX02420