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22/12/2021 | FRANCE | N°19BX04503

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 22 décembre 2021, 19BX04503


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, d'annuler le courriel du 6 octobre 2017 par lequel le directeur des ressources humaines de la direction régionale Sud-Ouest OA-SO de la société Orange l'a informé que sa candidature au poste de " chef de projet de ville FTTH " n'était pas retenue et, d'autre part, d'enjoindre à la société Orange de le promouvoir sur ce poste.

Par un jugement n° 1702781 du 25 septembre 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa d

emande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, d'annuler le courriel du 6 octobre 2017 par lequel le directeur des ressources humaines de la direction régionale Sud-Ouest OA-SO de la société Orange l'a informé que sa candidature au poste de " chef de projet de ville FTTH " n'était pas retenue et, d'autre part, d'enjoindre à la société Orange de le promouvoir sur ce poste.

Par un jugement n° 1702781 du 25 septembre 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 25 novembre 2019 et le 8 décembre 2020, M. D..., représenté par Me Lelong, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 25 septembre 2019 ;

2°) d'annuler le courriel du 6 octobre 2017 rejetant sa candidature au poste de " chef de projet de ville FTTH " ;

3°) d'enjoindre à la société Orange de le promouvoir sur un tel poste ;

4°) de mettre à la charge de la société Orange une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que les premiers juges n'ont ni visé ni analysé le mémoire en réplique produit le 30 août 2019 ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu la fin de non-recevoir opposée par la société Orange et estimé que l'acte attaqué n'avait pas de caractère décisoire et relevait de la catégorie des mesures d'ordre intérieur ;

- ce refus à son avancement constitue une discrimination ;

- la décision est prise par une autorité incompétente ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation quant à ses compétences ;

- elle est entachée d'un détournement de pouvoir et de discrimination.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 juin 2020, la société anonyme Orange, représentée par le cabinet Delvolvé et Trichet (SCP), conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. D... une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. D... n'est fondé et reprend sa fin de non-recevoir et ses moyens de défense exposés en première instance.

Par une ordonnance du 9 décembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 5 janvier 2021.

Un mémoire, présenté pour M. D..., a été enregistré le 7 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- le décret n° 2004-765 du 29 juillet 2004 ;

- le décret n° 2004-768 du 29 juillet 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F... B...,

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,

- et les observations de Me Lelong, avocate de M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., fonctionnaire des postes et télécommunications depuis le 1er mars 1983, a été intégré, au sein de la société France Télécom, devenue la société Orange, le 31 décembre 1993, dans un grade dit de " reclassification ", celui d'agent de maîtrise de niveau II.3. Il exerce des fonctions de technicien de supervision et d'exploitation. En 2017, il a présenté sa candidature au poste de " chef de projet ville FTTH ", situé à Poitiers (Vienne), dont la mission est le suivi et le pilotage du déploiement d'une zone " fibre optique jusqu'au domicile ". Par jugement du 25 septembre 2019 dont M. D... relève appel, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté comme étant irrecevable sa demande tendant à l'annulation du refus qui lui a été opposé par courriel du directeur des ressources humaines de la direction régionale Sud-Ouest OA-SO de la société Orange du 6 octobre 2017.

2. Pour rejeter la demande de M. D..., les premiers juges ont estimé que le courriel litigieux du 6 octobre 2017 constituait une mesure d'ordre intérieur, insusceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

3. Aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom : " Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, qui comportent des dispositions spécifiques dans les conditions prévues aux alinéas ci-après, ainsi qu'à l'article 29-1. (...) ". En application de l'article 4 du décret du 29 juillet 2004 relatif aux dispositions statutaires applicables aux corps des cadres de France Télécom, pris en application de ces dispositions, les cadres de premier niveau sont recrutés soit par concours interne soit à l'issue d'un examen professionnel.

4. Ainsi qu'il a été dit au point 1, M. D... exerce des fonctions de technicien de supervision et d'exploitation. Il ressort des pièces du dossier que le poste de " chef de projet ville FTTH " auquel M. D... a candidaté et qui relève du groupe d'emploi Dbis, est un poste de cadre de 1e niveau, de classe 3, de niveau 2, soit la bande III.2 pour les fonctionnaires. Le rejet de cette candidature constitue ainsi pour l'intéressé, qui relève du corps des collaborateurs et agents de maîtrise, un refus de promotion qui, comme tel, porte atteinte à ses perspectives de carrière. Dès lors, et contrairement à ce qu'il est soutenu en défense, M. D... est fondé à soutenir que le courriel du 6 octobre 2017 ne présente pas le caractère d'une mesure d'ordre intérieur mais celui d'une décision faisant grief et que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande comme irrecevable. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé pour ce motif sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen tiré de la régularité du jugement attaqué.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Poitiers.

Sur la demande présentée par M. D... :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de la décision du 6 octobre 2017 :

6. Aux termes des dispositions du 1 de l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom : " Au 31 décembre 1996, les corps de fonctionnaires de France Télécom sont rattachés à l'entreprise nationale France Télécom et placés sous l'autorité de son président qui dispose des pouvoirs de nomination et de gestion à leur égard. Les personnels fonctionnaires de France Télécom demeurent soumis aux articles 29 et 30 de la présente loi. Le président peut déléguer ses pouvoirs de nomination et de gestion et en autoriser la subdélégation dans les conditions de forme, de procédure et de délai qu'il détermine. (...) ".

7. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que M. E... C..., directeur des ressources humaines de la direction régionale Sud-Ouest, aurait bénéficié d'une délégation de compétence ou de signature à l'effet de signer la décision attaquée de refus de promotion. Il n'est pas davantage établi qu'une telle délégation, qui présente le caractère d'acte réglementaire, aurait été publiée, notamment sur un site internet dédié, et ait été librement consultable. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit être accueilli.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la demande de première instance, que M. D... est fondé à demander l'annulation de la décision du directeur des ressources humaines de la direction régionale Sud-Ouest de la société Orange du 6 octobre 2017.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt qui annule la décision attaquée pour incompétence de son signataire n'implique qu'un réexamen de la demande de l'intéressé. Il s'ensuit, compte tenu du moyen retenu, seul fondé en l'état de l'instruction, que les conclusions tendant à ce qu'il soit ordonné à la société Orange de promouvoir M. D... sur le poste de " chef de projet ville FTTH " doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. D..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Orange demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Orange la somme de 1 500 euros à verser à M. D... au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 25 septembre 2019 est annulé.

Article 2 : La décision du directeur des ressources humaines de la direction régionale Sud-Ouest de la société Orange, en date du 6 octobre 2017, est annulée.

Article 3 : Les conclusions de la demande de première instance de M. D... sont rejetées pour le surplus.

Article 4 : La société Orange versera à M. D... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la société Orange présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et à la société Orange.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Karine Butéri, présidente,

Mme Sylvie Cherrier, première conseillère,

M. Olivier Cotte, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 décembre 2021

Le rapporteur,

Olivier B...

La présidente,

Karine Butéri

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19BX04503


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04503
Date de la décision : 22/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUTERI
Rapporteur ?: M. Olivier COTTE
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : SCP DELVOLVE-TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-22;19bx04503 ?
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