Vu la procédure suivante :
Procédure antérieure :
L'association SADIR a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'ordonner le remboursement des crédits d'impôt recherche déclarés au titre des exercices 2011 et 2012, et, d'autre part, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010 à raison du rejet des charges de personnel de recherche et de la remise en cause des crédits d'impôt recherche.
Par un jugement n°1303140, 1405997, 1406095 du 26 juillet 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.
Procédure initiale devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 septembre 2016 et un mémoire enregistré le 3 octobre 2017, l'association SADIR, représentée par Me Genuyt, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) de prononcer les remboursements de crédits d'impôt et la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son assujettissement à l'impôt sur les sociétés démontre qu'elle mène une activité lucrative, ainsi que cela ressort de l'instruction BOI-CHAMP-10-50-10-10 du 5 avril 2017 ;
- en l'absence de sectorisation, il n'est pas possible de distinguer, au sein des activités du contribuable, celles qui sont lucratives et celles qui ne le sont pas ; cette distinction ne pouvait donc fonder à elle seule le rejet du caractère déductible des charges de personnel ;
- le fait qu'une dépense apporte un avantage à un tiers ne signifie pas que cette dépense est nécessairement un acte anormal de gestion ;
- en l'espèce, les dépenses de recherche en cause correspondent exactement à son objet social et donc à son intérêt ; pendant cinq ans, elle a travaillé à la réalisation d'études préliminaires sur le télé-contrôle de dispositifs destinés à prévenir l'apnée du sommeil, sur le télé-suivi de patients transplantés pulmonaires, et sur l'environnement intérieur des patients asthmatiques ; la déduction des dépenses de fonctionnement liées à la recherche est prévue par l'article 236 du code général des impôts ; cette déduction n'a pas à être remise en cause en cas d'échec du projet de recherche ; la doctrine administrative prévoit en pareil cas un amortissement des frais correspondants inscrits à l'actif ;
- même en l'absence de ressources commerciales, les dépenses engagées lui ont permis d'appartenir à un réseau, ce dont elle tire avantage ;
- il n'est pas établi que la société SADIR tirerait un bénéfice des dépenses de recherche engagées par l'association ;
- l'administration n'apporte pas la preuve de l'acte anormal de gestion ; celui-ci n'a au demeurant été soulevé que devant le tribunal ; la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires lui a donné raison.
Par des mémoires enregistrés les 3 avril et 3 novembre 2017, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par arrêt n°16BX03243 du 15 novembre 2018, la cour a, sur appel de l'association SADIR, annulé ce jugement, déchargé l'association des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle avait été assujettie au titre des exercices 2009 et 2010, et des pénalités y afférentes et ordonné le remboursement à l'association des crédits d'impôt recherche qu'elle a sollicités au titre des exercices 2011 et 2012.
Par décision n° 426882 du 5 février 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour du 15 novembre 2018 et renvoyé l'affaire à la cour.
Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d'Etat :
Par un mémoire enregistré le 3 mai 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Elisabeth Jayat,
- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. L'association Soins et assistance à domicile pour insuffisants respiratoires (SADIR), dont l'objet statutaire est notamment la participation à la formation et à la recherche médicale et l'aide aux personnes présentant des insuffisances respiratoires, a été imposée au titre des exercices 2008 à 2010, à l'impôt sur les sociétés. A l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a remis en cause les crédits d'impôt recherche dont elle avait bénéficié au titre des années 2009 et 2010 ainsi que la déduction de dépenses de personnel incluses dans l'assiette de ce crédit d'impôt. L'administration a, par ailleurs, refusé le remboursement du crédit d'impôt recherche demandé par l'association au titre des années 2011 et 2012. Par jugement du 26 juillet 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté les demandes de l'association SADIR tendant au remboursement des crédits d'impôt recherche relatifs aux années 2011 et 2012 et à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010 à raison de la remise en cause des crédits d'impôt recherche et de la réintégration des charges de personnel incluses dans l'assiette de ce crédit d'impôt. L'association fait appel de ce jugement.
Sur l'éligibilité de l'association SADIR au crédit d'impôt recherche :
2. L'article 206 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige, dispose que : " 1. (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes, (...) et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif / 1 bis. Toutefois, ne sont pas passibles de l'impôt sur les sociétés prévu au 1 les associations régies par la loi du 1er juillet 1901 (...) dont la gestion est désintéressée, lorsque leurs activités non lucratives restent significativement prépondérantes et le montant de leurs recettes d'exploitation encaissées au cours de l'année civile au titre de leurs activités lucratives n'excède pas 60 000 €. (...) ". Aux termes de l'article 244 quater B du même code: " Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année ". S'il résulte de ces dispositions que le fait d'exercer une activité sous la forme associative ne fait pas, par lui-même, obstacle au bénéfice du crédit d'impôt recherche dès lors que l'organisme est soumis à l'impôt sur les sociétés, ce dernier doit, pour être éligible à ce dispositif, exercer une activité de nature industrielle et commerciale ou agricole.
3. L'association SADIR doit être regardée, ainsi qu'elle le soutient, comme exerçant une activité lucrative et non désintéressée dès lors qu'elle fournit directement ou indirectement des services à la société SADIR Assistance, société commerciale à laquelle elle est unie par une communauté d'intérêts et par des liens juridiques ou économiques privilégiés, ce que ne conteste d'ailleurs pas l'administration fiscale. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 2 ci-dessus que cette seule circonstance ne suffit pas à la rendre éligible au crédit d'impôt recherche. Il résulte de l'instruction que l'association SADIR, qui tire ses recettes uniquement des loyers d'un immeuble dont elle est propriétaire et qu'elle donne en location à la société SADIR Assistance, et de la perception de divers produits financiers, exerce une activité civile et non une activité de nature industrielle et commerciale ou agricole. Elle ne remplit ainsi pas les conditions fixées à l'article 244 quater B précité du code général des impôts et n'est, par suite, pas éligible au crédit d'impôt recherche prévu par ces dispositions.
Sur la déduction des charges de personnel :
4. Il résulte des articles 38 et 39 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu du I de l'article 209 du même code, que le bénéfice net est établi sous déduction des charges supportées dans l'intérêt de l'entreprise. Ne peuvent être déduites du bénéfice net passible de l'impôt sur les sociétés les charges qui sont étrangères à une gestion commerciale normale. C'est au regard du seul intérêt propre de l'entreprise que doit être apprécié si des charges assumées par le contribuable en vue d'assurer certains avantages à d'autres sociétés correspondent à des actes de gestion commerciale anormale.
5. L'administration peut, à tout moment de la procédure, invoquer une nouvelle base légale ou un nouveau motif de droit propre à justifier l'imposition sous réserve que cette substitution ne prive le contribuable d'aucune garantie. La proposition de rectification du 6 mars 2012 mentionne que les charges remises en cause sont considérées comme " non engagées dans l'intérêt de l'exploitation " mais n'indique pas que les dépenses concernées sont considérées comme exposées dans l'intérêt d'une société tierce et ne qualifie pas la prise en charge des sommes en litige d'acte anormal de gestion. Si en soutenant que l'acte anormal de gestion n'a été soulevé par l'administration que devant le tribunal, l'association requérante a entendu invoquer un moyen tiré de ce que l'administration a modifié, postérieurement à l'établissement de l'imposition, la base légale ou les motifs de celle-ci, en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas soutenu que l'association aurait, de ce fait, été privée d'une garantie. Le moyen doit, par suite, être écarté.
6. Les dépenses de personnel que l'administration a réintégrées au résultat de l'association sont relatives à l'emploi d'un chercheur qui a collaboré à des programmes de recherche fondamentale menés conjointement par l'association SADIR et par la société commerciale SADIR Assistance, en encadrant des équipes de la société SADIR Assistance. L'association soutient que ses recherches portent sur le télé-contrôle de dispositifs destinés à prévenir l'apnée du sommeil, sur le télé-suivi de patients transplantés pulmonaires et sur l'environnement intérieur des patients asthmatiques. Si l'association soutient que ces recherches pourraient, à terme, conduire au développement de prestations de sa part, susceptibles de donner lieu à facturation aux patients, à l'assurance maladie ou aux mutuelles, elle n'apporte à l'appui de ses affirmations aucun élément de nature à corroborer l'hypothèse d'un tel développement d'activités, alors qu'elle reconnaît elle-même que les patients sont réticents du fait de l'atteinte qui pourrait résulter des procédés étudiés à leur vie privée et que le coût des prestations de conseil qu'elle pourrait développer à partir de ces travaux, menés depuis plusieurs années, est trop élevé pour que les patients, l'assurance maladie ou les mutuelles envisagent de les financer. De plus, ainsi que l'a relevé l'administration fiscale au cours du contrôle, l'association SADIR ne bénéficie d'aucun cadre juridique lui permettant de s'approprier les résultats des travaux de recherche entrepris. Si par ailleurs, l'association requérante, dont le président est également le président du conseil d'administration de la société SADIR Assistance, partage avec cette dernière des locaux appartenant à une société civile immobilière dont elles détiennent ensemble le capital, et lui donne en location un local lui appartenant, ces liens ne peuvent, par eux-mêmes, caractériser l'intérêt propre qu'aurait l'association à financer une partie des travaux de recherche dont il s'agit. Elle n'apporte à l'appui de ses affirmations aucun élément permettant d'estimer que sa collaboration à ces travaux de recherche conditionnerait ni même favoriserait la poursuite du bail conclu entre elle et la société SADIR Assistance. Si l'association fait état de participations de sa part à des publications et à des communications lors de congrès nationaux et internationaux sur les thèmes des recherches entreprises, elle n'apporte aucune justification de ce que ces publications et communications lui seraient spécifiquement attribuées ni de l'avantage qu'elle en aurait retiré, notamment en terme de notoriété pour la conduite de son exploitation. Enfin, si l'association SADIR, comme la société SADIR Assistance, adhère à la fédération Antadir (Association nationale pour les traitements à domicile, les innovations et la recherche), elle ne précise pas quels avantages propres elle retirerait de cette adhésion. Ainsi, hormis l'objectif d'amélioration technique des matériels commercialisés par la société SADIR Assistance, il n'apparaît pas que les travaux auxquels a participé le chercheur rémunéré par l'association SADIR auraient représenté un intérêt propre pour l'association, alors même que l'association a pour objet notamment la recherche médicale. Dans ces conditions, et même si la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a émis un avis favorable à la déduction des charges dont il s'agit, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de ce que les travaux ont été conduits dans l'intérêt exclusif de la société SADIR Assistance, et, par suite, du caractère anormal de la prise en charge des coûts en litige qui ne pouvaient ainsi venir en déduction du résultat de l'association.
7. Il résulte de tout ce qui précède que l'association SADIR n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse, par le jugement attaqué, a rejeté ses demandes.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à l'association SADIR de la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'association SADIR est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association SADIR et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Une copie en sera adressée au directeur de contrôle fiscal Sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 30 novembre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Laury Michel, première conseillère,
Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2021.
La première assesseure,
Laury Michel
La présidente-rapporteure,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX00697