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17/12/2021 | FRANCE | N°21BX03184

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 17 décembre 2021, 21BX03184


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 31 décembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2003635 du 8 juillet 2021 le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 31 décembre 2019, enjoint au pr

éfet de délivrer à Mme A... un titre de séjour portant la mention " étudiant " dans le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 31 décembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2003635 du 8 juillet 2021 le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 31 décembre 2019, enjoint au préfet de délivrer à Mme A... un titre de séjour portant la mention " étudiant " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

I- Par une requête enregistrée le 2 août 2021, sous le n° 21BX03184, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 8 juillet 2021.

Il soutient que :

- la requête est recevable ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'intéressée justifiait du caractère réel et sérieux de ses études.

Par mémoire en défense enregistré le 19 novembre 2021, Mme A..., représentée par Me Seignalet Mauhourat, conclut :

1°) à la confirmation du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 8 juillet 2021 ;

2°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un visa de long séjour portant la mention " étudiant " dans le délai de 30 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le moyen du préfet n'est pas fondé.

Par une ordonnance du 13 août 2021, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 22 septembre 2021 à 12h00.

Par décision du 28 octobre 2021, le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été maintenu à Mme A....

II- Par une requête enregistrée le 2 août 2021 sous le n° 21BX03185, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement n°2003635 du 8 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 31 décembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Il soutient que les conditions de l'obtention du sursis à exécution sont remplies dès lors que sa requête au fond contient des moyens sérieux de nature à entrainer l'annulation du jugement et le rejet des conclusions à fin d'annulation présentées par la requérante.

Par décision du 28 octobre 2021, le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été maintenu à Mme A....

Vu :

- les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention entre la République française et la République du Cameroun relative à la circulation et au séjour des personnes du 24 janvier 1994, publiée par décret n° 96-1033 du 25 novembre 1996 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Dominique Ferrari, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante camerounaise née le 4 août 1994, est entrée en France le 25 août 2014, sous le couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour " étudiant " valant titre de séjour du 12 août 2014 au 12 août 2015. Mme A... a par la suite bénéficié d'une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " étudiant " régulièrement renouvelée entre le 1er octobre 2015 et le 30 septembre 2018. Le 1er novembre 2019, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour " étudiant " sur le fondement de l'article 7 de la convention entre la République française et la République du Cameroun relative à la circulation et au séjour des personnes du 24 janvier 1994. Par un arrêté du 31 décembre 2019, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Par un jugement du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de délivrer à Mme A... un titre de séjour portant la mention " étudiant " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Le préfet de la Haute-Garonne relève appel de ce jugement et demande à la cour d'en ordonner le sursis à exécution.

Sur la jonction :

2. Les requêtes nos 21BX03184 et 21BX03185 du préfet de la Haute-Garonne tendent, pour l'une, à l'annulation et, pour l'autre, au sursis à exécution du même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :

3. Aux termes de l'article 7 de la convention du 24 janvier 1994 entre le gouvernement de la République Française et le gouvernement de la République du Cameroun relative à la circulation et au séjour des personnes : " Les nationaux de chacun des États contractants désireux de se rendre sur le territoire de l'autre État en vue d'effectuer des études doivent, pour être admis sur le territoire de cet État, être en possession, outre d'un visa de long séjour et des documents prévus à l'article 1er de la présente Convention, de justificatifs des moyens de subsistance et d'hébergement, et d'une attestation de préinscription ou d'inscription délivrée par l'établissement d'enseignement qu'ils doivent fréquenter. (...) ". Aux termes de l'article 14 de cette même convention : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application des législations respectives des deux Etats sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par la présente Convention " et enfin aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et de la demande d'asile : " I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention "étudiant" (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'administration, saisie d'une demande de renouvellement de titre de séjour présentée en qualité d'étudiant, de rechercher à partir de l'ensemble du dossier et notamment au regard de sa progression dans le cursus universitaire, de son assiduité aux cours, et de la cohérence de ses choix d'orientation, si le demandeur peut être regardé comme poursuivant avec sérieux les études entreprises.

4. Pour prononcer l'annulation de l'arrêté en litige les premiers juges ont estimé que Mme A... justifiait du caractère réel et sérieux de ses études à la date de l'arrêté attaqué et que par suite, la décision de refus de séjour était entachée d'une erreur d'appréciation.

5. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que depuis son arrivée en France en août 2014, Mme A... a validé une licence de droit à l'issue de l'année universitaire 2014/2015 mais a été ensuite ajournée en première année de master " droit public ", lors de l'année universitaire 2015/2016, avant de s'orienter, lors de l'année universitaire 2016/2017, en première année de master " carrières publiques ". Elle a cependant décidé de changer à nouveau d'orientation et s'est inscrite en première année de master " droit des libertés " qu'elle n'a pas validé lors des années universitaires 2017/2018 et 2018/2019. Enfin, à la date de l'arrêté attaqué, pour l'année universitaire 2019/2020, Mme A... avait encore changé d'orientation en s'inscrivant en première année de master " droit pénal et sciences criminelles ". Ainsi, en cinq années d'études, Mme A... a connu trois ajournements et le seul diplôme qu'elle a obtenu est antérieur de plus de deux ans à l'arrêté en litige, ce qui témoigne de l'absence d'évolution positive de son cursus universitaire. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que les études suivies par Mme A..., qui a changé de cursus universitaire à quatre reprises en cinq ans, ne pouvaient être regardées comme sérieuses. Dès lors, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges, pour annuler l'arrêté en litige, se sont fondés sur ce motif.

6. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... en première instance à l'encontre de l'arrêté en litige.

Sur les autres moyens :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire serait privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour, doit être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Mme A... est entrée en France en 2014, à l'âge de 20 ans, et a été autorisée à y séjourner pour suivre des études. Elle est célibataire et sans enfant. Il ressort des pièces du dossier qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches au Cameroun où résident a minima ses parents. Dans ces conditions quand bien même elle a noué des liens amicaux en France, en refusant de renouveler le titre de séjour de la requérante, le préfet n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels la décision a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

10. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait privée de base légale du fait de l'illégalité des décisions portant refus de renouvellement de son titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif doit être rejetée.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Le présent arrêt, qui annule le jugement du tribunal administratif de Toulouse et qui rejette la demande de Mme A..., n'appelle aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par Mme A... doivent être rejetées.

Sur la demande de sursis à exécution :

13. Le présent arrêt statuant au fond sur les conclusions du préfet de la Haute-Garonne tendant à l'annulation du jugement du 8 juillet 2021 du tribunal administratif de Toulouse, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21BX03185 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur les frais d'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse au conseil de Mme A... la somme qu'il réclame en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2003635 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : La demande de première instance présentée par Mme A... et le surplus de ses conclusions sont rejetés.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21BX03185 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 2003635 du 8 juillet 2021 du tribunal administratif de Toulouse.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B... A....

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021.

Le rapporteur,

Dominique Ferrari La présidente,

Evelyne Balzamo Le greffier,

Lionel Boullemant

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N°s 21BX03184, 21BX03185


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03184
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Dominique FERRARI
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SEIGNALET MAUHOURAT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-17;21bx03184 ?
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