La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/12/2021 | FRANCE | N°21BX02938

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 17 décembre 2021, 21BX02938


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 29 janvier 2021 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2100752 du 1er juillet 2021 le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 juillet 2021,

Mme C..., représentée par Me Masson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 29 janvier 2021 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2100752 du 1er juillet 2021 le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 juillet 2021, Mme C..., représentée par Me Masson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 1er juillet 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 janvier 2021 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de lui délivrer un titre de séjour, ou de réexaminer sa demande en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail, et ce dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens ainsi qu'une somme de 1 500 euros à verser à son conseil, au titre des dispositions combinées de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté en litige est entaché d'un vice d'incompétence de son auteur ;

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée et comporte des erreurs qui révèlent un défaut d'examen de sa situation personnelle ; elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile- et de l'article L. 313-14 du même code ; elle méconnait les stipulations des articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012 ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ; elle méconnait les stipulations des articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée.

Par une décision en date du 29 juillet 2021, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à Mme C....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme E... G....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C..., ressortissante sénégalaise née le 7 juin 1969, est entrée en France le 27 août 2019 munie d'un visa court séjour. Elle a demandé, le 17 juin 2020, la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 29 janvier 2021, le préfet de la Charente-Maritime a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi. Mme C... relève appel du jugement du 1er juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 29 janvier 2021 :

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

2. Mme C... reprend en appel son moyen de première instance tiré de l'incompétence du signataire de l'acte en soutenant que la délégation consentie est extrêmement large et ne permet pas de s'assurer que M. D... F... était compétent pour signer ce type de décision. Toutefois, par un arrêté n° 17-2020-05-11-001 du 11 mai 2020, publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture, le préfet de la Charente-Maritime a donné délégation de signature à M. Pierre Molager, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, requêtes et mémoires devant les tribunaux de l'ordre administratif et judiciaire, actes, correspondances et documents, au nombre desquels figure celle relevant du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, contrairement à ce que fait valoir l'appelant, cette délégation n'est ni imprécise ni générale. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, la décision litigieuse vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles L. 313-11 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle décrit les conditions d'entrée et de séjour de Mme C... en France et résume la teneur de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 22 décembre 2020, qu'elle vise. Ainsi, et alors même qu'elle n'évoquerait pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation familiale et personnelle de l'intéressée, s'agissant notamment du mariage coutumier qu'elle a contracté au Sénégal le 17 septembre 2019 avec M. A..., chez lequel elle réside en France, cette décision comporte les considérations de droit et de fait qui la fondent et, de ce fait, est suffisamment motivée.

4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Charente-Maritime n'aurait pas procédé à un examen particulier et suffisamment approfondi de la situation de Mme C....

5. En troisième lieu, l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre. (...). ".

6. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous les éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

7. En l'espèce, l'avis du collège des médecins du 22 décembre 2020 indique que la requérante nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'elle peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine vers lequel elle peut voyager sans risque. Si l'intéressée énonce avec précision ses problèmes de santé ainsi que les traitements qui lui ont été prescrits, en produisant des certificats médicaux faisant état des pathologies en cause, elle ne fait état d'aucun élément ou document permettant d'établir que les traitements nécessités par son état de santé ne seraient pas disponibles au Sénégal. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de titre de séjour serait entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur son état de santé.

8. En quatrième lieu, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".

9. Si la requérante fait valoir qu'elle ne vit pas en situation de polygamie, qu'elle vivait en France depuis plus d'un an à la date de la décision attaquée, qu'elle n'est pas connue des services de justice ou de police, que ses enfants, ainsi que son époux résident en France, où elle est bien intégrée et peut bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé, ces éléments, considérés séparément ou ensemble, ne constituent pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels susceptibles de permettre son admission au séjour sur le fondement des dispositions citées au point précédent.

10. En cinquième lieu, la requérante soutient que la décision de refus de titre de séjour méconnait les stipulations des articles 2, 3, et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatifs, respectivement, au droit à la vie, à l'interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants, et à l'interdiction des discriminations. Toutefois, l'examen médical du 2 mars 2021 fait état d'un " bilan rassurant " et ainsi qu'il a été dit au point 7 Mme C... n'établit pas qu'elle ne pourrait pas effectivement accéder à des soins appropriés à ses pathologies dans son pays d'origine, où elle vivait jusqu'en 2019. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles précités et de l'erreur manifeste commise par le préfet dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée ne peuvent qu'être écartés.

11. En sixième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

12. Mme C... fait valoir qu'elle est mariée avec M. A..., qui vivrait régulièrement sur le territoire français depuis plus de 40 ans, que deux de ses filles, ainsi que des neveux et nièces, y résident également et que sa troisième fille vit en Espagne. Toutefois, elle n'établit pas ses allégations en produisant une attestation non datée de M. A... certifiant l'avoir hébergée, un certificat de mariage coutumier daté du 17 septembre 2019 par lequel les époux déclarent opter pour la polygamie limitée à quatre femmes, et un document de séjour espagnol au nom de Mme H... C.... En outre, elle n'établit pas l'existence de la famille dont elle se prévaut en France et n'apporte aucun élément corroborant l'insertion alléguée sur le territoire national. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de titre de séjour porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. En septième et dernier lieu, Mme C... ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui n'est pas au nombre de celles qui sont opposables au sens de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration dans les conditions fixées à l'article R. 312-10 du même code et, au surplus, ne comporte que des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

14. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre serait dépourvue de base légale en raisons de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

15. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 10 et 12.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

16. La décision attaquée, qui vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et indique que la requérante n'établit pas être exposée à des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, est suffisamment motivée en droit et en fait.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 janvier 2021 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant au paiement des entiers dépens et à l'application des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 29 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Karine Butéri, présidente,

Mme Sylvie Cherrier, première conseillère,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 décembre 2021.

La rapporteure,

Sylvie G...

La présidente,

Karine Butéri

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 21BX02938


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02938
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUTERI
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-17;21bx02938 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award