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17/12/2021 | FRANCE | N°21BX02074

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 17 décembre 2021, 21BX02074


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite.

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refu

sé son admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un déla...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite.

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé son admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination duquel il pourrait être reconduit.

Par un jugement n° 2006320, 2006321 du 15 janvier 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 11 mai 2021, M. B..., représenté par Me Bachet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions contenues dans l'arrêté du 23 novembre 2020 du préfet de la Haute-Garonne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 2 000 euros à verser à son avocat sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ou, dans l'hypothèse où il ne serait pas admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, de lui verser ladite somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les décisions contestées sont entachées d'un défaut de motivation en méconnaissance des dispositions des articles L. 211-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation ;

- la décision portant refus d'admission au séjour est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet a appliqué les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant de New-York en raison de la pathologie et de la prise en charge de son fils ;

- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale dans la mesure où elle est justifiée par la décision du même jour portant refus d'admission au jour ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale dans la mesure où elle est justifiée par les décisions du même jour portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire ;

- elle entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet s'est estimé en situation de compétence liée par la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'il encourt des risques de traitements inhumains et dégradants.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 octobre 2021, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens présentés par M. B... n'est fondé.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 avril 2020.

II. Par une requête enregistrée le 13 mai 2021, Mme B..., représentée par Me Bachet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions contenues dans l'arrêté du 23 novembre 2020 du préfet de la Haute-Garonne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 2 000 euros à verser à son avocat sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ou, dans l'hypothèse où elle ne serait pas admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle, de lui verser ladite somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle reprend les mêmes moyens que ceux invoqués dans la requête n° 21BX02074.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 octobre 2021, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens présentés par Mme B... n'est fondé.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 avril 2020.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Marianne Hardy a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... B... et Mme C... E... épouse B..., ressortissants albanais nés en 1986, sont entrés en France, selon leurs déclarations, en octobre 2018 accompagnés de leurs deux enfants mineurs. A... ont présenté des demandes d'asile qui ont été rejetées en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 18 décembre 2019. A... ont alors présenté, chacun, une demande d'admission exceptionnelle au séjour. Par deux arrêtés du 23 novembre 2020, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté leurs demandes, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par les deux requêtes enregistrées sous les numéros 21BX02074 et 21BX02075, M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 15 janvier 2021 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés. Ces requêtes concernant la situation d'un couple et présentant à juger des mêmes questions, il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

2. Les arrêtés attaqués visent les textes dont il est fait application, mentionnent les faits relatifs à la situation personnelle et administrative de M. et Mme B... et indiquent avec précision les raisons pour lesquelles le préfet de la Haute-Garonne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Ces indications, qui ont permis à M. et Mme B... de comprendre et de contester les mesures prises à leur encontre, étaient suffisantes alors même que ces arrêtés ne mentionnent pas l'existence de leur troisième enfant, né en France, ni les pièces qu'ils avaient produites. Par suite, le moyen tiré de la motivation insuffisante des arrêtés contestés doit être écarté.

3. Il ne ressort pas de cette motivation ni des autres pièces des dossiers que le préfet n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation de M. et Mme B..., notamment au regard des dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, la seule circonstance que l'existence de leur troisième enfant ne figurent pas sur les arrêtés contestés n'est pas suffisante, en l'espèce, pour caractériser le défaut d'examen allégué au regard de l'intérêt supérieur des enfants.

4. Si M. et Mme B... font valoir qu'ils résident en France avec leurs trois enfants, nés en 2011, 2012 et 2020, que leurs deux aînés y sont scolarisés, que Mme B... bénéficie d'une prise en charge en raison d'un syndrome de stress post-traumatique et M. B... d'une promesse d'embauche, que Mme B... maîtrise la langue française et M. B... suit des cours aux fins de la maîtriser et qu'ils effectuent du bénévolat dans le milieu associatif, ces éléments ne peuvent être regardés comme caractérisant des circonstances exceptionnelles ou des motifs humanitaires au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article doit être écarté.

5. Si M. et Mme B... font valoir qu'ils vivent en France depuis deux ans avec leurs enfants, dont le dernier est né en France, la durée de leur présence en France est consécutive à l'examen de leurs demandes d'asile, qui ont été définitivement rejetées par la Cour nationale du droit d'asile au mois de décembre 2019, et par l'examen de leurs demandes d'admission exceptionnelle au séjour. M. et Mme B... ne justifient, en France, d'aucune attache particulière, la scolarisation de leurs deux aînés et la naissance à Toulouse de leur troisième enfant ainsi que leur investissement en tant que bénévoles dans des associations n'étant pas, en l'espèce, de nature à caractériser de telles attaches. La volonté d'intégration dont A... font preuve, telle qu'elle ressort des attestations établies par des voisins, des membres du Secours populaire français et des élus, n'est pas davantage de nature à caractériser l'existence de liens anciens et stables en France où M. et Mme B... sont arrivés récemment après avoir vécu plus de trente ans en Albanie. Par ailleurs l'attestation " d'accompagnement psychologique " établie en mai 2019 par l'association Psychologues du monde, qui se borne à faire état du récit de vie de l'intéressée, ne permet pas de considérer que l'état de santé de Mme B... rendrait indispensable sa présence en France. Par suite, le préfet ne peut être regardé, en ayant refusé de leur délivrer un titre de séjour et en leur ayant fait obligation de quitter le territoire français, comme ayant porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée eu égard aux motifs de ces refus et aux buts poursuivis par les mesures d'éloignement. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation dont seraient entachées les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français doivent être écartés.

6. Par ailleurs, les décisions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer les intéressés de leurs enfants qui pourront poursuivre leur scolarité hors de France, notamment en Albanie, pays dont A... ont la nationalité. Par suite, les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne peuvent être regardées comme ayant été prises en méconnaissance de l'intérêt supérieur des enfants de M. et Mme B.... Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

7. Pour les motifs exposés aux points précédents, les moyens tirés de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français seraient privées de base légale en raison de l'illégalité des décisions de refus de séjour et de ce que les décisions fixant le pays de renvoi seraient privées de base légale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français doivent être écartés.

8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne se serait estimé lié par les décisions de la Cour nationale du droit d'asile, la seule mention, dans les arrêtés contestés, de ce que M. et Mme B... n'apportaient pas d'éléments nouveaux par rapport à ceux présentés devant la Cour nationale du droit d'asile n'étant pas suffisante pour considérer que le préfet n'aurait pas porté sa propre appréciation sur les risques dont les intéressés faisaient état en cas de retour en Albanie. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont seraient entachées, pour ce motif, les décisions fixant le pays de renvoi doit être écarté.

9. Enfin, si M. et Mme B... font valoir que leur famille encourt des risques en cas de retour en Albanie en raison du meurtre commis par un membre de la famille de Mme B... en 1997 et de la disparition d'un autre membre de sa famille, le récit qu'elle expose est particulièrement confus et les documents qu'elle produit ne permettent pas de tenir pour établi qu'elle serait exposée, ainsi que sa famille, à des risques pour sa vie ou sa sécurité en cas de retour en Albanie. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable, et de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de la Haute-Garonne du 23 novembre 2020. Par suite, leurs requêtes doivent être rejetées, y compris leurs conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme B... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Mme C... E... épouse B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 2 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021.

La présidente-rapporteure,

Marianne HardyLa présidente-assesseure,

Fabienne Zuccarello

La greffière,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX02074, 21BX02075 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02074
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Marianne HARDY
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-17;21bx02074 ?
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