La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/12/2021 | FRANCE | N°19BX04921

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 17 décembre 2021, 19BX04921


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Petit Bourg Cannelle (PBC) a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision par laquelle le maire de la commune du Lamentin a implicitement rejeté sa demande du 27 novembre 2017 tendant à obtenir la réparation des préjudices résultant de la délivrance illégale du permis de construire n° 97 22 13 05 248 du 14 août 2007 ainsi que du retard dans la modification des accès au chantier et de condamner la commune à lui verser une somme totale de 711 238,76 euros hors tax

es en réparation de ces préjudices.

Par un jugement n° 1800193 du 3 octobre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Petit Bourg Cannelle (PBC) a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision par laquelle le maire de la commune du Lamentin a implicitement rejeté sa demande du 27 novembre 2017 tendant à obtenir la réparation des préjudices résultant de la délivrance illégale du permis de construire n° 97 22 13 05 248 du 14 août 2007 ainsi que du retard dans la modification des accès au chantier et de condamner la commune à lui verser une somme totale de 711 238,76 euros hors taxes en réparation de ces préjudices.

Par un jugement n° 1800193 du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de la Martinique a condamné la commune du Lamentin à verser la SCI Petit Bourg Cannelle la somme totale de 27 415,69 euros hors taxes et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 décembre 2019 et 23 octobre 2020, la société PBC, représentée par Me Dudkiewicz puis par Me Parnière, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer le jugement n° 1800193 du 3 octobre 2019 en tant que le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande du 27 novembre 2017 et a limité à la somme de 27 415,69 euros hors taxes l'indemnité au versement de laquelle il a condamné la commune du Lamentin en réparation des préjudices qu'elle a subis.

2°) d'annuler la décision par laquelle le maire de la commune du Lamentin a implicitement rejeté sa demande du 27 novembre 2017 ;

3°) de porter à la somme de 771 694,05 euros le montant de l'indemnité due au titre des préjudices qu'elle a subis, avec capitalisation des intérêts à compter du dépôt de sa requête d'appel ;

4°) de mettre à la charge de la commune du Lamentin la somme de 60 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité pour faute de la commune est engagée, d'une part, dès lors qu'elle lui a délivré un permis de construire illégal et, d'autre part, en ce qu'elle a tardé à modifier les accès au chantier qui avaient été bloqués par des riverains ; lors de l'octroi du permis de construire, la commune aurait dû vérifier les accès au projet de construction et formuler des prescriptions spécifiques pour l'accès des engins de chantier pendant la durée des travaux ; la voix nord d'accès au chantier est une voie communale dont il appartenait à la commune d'assurer la libre circulation, y compris pour les engins de chantier ; la commune ne peut se prévaloir de l'indépendance des législations dans la mesure où, lorsque le projet porte sur une opération ou des travaux soumis à autorisation de défrichement, celle-ci doit être obtenue préalablement à la délivrance du permis ;

- M. A... n'a jamais été, en son nom personnel, gérant de la société PBC de sorte qu'aucune faute de cette dernière ne pourra être retenue ;

- le préjudice subi du fait de la perte de loyers consécutive à l'arrêt du chantier pour une période de 10 mois et 12 jours en raison du défrichement interdit s'élève à 272 854,83 euros ; le tribunal, qui a fixé la responsabilité de la commune à 25 % des dommages subis par la SCI PBC au titre de ce poste de préjudice, a ainsi procédé à un calcul erroné en lui attribuant la somme de 13 642,74 euros et non celle de 54 570,97 euros, à la hauteur de ses prétentions de première instance ;

- le préjudice subi du fait des travaux supplémentaires résultant de la restructuration des bâtiments s'élève à 275 459,05 euros ; le tribunal, qui a fixé la responsabilité de la commune à 25 % des dommages subis par la SCI PBC au titre de ce poste de préjudice, a ainsi procédé à un calcul erroné en lui attribuant la somme de 13 772,95 euros et non celle de 55 091,81 euros, à la hauteur de ses prétentions de première instance ;

- les préjudices résultant de la construction d'une route de contournement d'accès au chantier ainsi que de la perte de loyers pour une durée de 8 mois et 11 jours résultant de la modification tardive des voies d'accès au chantier s'élèvent respectivement à la somme de 382 097,76 euros et de 219 478,22 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 1er octobre et le 4 décembre 2020, la commune du Lamentin, représentée par Me Bardon, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société PBC ;

2°) par la voie de l'appel incident :

- de réformer le jugement n° 1800193 du 3 octobre 2019 en tant que le tribunal administratif de la Martinique l'a condamnée à verser la société PBC la somme totale de 27 415,69 euros hors taxes ;

- de rejeter la demande présentée par la société PBC devant le tribunal administratif.

3°) de mettre à la charge de la société PBC la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité en ce qui concerne les accès au chantier de construction dès lors que, s'agissant de la partie basse, elle s'est assurée, au stade de l'instruction du dossier de demande de permis de construire, d'une desserte existante et qu'à l'occasion des protestations des riverains, elle a identifié rapidement des solutions alternatives de passage des engins de chantier, alors même qu'elle n'y était pas obligée ; la carence du maire à mettre en œuvre ses pouvoirs de police n'est nullement démontrée dans la mesure où la requérante n'établit ni l'existence de troubles à l'ordre public résultant de l'obturation de la desserte de la partie haute ni que le maire aurait été sollicité pour y mettre fin ; une voie sur berge de contournement a permis aux engins de chantier d'y accéder ;

- elle n'a pas davantage commis de faute dans la délivrance du permis de construire initial dès lors que les législations relatives à l'urbanisme et au défrichement sont indépendantes l'une de l'autre et qu'elle n'avait pas à apprécier la consistance du projet au regard des règles du code forestier ; en tout état de cause, les négligences de la société PBC, qui a délibérément méconnu les termes de l'autorisation préfectorale de défrichement du 26 avril 2007, sont de nature à l'exonérer de toute responsabilité ;

- le préjudice subi du fait des travaux supplémentaires résultant de la restructuration des bâtiments est sans lien avec l'illégalité relevée par le tribunal ; au demeurant, le nouveau chiffrage des préjudices résultant de l'illégalité du permis de construire initial invoqué par la société PBC, relevant de conclusions nouvelles en appel, ne pourra qu'être rejeté ;

- la réalité des autres préjudices n'est pas établie ; le préjudice lié à la réalisation de la route de contournement a été compensé par des effets bénéfiques pour la société requérante qui a profité de l'opportunité liée à la réalisation d'un projet d'aménagement de la commune autour d'une crèche pour repenser son projet.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code forestier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michaël Kauffmann,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,

- et les observations de Me Jehl, représentant la société PBC, et de Me Bardon, représentant la commune du Lamentin.

Considérant ce qui suit :

1. Le 14 août 2007, le maire de la commune du Lamentin a délivré à la société PBC un permis de construire en vue de la réalisation de dix bâtiments comportant soixante-dix logements sur les parcelles cadastrées section K 163 (désormais cadastrées section K 905 et 906). A la suite d'un contrôle inopiné de l'office national des forêts opéré le 16 avril 2008, il a été constaté qu'une zone interdite de défrichement avait été déboisée. Le préfet de la Martinique a ainsi pris, le 1er juillet 2008, un arrêté d'interruption des travaux de défrichement desdites parcelles. Une demande de permis de construire modificatif a alors été adressée à la commune qui y a répondu favorablement en délivrant à la société un nouveau permis de construire le 10 août 2009. Par un courrier du 27 novembre 2017, la société PBC a demandé à la commune de l'indemniser, à hauteur de 771 694,05 euros, en raison de l'illégalité fautive du permis de construire du 14 août 2007 et du retard dans la modification des accès au chantier, demande qui a fait l'objet d'un rejet implicite. La société PBC relève appel du jugement du 3 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande du 27 novembre 2017 et a limité à la somme de 27 415,69 euros hors taxes l'indemnité au versement de laquelle il a condamné la commune du Lamentin en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis. La commune du Lamentin demande à la cour, par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement en tant qu'il a retenu sa responsabilité et de rejeter la demande présentée par la société PBC devant le tribunal.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. La décision implicite de rejet née du silence gardé par la commune du Lamentin à la suite de la demande indemnitaire présentée par la société PBC le 27 novembre 2017 a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de cette demande. Au regard de l'objet d'une telle demande, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit de l'intéressée à percevoir la somme qu'elle réclame, les vices propres dont serait, le cas échéant, entachée la décision qui a lié le contentieux sont sans incidence sur la solution du litige. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions à fin d'annulation de ladite décision implicite présentées par la requérante.

Sur le bien-fondé des conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne l'illégalité du permis de construire initial :

S'agissant du principe de responsabilité :

3. D'une part, en principe, toute illégalité commise par l'administration constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain. Ainsi, la délivrance d'un permis de construire illégal constitue une faute susceptible d'engager, envers son bénéficiaire, la responsabilité de la personne publique au nom de laquelle il a été accordé. Cette responsabilité est susceptible d'être atténuée par la faute commise par le bénéficiaire du permis, notamment lorsqu'il a présenté une demande tendant à la délivrance d'un permis de construire illégal.

4. D'autre part, aux termes de l'article R. 421-3-1 du code de l'urbanisme alors applicable : "Lorsque les travaux projetés nécessitent la coupe ou l'abattage d'arbres dans les bois, forêts ou parcs soumis aux dispositions de l'article L. 130-1 du présent code ou des articles L. 311-1 ou L. 312-1 du code forestier, la demande de permis de construire est complétée par la copie de la lettre par laquelle l'autorité compétente fait connaître au demandeur que son dossier de demande d'autorisation de coupe ou d'abattage et, le cas échéant, d'autorisation de défrichement est complet. ". Enfin, aux termes de l'article L. 311-1 du code forestier, dans sa rédaction alors en vigueur : " Est un défrichement toute opération volontaire ayant pour effet de détruire l'état boisé d'un terrain et de mettre fin à sa destination forestière. (...) / Nul ne peut user du droit de défricher ses bois sans avoir préalablement obtenu une autorisation. (...) ". Il résulte de l'application combinée de ces dispositions que lorsque le projet nécessite une autorisation de défrichement, elle doit être obtenue préalablement à la délivrance du permis de construire.

5. Il résulte de l'instruction que, par un arrêté du 26 avril 2007, versé au dossier de demande de permis de construire initial, le préfet de la Martinique a autorisé la société PBC à défricher une superficie de 2,32 hectares sur la parcelle cadastrée K 163 (désormais cadastrées K 905 et 906), conformément à un plan joint qui excluait le défrichement d'une partie de la parcelle située à proximité d'une ravine et sur laquelle la société projetait d'implanter le bâtiment I de son projet initial. Ainsi que le soutient la société PBC et sans que la commune du Lamentin ne puisse opposer le principe d'indépendance des législations, il résulte des dispositions précitées du code de l'urbanisme et du code forestier que, lors de la délivrance du permis de construire du 14 août 2007, le maire de la commune devait non seulement s'assurer de l'existence d'une telle autorisation préfectorale de défrichement mais également se conformer à ses termes. Dès lors, la société PBC est fondée à soutenir qu'en lui délivrant un permis de construire initial l'autorisant à édifier, notamment, le bâtiment I, sans tenir compte de l'interdiction partielle de défrichement édictée le 26 avril 2007 qui excluait la réalisation d'un tel projet, le maire de la commune a entaché sa décision d'illégalité et a commis une faute susceptible d'engager la responsabilité de la commune.

6. Toutefois, il est également constant que, malgré les termes de l'arrêté préfectoral du 26 avril 2007, pris sur sa propre demande, la société PBC n'a pas modifié la consistance de son projet de construction et a maintenu sa demande initiale incluant la construction du bâtiment I. Si l'intéressée soutient, en se fondant sur un rapport d'expertise judiciaire ordonnée le 12 octobre 2012 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Fort-de-France, que le maintien du projet initial incombe principalement à l'architecte, M. A..., il résulte de l'instruction que ce dernier a signé, au nom de la société PBC, la demande de permis construire du 8 décembre 2005 et s'est présenté dans un courrier du 19 mars 2017, adressé à la préfecture dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation de défrichement, comme le " gérant de la SCI PBC ". Par ailleurs la société Art'terre concept, dont la société PBC indique qu'elle a été sa gérante jusqu'au 5 octobre 2007, est une société unipersonnelle elle-même dirigée par M. A.... Dans ces conditions et eu égard aux liens juridiques et fonctionnels existant entre ces personnes, la société PBC doit être regardée, en maintenant son choix architectural initial, comme ayant entendu se soustraire, en toute connaissance de cause et malgré sa qualité de professionnelle de l'immobilier, aux restrictions de défrichement prévues par l'arrêté préfectoral du 26 avril 2007. Cette faute de la victime atténue de 80 % la responsabilité encourue par la commune du Lamentin du fait des conséquences dommageables de la délivrance du permis de construire illégal du 14 août 2007.

S'agissant des préjudices indemnisables :

7. En premier lieu, les opérations de défrichement qui ont été engagées par la société PBC à la suite de la délivrance du permis de construire qui lui a illégalement été accordé ont provoqué l'intervention du préfet de la Martinique qui, par un arrêté du 1er juillet 2008, a ordonné l'interruption des travaux de défrichement, entraînant l'arrêt total du chantier pour une période de quatorze mois. Il résulte du rapport de l'expert judiciaire du 6 juin 2017, dont se prévaut l'intéressée et dont les conclusions ne sont pas contestées sur ce point par la commune, que le retard pris dans la réalisation des travaux de construction des bâtiments s'est traduit par une perte de loyers d'un montant de 272 854,83 euros, calculé selon le taux réel de location des appartements après la fin du chantier, en tenant compte des pénalités de retard versées par les entreprises de construction. Compte-tenu du partage de responsabilité retenu au point précédent, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par la société PBC en condamnant la commune du Lamentin à lui verser une indemnité de 54 570,97 euros, y compris tous intérêts échus à la date du présent arrêt, au titre de ce chef de préjudice. Contrairement à ce que soutient la commune, les conclusions présentées sur ce chef de préjudice par la société PBC qui, dans le dernier état de ses écritures, limite sa demande à hauteur de ladite somme, ne sont pas nouvelles en appel dès lors qu'elles avaient été présentées dans les mêmes termes devant les premiers juges.

8. En second lieu, la société requérante demande la condamnation de la commune du Lamentin à lui verser une somme de 55 091,81 euros, correspondant à 20 % du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de travaux supplémentaires résultant de la restructuration des neuf bâtiments qu'elle a pu finalement construire aux termes du permis de construire modificatif qui lui a été accordé le 10 août 2009, en lieu et place des dix bâtiments initialement prévus. Toutefois, ainsi que le soutient la commune du Lamentin, par la voie de l'appel incident, ce préjudice ne trouve aucunement son origine dans la délivrance du permis de construire illégal du 14 août 2007 mais exclusivement dans les restrictions de défrichement imposées par l'arrêté préfectoral du 26 avril 2007 qui, quoiqu'il advienne de sa demande de permis de construire initiale, empêchaient la pétitionnaire d'édifier le bâtiment I sur la portion de la parcelle cadastrée K 163 (désormais cadastrées section K 905 et 906) interdite de défrichage. En l'absence de lien de causalité entre la délivrance fautive du permis de construire illégal et les frais liés aux travaux de restructuration de son projet engagés par la société PBC, c'est à tort que le tribunal a estimé que cette dernière était fondée à demander réparation du préjudice correspondant à ces frais.

En ce qui concerne les accès au chantier :

9. En premier lieu, le permis de construire, qui est délivré sous réserve des droits des tiers, a pour seul objet d'assurer la conformité des travaux qu'il autorise avec la réglementation d'urbanisme. Dès lors, si l'administration et le juge administratif doivent, pour l'application des règles d'urbanisme relatives à la desserte et à l'accès des engins d'incendie et de secours, s'assurer de l'existence d'une desserte suffisante de la parcelle par une voie ouverte à la circulation publique et, le cas échéant, de l'existence d'un titre créant une servitude de passage donnant accès à cette voie, il ne leur appartient de vérifier ni la validité de cette servitude ni l'existence d'un titre permettant l'utilisation de la voie qu'elle dessert, si elle est privée, dès lors que celle-ci est ouverte à la circulation publique.

10. La société PBC soutient que l'accès à la partie basse du chantier de construction, prévu par un tronçon est/ouest privé jouxtant la résidence " Petit Bourg Vanille ", a été bloqué pendant une durée anormalement longue, en raison de l'opposition au projet des riverains, avant que la commune du Lamentin n'intervienne pour lui proposer une solution d'accès alternative. Il est toutefois constant que, le 20 septembre 2006, M. A... a joint à la demande de permis de construire initial déposée au nom de la société PBC une servitude de passage autorisant l'accès en partie basse du chantier. Contrairement à ce que soutient la requérante, la commune, constatant l'existence de cette servitude, n'avait pas à formuler de prescriptions spécifiques relatives à l'accès à la partie basse du chantier. Par ailleurs, et comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, la commune du Lamentin est intervenue dans un délai raisonnable de quatre mois et demi pour permettre l'accès à la partie basse du chantier via deux parcelles communales alors qu'aucune disposition légale ou règlementaire ne l'imposait. Dès lors, aucune faute ne peut être reprochée à la commune à ce titre et la société PBC n'est pas fondée à solliciter l'indemnisation des préjudices correspondants.

11. En second lieu, aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique (...) ". Il appartient à l'autorité investie du pouvoir de police municipale de prendre toute mesure pour prévenir une atteinte à l'ordre public. Le refus opposé par un maire à une demande tendant à ce qu'il fasse usage des pouvoirs de police qui lui sont conférés par les dispositions du code général des collectivités territoriales n'est entaché d'illégalité que dans le cas où, à raison de la gravité du péril résultant d'une situation particulièrement dangereuse pour le bon ordre, la sûreté, la sécurité, et la salubrité publique, cette autorité en n'ordonnant pas les mesures indispensables pour faire cesser ce péril grave, méconnaît ses obligations légales.

12. Il résulte de l'instruction qu'à compter du mois de mars 2010, les riverains d'une voie communale permettant d'accéder à la partie haute du chantier de construction se sont opposés au passage de véhicules de chantier pour manifester leur opposition au projet. A la suite de réunions organisées entre la société PBC, les services de la mairie de Lamentin et ceux de la préfecture de la Martinique, la société a été autorisée par la direction de l'agriculture et de la forêt, le 5 octobre 2010, à réaliser une voirie provisoire de contournement pour lui permettre d'accéder à la partie haute du chantier sous réserve de l'obtention d'autorisations de défrichement et d'aménagement de la ravine au titre de la loi sur l'eau. Pour la réalisation de cette voie, la société PBC a déposé une demande de permis de construire modificatif le 18 avril 2011 qui a été délivré par le maire du Lamentin le 29 décembre 2011. Si la société requérante soutient que cette situation révèlerait un refus illégal du maire d'user de ses pouvoirs de police afin de faire cesser les oppositions manifestées par les riverains de la partie haute du chantier, il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressée a expressément sollicité l'intervention du maire et, en tout état de cause, que les troubles ainsi allégués aient été d'une gravité telle que ce dernier eût été dans l'obligation de les faire cesser en usant des pouvoir de police qu'il tenait de de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. En outre, il résulte de ce qui vient d'être exposé que la commune a pris, dans un délai raisonnable, les mesures appropriées à la situation de la société PBC lorsque celle-ci a été portée à sa connaissance, sans qu'une quelconque carence fautive de nature à engager sa responsabilité soit établie. Dès lors, c'est à juste titre que le tribunal a considéré que la société PBC n'était pas fondée à solliciter l'indemnisation des préjudices correspondants.

13. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a seulement lieu de porter à la somme de 54 570,97 euros le montant de l'indemnité due par la commune du Lamentin à la société PBC au titre des seuls préjudices liés à l'interruption du chantier résultant de l'illégalité du permis de construire qui lui a été délivré le 14 août 2007. Il y a lieu de réformer en ce sens le jugement attaqué du tribunal administratif de la Martinique.

Sur les frais liés au litige :

14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux demandes de la société PBC et de la commune du Lamentin présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La somme de 27 415,69 euros que la commune du Lamentin a été condamnée à verser à la société Petit Bourg Cannelle par le jugement n° 1800193 du tribunal administratif de la Martinique du 3 octobre 2019 est portée à 54 570,97 euros, tous intérêts échus à la date du présent arrêt.

Article 2 : Le jugement n° 1800193 du tribunal administratif de la Martinique du 3 octobre 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Petit Bourg Cannelle et à la commune du Lamentin.

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021.

Le rapporteur,

Michaël Kauffmann La présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX04921

3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04921
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services de l'urbanisme - Permis de construire.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SCHRECKENBERG PARNIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-17;19bx04921 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award