Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL A... et Fils et son gérant, M. B... A..., ont demandé au tribunal administratif de Pau de procéder à la liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement n° 1601189 du même tribunal du 19 décembre 2017.
Par un jugement n° 1900466 du 4 juin 2019, le tribunal administratif de Pau a condamné l'Etat, d'une part, à verser la somme de 24 350 euros à la société A... et Fils et à
M. A... et, d'autre part, à leur verser la somme globale de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par un recours enregistré le 2 août 2019, le ministre de l'économie et des finances demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement dans toutes ces dispositions ;
2°) de moduler en de justes proportions le montant de la liquidation de l'astreinte, lequel ne saurait en toute hypothèse excéder la somme de 21 950 euros.
Il soutient que :
- la mise en paiement de la somme de 10 890,01 est intervenue le 3 avril 2019, ce versement tardif étant consécutif à une erreur matérielle du tribunal, lequel a notifié son jugement au " ministre de la cohésion des territoires " et non au ministère en charge des finances ;
- ce versement doit être pris en compte au moment de liquider l'astreinte litigieuse, dont le montant doit en effet être revu à la baisse et ne saurait, en toute hypothèse, dépasser le montant de 21 950 euros, s'agissant de la période allant du 20 janvier 2018 au 3 avril 2019 inclus.
Par un mémoire enregistré le 10 février 2020, la SARL A... et Fils et M. B... A..., représentés par Me Wattine, concluent :
- à ce que l'Etat soit condamné à leur verser, dans le délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, le reliquat de l'astreinte mise à sa charge par le jugement n° 1601189 du tribunal administratif de Pau du 19 décembre 2017 devenu définitif, soit la somme de 30 010 euros arrêtée provisoirement au 28 février 2020, et à imputer si mieux n'aime, cette dépense au budget du ministère de la cohésion des territoires par décision budgétaire modificative ;
- à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de procéder au besoin à une actualisation de l'astreinte précitée jusqu'à complet apurement des comptes entre les parties ;
- à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice, outre celle de 13 euros au titre du droit de plaidoirie et ce sur le même fondement.
Ils soutiennent que :
- les moyens invoqués par le ministre sont inopérants ou à tout le moins mal fondés ;
- l'Etat n'a toujours pas versé la totalité des sommes mises à sa charge par application combinée des jugements des 19 décembre 2017 (15 860 euros) et 4 juin 2019 (14 150 euros a minima), soit la somme totale minimale de 30 010 euros, somme assortie des intérêts au taux légal.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant au versement, d'une part, de la somme de 14 660 euros, correspondant à la différence entre le montant de la condamnation fixée par le tribunal administratif de Pau dans son jugement du 4 juin 2019 et la somme de 10 890 euros ordonnancée le 3 avril 2019, et, d'autre part, de la somme de 1 200 euros, correspondant aux frais de procédure fixés par ledit jugement, dès lors que de telles conclusions, qui ont trait à l'exécution du jugement du 4 juin 2019, soulèvent un litige distinct de celui de l'appel principal relatif à l'exécution du jugement du 19 décembre 2017.
Par un mémoire enregistré le 12 novembre 2021, la SARL A... et Fils et M. A..., représentés par Me Wattine, ont présenté des observations en réponse à ce moyen relevé d'office. Ils maintiennent leurs conclusions et portent leur demande à la somme de 61 210 euros.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marianne Hardy,
- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,
- et les observations de M. B... A....
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 15 septembre 2015, le tribunal administratif de Pau a condamné l'Etat à payer, d'une part, à la société A... et fils la somme de 176 000 euros et, d'autre part, à M. A..., gérant de cette société, la somme de 4 575 euros, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 24 février 2012 et de leur capitalisation à compter du 24 février 2013, en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité des autorisations délivrées à la société Inca par la commission départementale d'équipement commercial des Landes pour l'ouverture d'un supermarché dans la commune de Castets. Le même tribunal, après avoir constaté que les sommes versées par l'Etat à la société A... et fils et à M. A... ne prenaient pas en compte la totalité du montant des intérêts dus, a condamné l'État, par un jugement du 19 décembre 2017 devenu définitif, à verser à ces derniers la somme complémentaire de 9 608,35 euros dans un délai d'un mois à compter de sa notification, et a fixé une astreinte au taux de 50 euros par jour de retard. Le ministre de l'économie et des finances relève appel du jugement du 4 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Pau, sur la demande de la société A... et fils et de M. A..., a condamné l'Etat à leur verser la somme de 24 350 euros en exécution de l'article 2 du jugement du 19 décembre 2017, et demande à la cour de limiter ce montant à 21 950 euros. Par des conclusions incidentes, la société A... et fils et M. A... demandent que ce montant soit porté à la somme de 61 210 euros.
Sur les conclusions d'appel du ministre :
2. Aux termes de l'article L. 911-7 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. / Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation. / Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée ". Aux termes de l'article L. 911-9 du même code : " Lorsqu'une décision passée en force de chose jugée a prononcé la condamnation d'une personne publique au paiement d'une somme d'argent dont elle a fixé le montant, les dispositions de l'article 1er de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980, ci-après reproduites, sont applicables. / " Art. 1er. - I. - Lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné l'Etat au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être ordonnancée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de justice. / Si la dépense est imputable sur des crédits limitatifs qui se révèlent insuffisants, l'ordonnancement est fait dans la limite des crédits disponibles. Les ressources nécessaires pour les compléter sont dégagées dans les conditions prévues par l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances. Dans ce cas, l'ordonnancement complémentaire doit être fait dans un délai de quatre mois à compter de la notification. /A défaut d'ordonnancement dans les délais mentionnés aux alinéas ci-dessus, le comptable assignataire de la dépense doit, à la demande du créancier et sur présentation de la décision de justice, procéder au paiement. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une décision juridictionnelle condamnant l'Etat à payer une somme d'argent doit être regardée comme ayant été exécutée lorsque ladite somme a été ordonnancée.
3. Par ailleurs, le juge de l'exécution saisi, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-7 du code de justice administrative, aux fins de liquidation d'une astreinte précédemment prononcée peut la modérer ou la supprimer, même en cas d'inexécution constatée, compte tenu notamment des diligences accomplies par l'administration en vue de procéder à l'exécution de la chose jugée. Lorsque le juge a liquidé une astreinte provisoire, cette liquidation ne peut être remise en cause à l'occasion de sa décision procédant à la liquidation définitive de l'astreinte ou en prononçant une nouvelle.
4. En l'espèce, il résulte de l'instruction que par une décision du 3 avril 2019, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales a décidé de verser à la SARL A... et Fils et à M. A... la somme de 10 890,01 euros, comprenant la somme de 9 608,35 euros correspondant aux intérêts dus en exécution du jugement du 19 décembre 2017, celle de 1 200 euros correspondant aux frais de procès fixés par ce jugement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et celle de 81,66 euros correspondant aux intérêts sur ces frais de procès. Il résulte également des pièces produites par le ministre en appel, notamment de la capture d'écran du logiciel Chorus, que ses services ont, dès le 3 avril 2019, procédé à l'ordonnancement de la somme de 10 890,01 euros au profit de la CARPA du barreau de Bayonne. Par suite, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le jugement du 19 décembre 2017 doit être regardé comme ayant été entièrement exécuté au 3 avril 2019, date de cet ordonnancement, alors même que la somme en cause n'était pas encore versée sur le compte CARPA du conseil des intéressés. Par suite, c'est à tort que le tribunal a fixé au 21 mai 2019 inclus la fin de la période durant laquelle le jugement du 19 décembre 2017 n'avait pas exécuté.
5. Compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, la période durant laquelle le jugement du 19 décembre 2017 n'a pas été exécuté est comprise entre le 20 janvier 2018 inclus et le 3 avril 2019 inclus. Toutefois, il résulte de l'instruction que par son jugement du 19 décembre 2017 le tribunal administratif de Pau a désigné le ministre de la cohésion des territoires comme débiteur de l'astreinte prononcée et lui a notifié ce jugement alors que, compte tenu des compétences définies par le décret d'attribution n° 2017-1078 du 24 mai 2017, seul le ministre de l'économie était compétent pour connaître des litiges en matière de commerce. Par suite, compte tenu de cette erreur, qui n'était pas imputable au ministre, des difficultés d'exécution engendrées par cette erreur et de la circonstance que le ministre chargé du commerce a rapidement procédé à l'ordonnancement de la somme de 10 890,01 euros lorsqu'il a été informé de la condamnation prononcée par le jugement du 19 décembre 2017, et en l'absence de disposition législative ou règlementaire faisant obligation, dans un tel cas, au ministre de transférer le jugement portant condamnation à payer une somme d'argent au ministre compétent, il y a lieu de supprimer l'astreinte.
6. Par suite, le ministre de l'économie et des finances est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a condamné l'Etat à verser à la société A... et Fils et à M. A... la somme de 24 350 euros au titre de la liquidation de l'astreinte fixée par le jugement du 19 décembre 2017 ainsi que la somme globale de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les conclusions incidentes de la société A... et fils et de M. A... :
7. Ainsi qu'il a été ci-dessus, l'Etat doit être regardé comme ayant exécuté totalement le jugement du 19 décembre 2017 du tribunal administratif de Pau dès le 3 avril 2019, date à laquelle les services ont procédé à l'ordonnancement de la somme de 10 890 euros. Par suite, aucune astreinte ne pouvait être liquidée après cette date. Dès lors, les conclusions incidentes de la SARL A... et fils et M. A... tendant à la liquidation de l'astreinte pour la période postérieure au 21 mai 2019 doivent être rejetées.
8. Par ailleurs, si la SARL A... et fils et M. A... demandent, par la voie de conclusions incidentes, que l'Etat soit condamné à leur verser, d'une part, la somme correspondant à la différence entre le montant de la condamnation fixée par le tribunal administratif de Pau dans son jugement du 4 juin 2019 et la somme de 10 890 euros ordonnancée le 3 avril 2019, et, d'autre part, la somme de 1 200 euros, correspondant aux frais de procédure fixés par ledit jugement, cette demande, qui a trait à l'exécution du jugement du 4 juin 2019, soulève un litige distinct de celui de l'appel principal qui est relatif au bien-fondé de ce jugement du 4 juin 2019 en tant qu'il se prononce sur la demande d'exécution du jugement du 19 décembre 2017. Par suite, ces conclusions doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société A... et fils et M. A....
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1900466 du tribunal administratif de Pau du 4 juin 2019 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la SARL A... et fils et de M. A... sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance, à la société anonyme à responsabilité limitée A... et Fils et à M. B... A....
Copie en sera adressée au ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Délibéré après l'audience du 2 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, présidente,
Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,
Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère.
Rendu public par mise à dispositions au greffe le 17 décembre 2021.
La présidente-rapporteure,
Marianne HardyLa présidente-assesseure,
Fabienne Zuccarello
La greffière
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 19BX03273 6