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17/12/2021 | FRANCE | N°19BX02140

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 17 décembre 2021, 19BX02140


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Trois-Rivières a refusé de la nommer à un poste de rédactrice territoriale de catégorie B.

Par un jugement n° 1800534 du 26 mars 2019, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 24 mai 2019 et 24 janvier 2020, Mme B..., représentée pa

r Me Laveissière Caroline, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 mars 2019 du tri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Trois-Rivières a refusé de la nommer à un poste de rédactrice territoriale de catégorie B.

Par un jugement n° 1800534 du 26 mars 2019, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 24 mai 2019 et 24 janvier 2020, Mme B..., représentée par Me Laveissière Caroline, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 mars 2019 du tribunal administratif de la Guadeloupe ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Trois-Rivières a refusé de la nommer à un poste de rédactrice territoriale de catégorie B ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune de Trois-Rivières de la nommer à un poste de rédactrice territoriale de catégorie B dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à tout le moins, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Trois-Rivières la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité ; en effet, les premiers juges n'ont pas répondu à un moyen, qui n'était pas inopérant, ce moyen n'ayant par ailleurs pas été visé ; ils n'ont pas davantage statué sur ses conclusions en injonction, lesquelles ne sont par ailleurs pas analysées dans les visas ; enfin, les premiers ont omis à tort de rouvrir l'instruction à la suite de l'enregistrement de son mémoire en réplique qui contenait une circonstance de droit nouvelle et une pièce nouvelle sur laquelle ils ont fondé leur décision ;

- la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article 44 de la loi du 26 janvier 1984 ;

- elle méconnaît également le protocole d'accord du 12 mai 2017 ;

- elle méconnaît le principe d'égalité de traitement des fonctionnaires ;

- elle méconnaît enfin l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 août 2019, la commune de Trois-Rivières, représentée par Me Mollet, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués par Mme B... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Cherrier,

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,

- et les observations de Me Roncin représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... est agent territorial du patrimoine de 2ème classe à la commune de Trois-Rivières, affectée au service de mise en œuvre des règles d'hygiène et de sécurité. Elle relève appel du jugement du 26 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation la décision implicite du maire de la commune de Trois-Rivières ayant rejeté sa demande de nomination à un poste de rédactrice territoriale, de catégorie B.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, Mme B... soutient que le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré de la double erreur de droit dont serait entachée la décision litigieuse au regard de l'article 44 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et du protocole d'accord conclu le 12 mai 2017 entre la commune de Trois-Rivières et le syndicat UTC-UGTG. Néanmoins, outre que l'intéressée n'a pas invoqué l'article 44 de la loi du 26 janvier 1984 dans ses écritures de première instance, il ressort des termes mêmes de ces écritures qu'elle n'a mentionné l'accord du 12 mai 2017 qu'a l'appui du moyen tiré de la rupture d'égalité des chances et de la discrimination dont elle aurait été victime. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenu de répondre à cet argument, l'ont pourtant fait au point 2 du jugement. Dans ces conditions, Mme B... n'est fondée à soutenir ni que le tribunal administratif aurait omis de répondre à un moyen, ni que ce moyen n'aurait pas été analysé dans les visas.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 613-1 du code de justice administrative : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. Cette ordonnance n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. (...) ". Selon l'article R. 613-3 du même code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction. (...) ". Son article R. 613-4 dispose en outre que : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsque, postérieurement à la clôture de l'instruction, le juge est saisi d'une production, mémoire ou pièce, émanant de l'une des parties à l'instance, et conformément au principe selon lequel devant les juridictions administratives, le juge dirige l'instruction, il lui appartient, dans tous les cas, d'en prendre connaissance avant de rendre sa décision, ainsi que de le viser sans l'analyser. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, d'en tenir compte, après l'avoir, cette fois, analysé, il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction écrite et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance nouvelle ou que le juge devrait relever d'office.

4. Il ressort des pièces du dossier que, par une ordonnance du 3 septembre 2018, l'instruction était, en première instance, close à compter du 29 janvier 2019. Si Mme B... fait valoir que, par un mémoire enregistré le 8 mars 2019, elle a présenté de nouvelles conclusions, ce mémoire ne contenait cependant pas l'exposé, soit d'une circonstance de fait dont elle n'avait pu faire état avant la clôture de l'instruction, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devait relever d'office. Par suite, les premiers juges n'avaient pas l'obligation de tenir compte de ce mémoire, produit postérieurement à la clôture de l'instruction. Il ne saurait dès lors leur être reproché de ne pas avoir rouvert l'instruction, d'avoir simplement visé ce mémoire sans l'analyser, et d'avoir insuffisamment motivé leur jugement en ne répondant pas aux conclusions nouvelles à fin d'injonction qui y étaient présentées. Enfin, et dès lors qu'une partie ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure vis-à-vis de la partie adverse, la circonstance que le tribunal aurait pris en compte une pièce produite à l'appui du mémoire en réplique de Mme B..., non communiquée à la commune de Trois-Rivières, est sans incidence sur la régularité du jugement.

Sur la légalité de la décision implicite en litige :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 44 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au litige : " Chaque concours donne lieu à l'établissement d'une liste d'aptitude classant par ordre alphabétique les candidats déclarés aptes par le jury. (...) / L'inscription sur une liste d'aptitude ne vaut pas recrutement. / (...) / Toute personne déclarée apte depuis moins de trois ans ou, si celui-ci est intervenu au-delà de ce délai, depuis le dernier concours, peut être nommée dans un des emplois auxquels le concours correspondant donne accès ; la personne déclarée apte ne bénéficie de ce droit la deuxième et la troisième année que sous réserve d'avoir fait connaître son intention d'être maintenue sur ces listes au terme de l'année suivant son inscription initiale et au terme de la deuxième année (...) ". Il résulte de ces dispositions que les candidats déclarés admis à l'issue d'un concours de recrutement au sein de la fonction publique territoriale ne disposent d'aucun droit à être nommés fonctionnaires dans un emploi donné. Une telle admission au concours ne confère pas davantage à un candidat admis, fut-il lauréat du concours, le droit d'être nommé dans un emploi vacant de la commune, auquel il aurait postulé.

6. La commune de Trois-Rivières a opposé, dans son mémoire en défense, trois motifs justifiant selon elle son refus de nommer Mme B... à un poste de rédactrice territoriale, de catégorie B. Le premier motif, également mentionné dans une lettre de rejet du 14 octobre 2015, tient à ce que l'intéressée n'aurait pas précisé le type de concours de catégorie B qu'elle avait obtenu et n'aurait pas justifié de son inscription sur une liste d'aptitude, de tels éléments d'information étant indispensables pour traiter sa demande. Mme B... a toutefois produit, à l'appui de ses écritures, deux courriers du centre de gestion acceptant son maintien une troisième, puis une dernière et quatrième année, sur la liste d'aptitude au cadre d'emplois des rédacteurs territoriaux de première classe, établie à l'issue du concours organisé au titre de l'année 2015, ce qui constitue une preuve irréfutable de sa réussite à ce concours. Le deuxième motif est tiré de ce que Mme B... n'aurait pas justifié avoir postulé sur des emplois vacants au sein de la commune, à la suite de sa réussite au concours. L'intéressée justifie toutefois avoir postulé à plusieurs reprises sur de tels emplois, notamment par des courriers du 24 juin 2016 et du 30 octobre 2017. Le troisième motif dont se prévaut la commune est tiré de ce que ses contraintes budgétaires ne lui ont pas permis de créer des postes de catégorie B au titre de l'année 2018, ce qui faisait obstacle à l'intégration de l'intéressée dans le grade de catégorie B qu'elle convoitait. Si l'appelante se prévaut sur ce point de ce qu'une délibération du 5 juillet 2018 a créé onze postes cette année-là, la commune fait valoir, sans être contredite, qu'il s'agissait de postes d'adjoint technique territorial et non de postes de rédacteur territorial. A cet égard, le protocole d'accord dont Mme B... revendique le bénéfice ne saurait légalement avoir ni pour objet ni pour effet de contraindre la commune à créer un poste de catégorie B pour permettre de faire droit à une demande d'intégration de l'un de ses agents.

7. Il résulte de l'instruction que la commune de Trois-Rivières aurait pris la même décision de refus de nomination en se fondant sur ce seul motif tiré de l'absence de poste vacant correspondant à la demande de Mme B..., un tel motif justifiant à lui seul la décision implicite de rejet en litige. Par suite, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que cette décision aurait été entachée d'erreur de droit ou d'erreur d'appréciation.

8. En deuxième lieu, Mme B... soutient que la décision en litige méconnaît le protocole d'accord en date du 12 mai 2017 aux termes duquel : " Les agents lauréats de concours et d'examens à partir de l'année 2009 seront nommés au plus tard au 31 juin 2017. / S'agissant de ceux remplissant les conditions d'avancement au choix dont le tableau d'avancement n'a pas été établi, la liste sera notifiée à l'organisation syndicale UTC-UGTG. / Ces agents seront ensuite inscrits sur le tableau annuel d'avancement au titre de années concernées et à l'issue de l'avis de la CAP, le maire procèdera à leur avancement. ". Toutefois, et comme il a été dit au point 5, le protocole d'accord ainsi conclu par le maire de la commune de Trois-Rivières avec la centrale syndicale UTC-UGTG ne confère, aux agents de la commune, aucun droit dont ils pourraient se prévaloir auprès de celle-ci. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance d'un tel protocole ne peut être accueilli.

9. En troisième lieu, si Mme B... soutient que le principe d'égalité a été méconnu dès lors que trois autres agents, admis après elle au concours de rédacteur territorial, ont chacun été nommés à un poste de rédacteur territorial catégorie B, une telle circonstance n'est pas de nature, à elle seule, à établir l'existence d'une rupture d'égalité, l'intéressée ne disposant d'aucun droit de préséance sur les agents admis postérieurement au même concours et n'établissant ni même n'alléguant qu'il aurait été procédé à ces nominations en méconnaissance des règles de droit applicables. Mme B... soutient également que le refus de la nommer à un poste de rédactrice territoriale de catégorie B traduit un comportement discriminatoire de la part de la commune, en raison de ce qu'elle n'appartiendrait pas au syndicat UTC-UGTG, seul les agents adhérents de ce syndicat ayant selon elle été promus à un poste de rédacteur territorial, et de ce qu'elle serait la fille de l'ancien maire de la commune, qui appartient à un parti politique distinct de celui auquel sont affiliés les deux maires ayant refusé de l'intégrer en catégorie B. Toutefois, outre qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les agents nommés à un poste de rédacteur territorial au cours de l'année 2017 auraient tous été membres du syndicat UTC-UGTG, il ne ressort pas davantage de ces pièces que Mme B... n'aurait pas été nommée à un tel poste du fait d'une discrimination fondée sur son appartenance syndicale à la CFTC ou sur sa situation familiale. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du principe d'égalité et de ce que Mme B... aurait été victime d'une discrimination au sens de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 doivent être écartés.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du maire de la commune de Trois-Rivières ayant refusé de la nommer à un poste de rédactrice territoriale de catégorie B.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. La présente décision, qui rejette les conclusions en annulation formées par Mme B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par l'intéressée ne peuvent être accueillies.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Trois-Rivières, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés, non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme B... une somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Mme B... versera à la commune de Trois-Rivières une somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Trois-Rivières.

Délibéré après l'audience du 29 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Karine Butéri, présidente,

Mme Sylvie Cherrier, première conseillère,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 décembre 2021.

La rapporteure,

Sylvie Cherrier

La présidente,

Karine Butéri

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

No 19BX02140


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02140
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUTERI
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : LAVEISSIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-17;19bx02140 ?
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