Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 10 août 2020 par lequel le préfet de la Haute-Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2001206 du 3 décembre 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 mars 2021, M. B..., représenté par Me Toulouse, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 3 décembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 août 2020 par lequel le préfet de la Haute-Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il doit bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour, en application des articles L. 313-14 et L. 313-14-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la circulaire Valls, dès lors qu'il vit en France depuis plus de six ans, y a travaillé quasi bénévolement pendant quatre ans pour Emmaüs, a été membre bénévole de l'association Baobab, n'a jamais commis d'acte répréhensible et est parfaitement inséré ;
- il a travaillé en intérim en 2018 et en CDD en juillet 2020 ;
- il dispose aujourd'hui d'un contrat de travail en qualité d'aide à domicile ;
- le refus de séjour méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2021, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.
Par décision du 4 février 2021, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., de nationalité albanaise, est entré irrégulièrement en France, selon ses dires, le 28 septembre 2014. Il a déposé une demande d'asile, rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 26 janvier 2015, confirmée le 24 juillet 2015 par la Cour nationale du droit d'asile.
2. Le 7 avril 2015, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de l'admettre au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de renvoi. Cet arrêté a été confirmé par un jugement n° 1501038 du tribunal administratif de Limoges du 22 octobre 2015. Le 9 janvier 2017, M. B... a sollicité son admission au séjour, et par arrêté du 18 avril 2018, le préfet de la Charente a pris à son encontre un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le pays de renvoi.
3. Le 18 octobre 2019, M. B... a de nouveau sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par l'arrêté contesté du 10 août 2020 par lequel le préfet de la Haute-Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Par arrêté du 31 août 2020, le préfet l'a assigné à résidence.
4. Par jugement du 4 septembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de destination, interdiction de retour et assignation à résidence, et renvoyé l'examen de la décision portant refus de titre à une formation collégiale. Dans le cadre de l'exécution de ce jugement, le 16 décembre 2020, le préfet a réexaminé la situation de l'intéressé et a repris à son encontre une obligation de quitter le territoire français et une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par le jugement attaqué du 3 décembre 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour du 10 août 2020. M. B... relève appel de ce jugement.
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2.(...) ".
6. En se prévalant de sa présence en France depuis 2014, de son travail " quasi bénévole " pendant quatre ans pour Emmaüs, de sa qualité de membre bénévole de l'association Baobab et de sa parfaite insertion, laquelle au demeurant ne ressort pas des pièces du dossier, M. B... ne fait valoir aucune considération humanitaire ou motif exceptionnel. S'il produit devant la cour une lettre du 29 octobre 2020 attestant de ce qu'il est embauché en tant qu'aide à domicile " tous les jours de 11 heures à 19 heures pendant la période de confinement ", cette circonstance, qui au demeurant ne constitue pas davantage un motif exceptionnel, est postérieure à la décision attaquée.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public et à condition qu'il ne vive pas en état de polygamie, la carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2, à l'étranger accueilli par les organismes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles qui justifie de trois années d'activité ininterrompue au sein de ce dernier, du caractère réel et sérieux de cette activité et de ses perspectives d'intégration, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État ".
8. Si M. B... se prévaut de son investissement au sein de la communauté Emmaüs, il a déclaré lors de son entretien en préfecture du 7 janvier 2020, dont il a signé le compte-rendu, qu'il avait quitté la communauté en mai 2019.
9. En troisième lieu, M. B..., dont la demande de titre était fondée sur les articles L. 313-14 et L. 313-14-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut utilement soutenir que la décision contestée méconnaitrait les dispositions du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. M. B... fait valoir sa présence en France depuis 2014, son travail " quasi bénévole " pendant quatre ans pour Emmaüs, sa qualité de membre bénévole de l'association Baobab et sa parfaite insertion. Cependant, il ressort des pièces du dossier qu'il est entré irrégulièrement en France en 2014, s'y est maintenu malgré les mesures d'éloignement prises à son encontre les 7 avril 2015 et 18 avril 2018 et ne justifie d'aucune intégration particulière en France. Il est célibataire et sans enfant, et ne démontre ni avoir tissé des liens particuliers en France, ni être dépourvu d'attaches en Albanie. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait par suite les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté. Pour les mêmes motifs, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle dont serait entachée la décision contestée.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 18 novembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,
Mme Nathalie Gay, première conseillère.
Rendu public après dépôt au greffe le 16 décembre 2021.
La rapporteure,
Frédérique C...Le président
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°21BX00877