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15/12/2021 | FRANCE | N°21BX02233

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 15 décembre 2021, 21BX02233


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 20 mai 2020 par lequel la préfète de la Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement n° 2001761 du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 mai 2021, M. B..., représenté par Me Masson, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers

du 30 mars 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 mai 2020 par lequel la préfète de la Vienne lui a refus...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 20 mai 2020 par lequel la préfète de la Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement n° 2001761 du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 mai 2021, M. B..., représenté par Me Masson, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 30 mars 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 mai 2020 par lequel la préfète de la Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Vienne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail dans le délai de cinq jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou à lui verser directement en cas de refus d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence de son auteur ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

-l'arrêté méconnait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 octobre 2021, la préfète de la Vienne conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er juillet 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Dominique Ferrari, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 26 février 1977, de nationalité russe, est entré sur le territoire français en 2007. Sa demande d'asile, présentée le 29 octobre 2007, et ses demandes de réexamen présentées le 6 février 2009 et le 5 juillet 2010 ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) par décisions respectivement prises le 19 novembre 2007, le 11 février 2009 et le 13 juillet 2010. Ces décisions de rejet ont été confirmées par des arrêts de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) rendus les 23 décembre 2008, 14 avril 2010 et 28 juillet 2011. Prenant acte de ces décisions, par un arrêté du 30 août 2010, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Poitiers du 24 juin 2011, la préfète de la Vienne lui a fait obligation de quitter le territoire français. M. B... s'est maintenu en France et a obtenu des titres de séjour portant la mention " vie privée et familiale " régulièrement renouvelés sur la période allant du 16 avril 2013 au 15 avril 2016. Puis, après un avis défavorable de la commission du titre de séjour, la préfète de la Vienne, par un arrêté du 3 octobre 2016, a refusé de renouveler son titre de séjour. Cet arrêté ayant été annulé par un jugement du tribunal administratif de Poitiers rendu le 6 juin 2018 (n°1602331), la préfète de la Vienne, en exécution de ce jugement, a délivré à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable du 9 juin 2017 au 8 août 2018. Mais, par un arrêté du 20 mai 2020, la préfète de la Vienne a rejeté la demande de M. B... tendant au renouvellement de son titre de séjour. M. B... relève appel du jugement du 30 mars 2021, par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, M. B... soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'autorité signataire de l'arrêté contesté était bien compétente pour le faire, dès lors que la délégation de signature produite au dossier est extrêmement large et ne permet pas de déterminer quelles attributions ont été accordées au secrétaire général de la préfecture, notamment pour signer de tels arrêtés. Toutefois, il ressort des dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 3 février 2020 n°2020-SG-DCPPAT-005, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Vienne, que M. Emile Soumbo, secrétaire général de la préfecture de la Vienne, disposait d'une délégation de signature à l'effet de signer les décisions et actes relevant des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Contrairement à ce que soutient M. B..., une telle délégation n'est ni trop générale, ni trop imprécise. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté.

3. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué vise les textes applicables à la situation de M. B... et notamment l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article

L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application. Il mentionne aussi les principaux éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de M. B... depuis son entrée en France en 2007, ses multiples demandes d'asile, les titres de séjour qu'il a obtenus et les éléments relatifs à sa demande de renouvellement de titre de séjour. Il indique également les raisons pour lesquelles cette demande a été rejetée en précisant que l'intéressé a un casier judiciaire faisant état de plusieurs condamnations pénales, que la direction départementale de la sécurité publique de la Vienne a indiqué qu'il était très défavorablement connu des services de police pour de nombreux délits et que la commission du titre de séjour avait émis un avis défavorable le 18 février 2020. La circonstance que la préfète, qui n'avait pas à mentionner l'ensemble des circonstances relatives à la situation personnelle de M. B..., n'aurait pas tenu compte d'un élément récent pour analyser la situation de l'intégration professionnelle de M. B... est sans effet sur le caractère suffisant de la motivation de sa décision. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté doit être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. M. B... fait valoir qu'il est entré en France en 2007 avec son épouse et ses deux enfants âgés de 7 et 5 ans, que son épouse et ses deux enfants, aujourd'hui majeurs, sont bien intégrés dans la société française et disposent d'un titre de séjour. M. B... fait aussi valoir qu'entre 2013 et 2020, il a également disposé de cartes de séjour régulièrement renouvelées qui lui ont permis d'exercer des activités professionnelles. Il ajoute, par ailleurs, qu'il n'a plus aucun lien avec son pays d'origine mais qu'il dispose, en revanche, de l'ensemble de ses attaches personnelles, familiales et professionnelles en France. Enfin, il fait valoir que si la préfète a refusé de renouveler son titre de séjour en estimant que son comportement constituait une menace pour l'ordre public, en faisant notamment référence aux condamnations portées sur son casier judiciaire, il s'agit de trois condamnations présentant un caractère ancien puisque la première condamnation remonte à 2008, pour des faits de vol, la deuxième à 2011, pour des faits de dégradation ou détérioration de bien destiné à l'utilité ou à la décoration publique et la troisième à 2014, pour des faits de vol en réunion, qui ont été seulement sanctionnées par des peines d'amende. Cependant, d'une part, il ressort des pièces du dossier que M. B... a fait l'objet de condamnations plus récentes, inscrites à son casier judiciaire, le 25 avril 2018, pour avoir circulé avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance et, le 4 février 2019, pour vol. D'autre part, il ressort également des pièces du dossier et notamment d'un courrier du 28 août 2019 de la direction départementale de la sécurité publique de la Vienne que M. B... est " très défavorablement connu des services pour de très nombreux délits ". En effet, il ressort des mentions le concernant au sein du traitement des antécédents judiciaires que l'intéressé est défavorablement connu, notamment, pour des faits de conduite de véhicule sans permis, de port d'arme blanche de catégorie D et de recel de bien provenant d'un vol commis le 5 janvier 2020, des faits de recel de bien provenant d'un délit commis le 16 avril 2019, des faits d'usage illicite de stupéfiants, de refus de se soumettre à un contrôle et de circulation avec un véhicule sans permis commis le 17 avril 2019, des faits de vol à l'étalage commis le 12 mai 2018, le 26 juin 2018 et le 4 décembre 2019 ainsi que pour des faits d'acquisition, de détention et d'usage illicite de stupéfiants commis entre le 1er février 2017 et le 24 juillet 2018. Si M. B... fait valoir qu'il ne s'agit que " d'indications données par les services de police " pour lesquelles il " n'a jamais fait l'objet de poursuites pénales ", il n'apporte aucun élément permettant de mettre en doute les informations précises qui y figurent, ni n'indique lesquels de ces faits lui seraient reprochés à tort alors qu'au demeurant, la préfète produit une fiche pénale mentionnant que M. B... a été écroué le 2 mai 2021 au centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne pour effectuer une peine de 6 mois en raison des infractions suivantes : détention non autorisée de stupéfiants, usage illicite de stupéfiants, rébellion, vol, circulation à une heure interdite dans une circonscription territoriale en état d'urgence sanitaire ou en zone de circulation active du coronavirus. Dès lors, M. B... ne peut, également, ni soutenir que ces faits seraient anciens et qu'il ferait preuve depuis leur commission d'une volonté particulière d'intégration, ni, compte tenu de la menace à l'ordre public qu'ils caractérisent, que la préfète aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale en lui refusant le renouvellement de son titre de séjour. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 313-11 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Brigitte Phémolant, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Mickael Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2021.

Le rapporteur,

Dominique Ferrari La présidente,

Brigitte Phémolant La greffière,

Marie Marchives

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 21BX02233


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02233
Date de la décision : 15/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: M. Dominique FERRARI
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-15;21bx02233 ?
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