Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2020 par lequel le préfet des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée.
Par un jugement n° 2003076 du 8 avril 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 mai 2021, et des mémoires en production de pièces enregistrés les 15 juin 2021, 1er juillet 2021, 24 août 2021 et 5 octobre 2021, Mme E... représentée par Me Bonneau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 avril 2021 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Deux-Sèvres du 16 novembre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Deux-Sèvres de lui délivrer un titre de séjour d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, subsidiairement, dans un délai d'un mois, de réexaminer sa situation et dans l'attente lui délivrer dans un délai de 48 heures à compter de la notification de la décision à intervenir, une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de l'arrêté attaqué dans son ensemble :
- il est entaché d'incompétence de son auteur ; le préfet ne peut être regardé comme ayant justifié la délégation de signature accordée à la secrétaire générale de préfecture puisque son mémoire du 18 mars 2021 est intervenu postérieurement à la clôture de l'instruction et n'a pas été communiqué ; au demeurant, il résulte de la fiche dossier télérecours qu'aucune pièce n'a été produite au soutien de ce mémoire ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
-
S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
- elle méconnaît l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
-
S'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de renvoi :
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 24 juin 2021 du bureau de l'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Nicolas Normand.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ressortissante arménienne née en 2002, est entrée en France selon ses déclarations le 19 juillet 2018 accompagnée de son père M. E..., né en 1972, et de sa sœur, Armine, née en 2009. Mme E... a ainsi rejoint sa mère, Mme A... F..., ressortissante arménienne née en 1978, entrée en France le 9 août 2017, selon ses déclarations, avec son fils C... né en 1999. Ses parents et son frère ont été déboutés de leur demande tendant au bénéfice de la qualité de réfugié. Sa mère a bénéficié d'un récépissé de titre de séjour d'une durée de 6 mois en qualité d'étranger malade et son frère et son père ont été mis en possession d'un titre de séjour. Le 16 novembre 2020, le préfet des Deux-Sèvres a pris un arrêté portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le pays de destination à l'égard de Mme A... E..., M. B... E... et M. C... E... et de Mme D... E.... Cette dernière relève appel du jugement du 8 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation l'arrêté dont elle est destinataire.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :
2. En premier lieu, par un arrêté du 24 juin 2020, le préfet des Deux-Sèvres a donné délégation à Mme Anne Baretaud, secrétaire générale de la préfecture, à l'effet de signer, notamment, tous les arrêtés relevant des attributions de l'Etat dans le département des
Deux-Sèvres à l'exception de certaines matières au nombre desquelles ne figure pas la police des étrangers. Il ressort des mentions du recueil de publication de cet arrêté, disponible sur internet, qu'il a été publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial n° 79-2020-074. Si Mme E... soutient que le préfet n'a pas rapporté la preuve, avant la clôture de l'instruction, de l'existence de cette délégation, le juge peut toutefois se fonder, pour écarter un moyen d'incompétence, sur des arrêtés de délégations de signature régulièrement publiés dans un recueil d'acte administratif de la préfecture et qui sont consultables sur son site internet, dès lors qu'il s'agit d'actes réglementaires. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté litigieux doit être écarté.
3. En deuxième lieu, à l'appui du moyen tiré de ce que l'arrêté est insuffisamment motivé, l'appelante ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.
En ce qui concerne le refus de séjour :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Pour l'application des stipulations et dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
5. Il ressort de pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, Mme E... ne résidait en France que depuis 2 ans environ et avait passé l'essentiel de son existence dans son pays d'origine. Si elle se prévaut de la présence en France de ses parents, de sa sœur et de son frère, ces derniers font tous l'objet, à l'exception de sa sœur mineure qui a vocation à rester avec ses parents, d'une mesure d'éloignement. Mme E... fait également valoir que sa mère souffre d'un syndrome de stress post-traumatique et de la maladie de Vaquez. Toutefois, si l'état de santé de sa mère a nécessité son maintien sur le territoire pour une durée de 6 mois, il ressort des pièces du dossier que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a considéré qu'elle pouvait désormais bénéficier d'un traitement dans son pays d'origine et les pièces produites par l'intéressée n'infirment pas ce constat. Dans ces conditions et alors même que Mme E... produit des pièces de nature à révéler qu'elle a initié un processus d'intégration en France, notamment par l'apprentissage de la langue française et la poursuite d'études secondaires sérieuses, le refus de titre de séjour contesté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Cette décision n'a ainsi méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de l'intéressé.
6. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué, qui fait référence à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que la requérante ne fait pas état de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels justifiant son admission exceptionnelle au séjour, que le préfet des Deux-Sèvres a procédé à un examen particulier de sa demande au regard des dispositions de l'article L. 313-14 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 312-2 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) ". Mme E... ne remplissant pas les conditions pour prétendre à la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle n'est pas fondée à soutenir que le refus de titre de séjour a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière au motif que le préfet n'a pas préalablement saisi pour avis la commission du titre de séjour mentionnée aux articles L. 312-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la mesure d'éloignement et la décision fixant le pays de renvoi :
8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que ces décisions méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et celles tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E..., et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet des Deux-Sèvres.
Délibéré après l'audience du 9 novembre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Brigitte Phémolant, présidente,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. Nicolas Normand, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2021.
Le rapporteur,
Nicolas Normand La présidente,
Brigitte Phémolant Le greffier,
Marie Marchives La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX02027