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15/12/2021 | FRANCE | N°21BX02026

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 15 décembre 2021, 21BX02026


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... F... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2020 par lequel le préfet des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée.

Par un jugement n° 2003072 du 8 avril 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requ

ête, enregistrée le 7 mai 2021, et des mémoires en production de pièces enregistrés les 15 juin 2021,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... F... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2020 par lequel le préfet des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée.

Par un jugement n° 2003072 du 8 avril 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 mai 2021, et des mémoires en production de pièces enregistrés les 15 juin 2021, 1er juillet 2021, 24 août 2021 et 5 octobre 2021, Mme E... représentée par Me Bonneau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 avril 2021 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Deux-Sèvres du 16 novembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Deux-Sèvres de lui délivrer un titre de séjour d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, subsidiairement, dans un délai d'un mois, de réexaminer sa situation et dans l'attente lui délivrer dans un délai de 48 heures à compter de la notification de la décision à intervenir, une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de l'arrêté attaqué dans son ensemble :

- il est entaché d'incompétence de son auteur ; le préfet ne peut être regardé comme ayant justifié la délégation de signature accordée à la secrétaire générale de préfecture puisque son mémoire du 18 mars 2021 est intervenu postérieurement à la clôture de l'instruction et n'a pas été communiqué ; au demeurant, il résulte de la fiche dossier télérecours qu'aucune pièce n'a été produite au soutien de ce mémoire ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- elle méconnaît l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de renvoi :

- elles méconnaissent les stipulations des articles 3 et 8 la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 511-4 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Mme F... épouse E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 24 juin 2021 du bureau de l'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Nicolas Normand.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... épouse E..., ressortissante arménienne née en 1978, est entrée en France le 9 août 2017 selon ses déclarations avec son fils C... né en 1999. Elle a été rejointe le 19 juillet 2018 par son époux, né en 1972, et leurs deux autres enfants, D... et B..., nées en 2002 et 2009. Sa demande d'asile du 27 septembre 2017 a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 20 décembre 2018, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 19 juin 2019. Elle a déposé le 17 mai 2019 une demande de titre de séjour en raison de son état de santé et a bénéficié d'un récépissé de titre de séjour d'une durée de 6 mois en qualité d'étranger malade. Le 22 septembre 2020, elle a déposé une nouvelle demande de titre de séjour sur le fondement de sa vie privée et familiale. Le 16 novembre 2020, le préfet des Deux-Sèvres a pris un arrêté portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le pays de destination. Mme F... épouse E... relève appel du jugement du 8 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :

2. En premier lieu, par un arrêté du 24 juin 2020, le préfet des Deux-Sèvres a donné délégation à Mme Anne Baretaud, secrétaire générale de la préfecture, à l'effet de signer, notamment, tous les arrêtés relevant des attributions de l'Etat dans le département des Deux-Sèvres à l'exception de certaines matières au nombre desquelles ne figure pas la police des étrangers. Il ressort des mentions du recueil de publication de cet arrêté, disponible sur internet, qu'il a été publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial n° 79-2020-074. Si Mme F... épouse E... soutient que le préfet n'a pas rapporté la preuve, avant la clôture de l'instruction, de l'existence de cette délégation, le juge peut toutefois se fonder, pour écarter un moyen d'incompétence, sur des arrêtés de délégations de signature régulièrement publiés dans un recueil d'acte administratif de la préfecture et qui sont consultables sur son site internet, dès lors qu'il s'agit d'actes réglementaires. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté litigieux doit être écarté.

3. En deuxième lieu, à l'appui du moyen tiré de ce que l'arrêté est insuffisamment motivé, l'appelante ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.

En ce qui concerne le refus de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Pour l'application des stipulations et dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

5. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, Mme F... épouse E... ne résidait en France que depuis 3 ans environ et avait passé l'essentiel de son existence dans son pays d'origine. Si elle se prévaut de la présence en France de son époux et de ses trois enfants, ces derniers font tous l'objet, à l'exception de sa fille mineure qui a vocation à rester avec ses parents, d'une mesure d'éloignement. Mme F... épouse E... qui lève le secret médical, fait également valoir qu'elle souffre d'un syndrome de stress post-traumatique et de la maladie de Vaquez. Si son état de santé a nécessité son maintien sur le territoire pour une durée de 6 mois, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé dans son avis du 10 mars 2020 qu'elle pouvait désormais bénéficier d'un traitement dans son pays d'origine. D'une part, la requérante n'apporte aucun élément de nature à démontrer que sa pathologie psychiatrique impose son maintien en France. D'autre part, les attestations médicales produites par la requérante, et notamment celle du 19 janvier 2021 du " centre scientifique d'expertise des médicaments et des technologies médicales Academicien Emil Gabryelyan " dont la qualité n'est pas précisée, ne sont pas de nature à révéler une impossibilité de prise en charge de la maladie de Vaquez dont souffre la requérante par les services de santé de son pays d'origine. Il n'est notamment pas établi que les principes actifs du médicament qui lui est administré n'y seraient pas commercialisés. Dans ces conditions et alors même qu'elle produit des pièces de nature à révéler qu'elle a initié un processus d'intégration en France, notamment par l'apprentissage de la langue française, le refus de titre de séjour contesté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Cette décision n'a ainsi méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de l'intéressée.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

7. Si Mme F... épouse E... fait valoir que son enfant mineure est scolarisée en France et produit une attestation d'une directrice d'école soulignant son assiduité, il n'est pas établi qu'elle ne pourrait pas être scolarisée en Arménie. Par ailleurs, Mme F... épouse E... étant mariée à un compatriote en situation irrégulière, l'arrêté litigieux n'implique aucune séparation de l'enfant de l'un de ses parents. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut être qu'écarté.

8. En troisième lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué, qui fait référence à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que la requérante ne fait pas état de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels justifiant son admission exceptionnelle au séjour, que le préfet des Deux-Sèvres a procédé à un examen particulier de sa demande au regard des dispositions de l'article L. 313-14 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 312-2 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) ". Mme F... épouse E... ne remplissant pas les conditions pour prétendre à la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle n'est pas fondée à soutenir que le refus de titre de séjour a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière au motif que le préfet n'a pas préalablement saisi pour avis la commission du titre de séjour mentionnée aux articles L. 312-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la mesure d'éloignement et la décision fixant le pays de renvoi :

10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5 et 7 du présent arrêt, les moyens tirés de ce que ces décisions méconnaissent les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ainsi que les dispositions de l'article L. 511-4 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et celles tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme F... épouse E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F... épouse E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Deux-Sèvres.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Brigitte Phémolant, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2021.

Le rapporteur,

Nicolas Normand

La présidente,

Brigitte Phémolant

Le greffier,

Marie Marchives

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 21BX02026


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02026
Date de la décision : 15/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : BONNEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-15;21bx02026 ?
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