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15/12/2021 | FRANCE | N°19BX03671

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 15 décembre 2021, 19BX03671


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par quatre requêtes distinctes, la société à responsabilité limitée SJC a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler les avis des sommes à payer émis à son encontre par la commune de Luzenac les 16 octobre et 14 novembre 2017 pour des montants, respectivement, de 26 200 euros et de 41 000 euros, d'autre part, d'annuler l'avis de compensation des sommes à payer émis à son encontre le 16 novembre 2017 pour un montant de 1 496,28 euros, enfin de condamner la commune de Luzenac à

lui payer la somme de 60 466,50 euros au titre du solde du lot " voiries et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par quatre requêtes distinctes, la société à responsabilité limitée SJC a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler les avis des sommes à payer émis à son encontre par la commune de Luzenac les 16 octobre et 14 novembre 2017 pour des montants, respectivement, de 26 200 euros et de 41 000 euros, d'autre part, d'annuler l'avis de compensation des sommes à payer émis à son encontre le 16 novembre 2017 pour un montant de 1 496,28 euros, enfin de condamner la commune de Luzenac à lui payer la somme de 60 466,50 euros au titre du solde du lot " voiries et réseaux divers - espaces verts " d'un marché public relatif à la création d'un lotissement.

Par un jugement n° 1705292, 1705741, 1705742, 1800202 du 22 juillet 2019, le tribunal administratif de Toulouse a annulé ces avis de sommes à payer et a rejeté la demande de la société SJC tendant à la condamnation de la commune de Luzenac.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 septembre 2019 et un mémoire enregistré le 19 janvier 2020, la société SJC, représentée par Me Marquet, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 22 juillet 2019 en tant qu'il a rejeté ses demandes tendant à la condamnation de la commune de Luzenac à lui verser la somme de 60.466,50 € au titre du solde d'un marché public relatif à la création d'un lotissement et à ce qu'une somme de 5.000 euros soit mise à la charge de la commune de Luzenac au titre des frais exposés pour l'instance ;

2°) de condamner la commune de Luzenac à lui verser la somme de 60.466,50 € au titre du solde de ce marché assorti des intérêts moratoires capitalisés au taux prévu dans le code des marchés publics ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Luzenac une somme de 5 000 euros au titre des frais qu'elle a exposés pour l'instance.

Elle soutient que :

- le délai prévisionnel de réalisation des travaux ne présentait pas un caractère contractuel ;

- les retards pris dans l'exécution du marché ne sont pas de son fait :

- la signature de l'avenant n°3 exclut l'application de pénalités de retard pour la période antérieure ;

- aucun décompte de jours de retard ne lui a été notifié en méconnaissance des dispositions de l'article 19 du CCAG travaux ;

- en application des dispositions du même article, il appartenait au maître d'œuvre de tenir compte des jours d'intempérie dont elle justifie par ailleurs l'existence ;

- la durée d'exécution des travaux a été portée à 4 mois aux termes des différents comptes rendus de chantier.

Par un mémoire enregistré le 9 décembre 2019, la commune de Luzenac, représentée par Me Chen, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société appelante au titre des frais qu'elle a exposés pour l'instance.

Elle soutient que le jugement attaqué n'est pas joint à la requête et que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement signé le 15 avril 2016, la commune de Luzenac a attribué à la société SJC le lot " voiries et réseaux divers (VRD) - espaces verts " d'un marché public de travaux relatif à la création d'un lotissement à usage de maisons d'habitation, pour un montant initial de 200 302 euros hors taxes. Suite à de nombreux aléas dont la société SJC soutient ne pas être responsable, les travaux ont accusé un retard de plusieurs mois. Le 18 juillet 2017, les parties ont signé un avenant au marché qui avait pour objet la renonciation à une partie des travaux prévus au contrat afin de permettre l'achèvement des ouvrages. Les travaux ont été achevés le 24 juillet 2017 et réceptionnés sans réserve le 31 juillet 2017. Le décompte général du marché a été notifié à la société SJC le 23 octobre 2017 et celle-ci a adressé un mémoire en réclamation que la commune de Luzenac a réceptionné le 17 novembre 2017. La société SJC relève appel du jugement du 22 juillet 2019 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il n'a pas condamné la commune de Luzenac à lui verser la somme de 60.466,50 € au titre du solde de ce marché et n'a pas mis à la charge de la commune les frais exposés pour l'instance.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient la commune de Luzenac, la société SJC a joint le jugement attaqué à sa requête. Par suite le moyen tiré de ce que, faute d'avoir respecté, sur ce point, les dispositions de l'article R. 412-1 du code de justice administrative, cette requête serait irrecevable ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.

Sur les pénalités de retard :

3. En premier lieu, l'avenant n° 3 au marché, signé le 18 juillet 2017, " est motivé par la nécessaire prise en compte des aléas rencontrés en cours de réalisation du chantier ayant nécessité des adaptations par rapport au projet initial, et par l'accord entre le maitre d'ouvrage et l'attributaire du marché de retirer du marché les prestations de plantations et de réalisation d'un muret chasse-roue. " Contrairement à ce que soutient la société appelante, une telle motivation ne permet pas de considérer qu'en signant cet avenant, les parties auraient eu la volonté d'exclure l'application des pénalités contractuellement prévues.

4. En deuxième lieu, et contrairement à ce que soutient également la société appelante, les dispositions de l'article 19 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché dont s'agit (CCAG) n'imposaient aucunement au maître de l'ouvrage de faire état, dans les décomptes mensuels, des jours de retard d'ores et déjà comptabilisés ni, plus généralement, de comptabiliser ces jours avant l'achèvement de ce marché.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) : " 4.1. Délai d'exécution des travaux : Les stipulations correspondantes figurent à l'article 5 de l'Acte d'Engagement. Le calendrier prévisionnel d'exécution est fixé comme suit : Le marché se déroulera en une seule phase de travaux. Le calendrier d'exécution contractuel sera défini en phase de préparation après validation par le maitre d'œuvre. Au cours du chantier et avec l'accord des différents entrepreneurs concernés, le maître d'œuvre peut modifier le calendrier détaillé d'exécution dans la limite du délai de réalisation fixé à l'article 5 de l'Acte d'Engagement. Le calendrier initial éventuellement modifié comme il est indiqué ci-dessus, est notifié par un ordre de service à tous les titulaires du marché. 4.2. Prolongation du délai d'exécution : En vue de l'application éventuelle de l'article 19.2.3 du CCAG, le nombre de journées d'intempéries réputées prévisibles est fixé à quinze (15) jours. " Par ailleurs, en application de l'article 8.1 du CCAP, la durée de la phase de préparation est comprise dans le délai d'exécution des lots et est fixée à 4 semaines tandis que " Les travaux ne peuvent pas commencer avant l'obtention du/des visa(s) du maitre d'œuvre. ". Enfin, l'article 28.2.2 du CCAG prévoit que " Le programme d'exécution des travaux est notifié pour visa du maître d'œuvre dix jours au moins avant l'expiration de la période de préparation. Si une telle période n'est pas prévue par le CCAP, ce programme est notifié un mois au plus tard après la notification du marché. Passé le délai d'un mois à compter de la date de notification pour visa, l'absence de visa ne fait pas obstacle à l'exécution des travaux. ".

6. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsque le maître d'œuvre refuse de donner son visa au programme d'exécution des travaux, cette exécution ne peut commencer que dans le délai d'un mois à compter de la notification qui lui a été faite de ce programme d'exécution dès lors que, contrairement à ce que soutient la société SJC, les dispositions précitées de l'article 8.1 du CCAP n'ont, explicitement, pour objet que de déroger au seul article 28.1 du CCAG et non aux dispositions également précitées de l'article 28. 2 du même cahier.

7. Par ailleurs l'article 5 à l'acte d'engagement du marché, l'avenant n°3 à ce marché, le programme d'exécution notifié par la société SJC au maître d'œuvre le 19 avril 2016 et le compte-rendu de la réunion de chantier du 20 avril suivant, fixent le délai d'exécution du marché à 16 semaines à compter de la notification du marché, laquelle est intervenue, le jour de cette réunion, le 20 avril 2016. Enfin, par ordre de service n°1 du 13 mai 2016, le maître de l'ouvrage a accordé un délai supplémentaire pour la phase d'installation du chantier en en fixant l'achèvement au 30 mai 2016. Ainsi, l'exécution des travaux, dont il ressort de ce qui a été dit précédemment qu'ils pouvaient contractuellement démarrer le 1er juin 2016 en dépit du refus du maître d'œuvre de viser le programme d'exécution des travaux - dont il n'est, au demeurant, pas utilement contesté qu'il n'était pas conforme aux stipulations contractuelles et caractérise donc une faute de la société appelante - aurait dû s'achever 12 semaines plus tard, c'est-à-dire le 23 août 2016.

8. En quatrième lieu, aux termes l'article 20.1 du CCAG : " En cas de retard dans l'exécution des travaux, (...), il est appliqué, sauf stipulation différente du CCAP, une pénalité journalière de 1/3000ème du montant de l'ensemble du marché ou de la tranche considérée. (...) Les pénalités sont encourues du simple fait de la constatation du retard par le maître d'œuvre. " L'article 4.1 du CCAP précise que : " Par dérogation à l'article 20.1 du CCAG, il sera appliqué les pénalités d'un montant de 200 € HT par jour calendaire (compris jours fériés) à l'entreprise responsable du retard, sans exonération. Par ailleurs, aucune prime n'est prévue dans le cadre du marché pour avancement dans les lieux. ".

9. En l'occurrence, il ressort du procès-verbal de réception des travaux que ceux-ci ont été achevés le 23 juillet 2017 avec, donc, trois cent trente-six jours de retard. Par ailleurs, l'ordre de service n° 2 indique que les travaux ont été interrompus par décision du maître de l'ouvrage du 1er février au 13 avril 2017 inclus, soit durant soixante-douze jours. Le retard pouvant être mis à la charge de la société appelante doit dès lors être réduit à deux cent soixante-quatre jours.

9. La société SJC soutient que les retards ainsi constatés sont dus aux intempéries ainsi qu'à des " péripéties inhérentes à l'avancement des travaux publics " et aux agissements de tiers et, en particulier, des maîtres d'œuvre et d'ouvrage.

10. Toutefois, d'une part, et ainsi que l'ont dit les premiers juges, elle n'établit pas que ces retards seraient dus à l'intervention de tiers ou à la désorganisation du marché en se bornant à produire son propre calendrier de chantier, des comptes rendus de chantier qui prennent seulement acte des retards accumulés et de leur incidence sur la date prévisionnelle d'achèvement des travaux, ainsi que des échanges de courriels particulièrement sommaires, au demeurant partiellement illisibles, et qui concernent, pour l'essentiel, des contraintes qu'il lui appartenait d'anticiper en application des dispositions de l'article 1.6 du cahier des clauses techniques particulières du marché. En outre, il ne ressort pas des avenants n°1 et 2 au marché que ces avenants auraient nécessairement entrainé un allongement de la durée globale des travaux.

11. D'autre part, et ainsi qu'il a été dit précédemment le chantier a été achevé avec un retard de retard de deux cent soixante-quatre jours. Toutefois, le maître d'ouvrage a infligé à la société SJC des pénalités correspondant seulement à deux cent cinq jours de retard, soit une différence de cinquante-neuf jours. Or, si la société soutient qu'elle a été confrontée, au cours du chantier, à des intempéries d'une durée bien supérieure aux quinze jours mentionnés dans le CCAP comme prévisibles, elle n'établit pas, en tout état de cause, que le nombre de jours d'intempéries rendant impossible la poursuite des travaux avant leur interruption à l'initiative du maître de l'ouvrage, soit entre les mois de novembre 2016 et janvier 2017, serait supérieur à cinquante-neuf jours en se bornant à produire des relevés météorologiques mensuels synthétiques relatifs à l'ensemble de la région Midi-Pyrénées.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société SJC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont considéré que le délai d'exécution du marché lui était contractuellement opposable et que le retard d'exécution qui lui est imputable est au moins égal aux deux cent cinq jours retenus par le maître d'œuvre pour le calcul des pénalités contractuelles figurant dans le décompte en litige et qu'ils ont fixé, en conséquence, le solde du marché à la somme de somme de 1 496,28 euros au débit de la société appelante. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les frais exposés pour l'instance :

13. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société SJC la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés pour l'instance par la commune de Luzenac.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : La société SJC versera une somme de 1 500 euros à la commune de Luzenac au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée SJC et à la commune de Luzenac.

Délibéré après l'audience du 29 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 décembre 2021.

Le rapporteur,

Manuel A...

Le président,

Didier Artus

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au préfet de l'Ariège en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N°19BX03671


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03671
Date de la décision : 15/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-03-01-02-02 Marchés et contrats administratifs. - Exécution technique du contrat. - Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas. - Marchés. - Retards d'exécution.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : SCP GOGUYER-LALANDE DEGIOANNI

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-15;19bx03671 ?
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