Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler les décisions du 19 décembre 2017 et du 9 avril 2018 par lesquelles la rectrice de l'académie de la Martinique a rejeté ses demandes de reclassement en qualité de conseiller pédagogique de circonscription en éducation physique et d'enjoindre à l'administration de lui accorder le reclassement sollicité ou, à défaut, de réexaminer sa demande.
Par un jugement n° 180350 du 11 juillet 2019, le tribunal administratif de la Martinique a annulé les décisions attaquées et a enjoint la rectrice de l'académie de la Martinique de réexaminer la demande de reclassement de Mme C....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 octobre 2019 et un mémoire enregistré le 9 août 2021, Mme C..., représentée par Me Delacharlerie, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) avant dire droit, d'ordonner à la rectrice de l'académie de la Martinique de produire le contrat de droit public conclu entre elles ;
2°) d'annuler ou de réformer ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 11 juillet 2019 ;
3°) d'annuler les décisions du 19 décembre 2017 et du 9 avril 2018 par lesquelles la rectrice de l'académie de la Martinique a rejeté ses demandes de reclassement en qualité de conseiller pédagogique de circonscription en éducation physique ;
4°) enjoindre à la rectrice de l'académie de la Martinique de la reclasser sur un poste de conseiller pédagogique de circonscription en éducation physique et sportive, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais qu'elle a exposé pour l'instance.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué a été rendu en méconnaissance des dispositions des articles L. 911-1 et L. 761-1 du code de justice administrative ;
- elle ne peut légalement bénéficier d'un reclassement que dans la limite des droits résultant du contrat conclu avec le rectorat ;
- les décisions litigieuses ont méconnu l'article R. 914-81 du code de l'éducation et sont entachées d'une erreur d'appréciation au regard de son état de santé.
Par des mémoires enregistrés les 20 mars 2020 et 19 juillet 2021, la rectrice de l'académie de la Martinique conclut au rejet de la requête et à ce qu'une amende pour requête abusive d'un montant de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme C... en application des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.
Elle soutient que l'appelante ne remplit pas les conditions de reclassement sur le poste demandé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le décret n° 85-88 du 22 janvier 1985,
- le décret n° 2008-775 du 30 juillet 2008,
- le décret n° 2015-883 du 20 juillet 2015,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., maître contractuel exerçant une activité d'enseignement d'éducation physique et sportive au séminaire collège Sainte-Marie à Fort-de-France, établissement privé sous contrat d'association avec l'Etat, a été victime d'une agression par un de ses collègues au sein de son établissement le 24 octobre 2006 et a été placée en congé de maladie à partir de cette date. Suite à l'avis rendu par la commission de réforme le 1er juin 2017, constatant l'impossibilité de reprise par l'agent de ses fonctions, son inaptitude à son emploi d'enseignante et préconisant un reclassement à temps partiel thérapeutique, la rectrice de l'académie de la Martinique a invité Mme C... à présenter une demande de reclassement. Par deux décisions des 19 décembre 2017 et 9 avril 2018, la rectrice de l'académie de la Martinique a rejeté ses demandes de reclassement en qualité de conseiller pédagogique de circonscription en éducation physique. Mme C... relève appel du jugement du 29 mai 2019 en tant que le tribunal administratif de la Martinique a annulé ces décisions et a enjoint à la rectrice de réexaminer sa demande de reclassement, sans faire droit à sa demande de reclassement.
Sur l'étendue du litige :
2. Lorsque le juge de l'excès de pouvoir annule une décision administrative alors que plusieurs moyens sont de nature à justifier l'annulation, il lui revient, en principe, de choisir de fonder l'annulation sur le moyen qui lui paraît le mieux à même de régler le litige, au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire. Mais, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d'annulation, des conclusions à fin d'injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l'injonction demandée. Il en va également ainsi lorsque des conclusions à fin d'injonction sont présentées à titre principal sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et à titre subsidiaire sur le fondement de l'article L. 911-2.
3. De même, lorsque le requérant choisit de hiérarchiser, avant l'expiration du délai de recours, les prétentions qu'il soumet au juge de l'excès de pouvoir en fonction de la cause juridique sur laquelle reposent, à titre principal, ses conclusions à fin d'annulation, il incombe au juge de l'excès de pouvoir de statuer en respectant cette hiérarchisation, c'est-à-dire en examinant prioritairement les moyens qui se rattachent à la cause juridique correspondant à la demande principale du requérant.
4. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens assortissant la demande principale du requérant mais retient un moyen assortissant sa demande subsidiaire, le juge de l'excès de pouvoir n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler la décision attaquée ; statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande principale.
5. Si le jugement est susceptible d'appel, le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n'a pas fait droit à sa demande principale. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à la demande principale.
6. En l'occurrence, il ressort des pièces du dossier que les premiers juges ont annulé les décisions litigieuses pour défaut de motivation et n'ont, dès lors, pas enjoint à la rectrice de l'académie de la Martinique de procéder au reclassement de Mme C... sur le poste qu'elle demandait. Il résulte de ce qui précède que cette dernière est recevable à relever appel du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande d'injonction présentée à titre principal.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
7. En premier lieu, aux termes de l'article R. 914-81 du code de l'éducation : " Dans le cas où l'état physique d'un maître, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas de remplir les fonctions correspondant à l'échelle de rémunération ou à la discipline qui sont les siennes, l'administration, après avis du comité médical prévu à l'article 6 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, invite l'intéressé à présenter une demande de reclassement dans un emploi correspondant à une autre échelle de rémunération ou lui propose une offre de reclassement dans une autre discipline. Après avis de la commission nationale d'affectation prévue à l'article R. 914-50, l'administration autorise le maître à se porter candidat aux emplois vacants correspondant à l'échelle de rémunération qu'il a demandée ou dans la discipline qui lui a été proposée. La décision de ne pas autoriser le maître à présenter sa candidature à de tels emplois doit être motivée. ".
8. Par ailleurs, aux termes du I de l'article 5 du décret n° 2008-775 du 30 juillet 2008 relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants du premier degré, modifié par le décret n° 2015-883 du 20 juillet 2015 : " Les enseignants du premier degré titulaires du certificat d'aptitude aux fonctions d'instituteur ou de professeur des écoles maître formateur peuvent exercer la fonction de conseiller pédagogique auprès d'un directeur académique des services de l'éducation nationale ou d'un inspecteur de l'éducation nationale ". En application de l'article 1er du décret n° 85-88 du 22 janvier 1985 relatif aux conditions de nomination aux fonctions d'instituteur ou de professeur des écoles maître formateur : " Il est institué un certificat d'aptitude aux fonctions d'instituteur ou de professeur des écoles maître formateur, qui est exigé des candidats aux fonctions comportant des activités d'animation, de recherche et de formation dans le cadre de la formation initiale et continue des instituteurs ou des professeurs des écoles ". Et l'article 2 du même décret précise que : " Le certificat d'aptitude défini à l'article 1er ci-dessus est délivré à l'issue d'un examen ouvert aux instituteurs et aux professeurs des écoles titulaires justifiant, au 31 décembre de l'année de l'examen, d'au moins cinq années de services effectifs dans une classe où les instituteurs et les professeurs des écoles ont vocation à exercer ".
9. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'exercice des fonctions de conseiller pédagogique de circonscription du 1er degré n'est accessible qu'aux lauréats d'un certification d'aptitude ouvert aux seuls instituteurs et professeurs des écoles titulaires de l'enseignement public.
10. Ainsi, Mme C..., dont il est constant qu'elle n'est pas titulaire du certificat d'aptitude exigé par les dispositions précitées du décret n° 2008-775 modifié du 30 juillet 2008, ne remplit pas davantage les conditions permettant de passer l'examen à l'issue duquel ce certificat d'aptitude est délivré dès lors qu'elle n'est pas titulaire de l'enseignement public. Par suite, c'est à bon droit que la rectrice de l'académie de la Martinique a refusé de procéder à son reclassement sur un poste de conseiller pédagogique de circonscription sans que l'appelante puisse utilement se prévaloir de ce que son état de santé fait obstacle à ce qu'elle exerce les fonctions de professeur certifiée devant des élèves.
11. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de faire droit à la mesure d'instruction demandée, que l'appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont implicitement mais nécessairement écarté les moyens relatifs au bien-fondé des décisions litigieuses des 19 décembre 2017 et 9 avril 2018 et n'ont, par suite, pas fait droit à sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la rectrice de l'académie de la Martinique de la reclasser en qualité de conseiller pédagogique de circonscription en éducation physique.
12. En second lieu, aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
13. En l'occurrence, eu égard notamment au motif du jugement attaqué, il ne ressort pas des pièces du dossier que le tribunal administratif a commis une erreur d'appréciation en considérant qu'il n'apparaissait pas inéquitable de laisser à la charge de Mme C... les frais exposés et non compris dans les dépens.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la requête doit être rejetée y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article R. 741-12 du code de justice administrative :
15. Enfin, aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros. ". Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce et en tout état de cause, de faire application de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la rectrice de l'académie de la Martinique tendant à l'application de l'article R. 741-12 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié Mme A... C... et au ministre de l'éducation nationale. Copie en sera adressée à la rectrice de l'académie de la Martinique.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 décembre 2021.
Le rapporteur,
Manuel B...
Le président,
Didier ArtusLa greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°19BX03920