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06/12/2021 | FRANCE | N°19BX01203

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 06 décembre 2021, 19BX01203


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Génos a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner l'Etat à lui verser la somme de 570 000 euros en réparation du préjudice que lui cause le non-renouvellement par l'Etat de la concession hydroélectrique de la vallée du Louron ; elle a aussi demandé la condamnation de l'Etat à lui verser annuellement la somme de 95 000 euros à compter de l'année 2017 jusqu'au renouvellement de cette concession.

Par un jugement n° 1602354 du 29 janvier 2019, le tribunal a rejeté ses deman

des.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 29...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Génos a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner l'Etat à lui verser la somme de 570 000 euros en réparation du préjudice que lui cause le non-renouvellement par l'Etat de la concession hydroélectrique de la vallée du Louron ; elle a aussi demandé la condamnation de l'Etat à lui verser annuellement la somme de 95 000 euros à compter de l'année 2017 jusqu'au renouvellement de cette concession.

Par un jugement n° 1602354 du 29 janvier 2019, le tribunal a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 29 mars 2019 et le 4 octobre 2021, la commune de Génos, représentée par Me Lepage, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1602354 du tribunal ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 570 000 euros, assortie des intérêts à taux légal à compter du 12 février 2015, en réparation du préjudice que lui cause l'absence de renouvellement de la concession du Louron ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 95 000 euros par an à compter de l'année 2017 jusqu'au renouvellement de la concession ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :

- le tribunal a insuffisamment motivé son jugement ;

- le tribunal a statué ultra petita en retenant qu'il y avait une situation d'urgence justifiant que le préfet se dispense de respecter une procédure de publicité et de mise en concurrence pour l'attribution des nouvelles concessions ;

Elle soutient, au fond, que :

- l'Etat a fait preuve d'une inertie fautive en ne mettant pas en œuvre dans le délai légal une procédure de publicité et de mise en concurrence pour le renouvellement de la concession ; l'article 13 de la loi du 16 octobre 1919 permet certes la prorogation des concessions pour une durée équivalente au retard pris par l'administration ; mais l'Etat s'est fautivement prévalu de cette possibilité pour proroger indéfiniment la concession bien au-delà de la limite des 75 ans prévue à l'article 10 de la loi du 16 octobre 1919 ;

- les réformes intervenues depuis 2008 en matière d'attribution des concessions hydroélectriques sont sans incidence sur la carence de l'Etat ; d'autant que l'article 35 du décret du 26 septembre 2008 prévoit des mesures transitoires pour les concessions antérieures ;

- le tribunal a appliqué à tort de manière simultanée la loi du 16 octobre 1919 et l'article L. 521-18 du code de l'énergie alors qu'il lui appartenait, pour déterminer les textes applicables, de fixer la date à laquelle l'Etat aurait dû entamer une nouvelle procédure de mise en concurrence ;

- selon le ministère lui-même, la mise en œuvre d'une telle procédure prend en moyenne 36 mois auxquels il faut ajouter 12 mois supplémentaires de préparation de cette procédure ;

- il n'existe pas de causes exonératoires de la responsabilité de l'Etat ; la commune n'a commis aucune faute ni aucun fait pouvant expliquer la carence de l'Etat ; ce dernier ne peut expliquer cette carence par le fait que la création d'une société d'économie mixte locale avait été envisagée pour la reprise des concessions dès lors que ce projet était précisément dû à sa carence ; de plus, ce projet n'a été rendu possible que par la loi du 17 août 2015, laquelle est postérieure de plusieurs années aux dates de fin des concessions ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le concessionnaire actuel (société SHEM) avait bien remis un dossier de fin de concession complet qui permettait à l'Etat de disposer des informations nécessaires au lancement d'une nouvelle procédure de mise en concurrence ; c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'Etat n'avait pas commis de faute en n'usant pas des pouvoirs de contrainte pour obliger, si nécessaire, l'exploitant à déposer un dossier complet de fin de concession ;

- la responsabilité de l'Etat est également engagée du fait de la méconnaissance par ses services des règles régissant la durée des concessions, laquelle est fixée à 75 ans par l'article 10 de la loi du 16 octobre 1919 ;

- la responsabilité de l'Etat est engagée encore en raison de la méconnaissance par ses services de l'objectif de valeur constitutionnelle de bon usage des deniers publics ; la carence de l'Etat à organiser le renouvellement des concessions hydroélectriques prive la commune de la possibilité de percevoir la redevance créée par la loi du 30 décembre 2006 à l'occasion de renouvellement de ces concessions ;

- de plus, l'attitude de l'Etat porte atteinte à l'espérance légitime de la commune de percevoir cette redevance ; cette espérance légitime est reconnue par la cour européenne des droits de l'homme lorsqu'est en cause une créance reposant sur une base suffisante en droit interne ; tel est le cas de la redevance créée par le législateur en 2006 et dont la commune est privée en raison de la carence de l'Etat ;

- le préjudice est constitué par le montant des redevances dont la commune est privée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 septembre 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par ordonnance du 2 septembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 4 octobre 2021 à 12h00.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'énergie ;

- la loi du 16 octobre 1919 ;

- la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 ;

- la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018

- le décret n° 2008-1009 du 26 septembre 2008 ;

- le décret n° 2016-530 du 27 avril 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique,

- et les observations de Me Babes, représentant la commune de Génos.

Une note en délibéré présentée par la commune de Génos a été enregistrée le 4 novembre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. La société hydroélectrique du Midi (SHEM) exploite les installations hydroélectriques de Lassoula et de Tramezaygues, situées dans la vallée du Louron, dans le cadre d'une concession prenant fin le 31 décembre 2007.

2. Bien que cette concession soit arrivée à son terme, l'Etat n'a pas mis en œuvre les procédures de publicité et de mise en concurrence permettant son renouvellement. Or l'article 33 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 a créé et mis à la charge du concessionnaire, à l'occasion du renouvellement des concessions hydroélectriques, une redevance proportionnelle aux recettes procurées par les ventes d'électricité produite par les ouvrages hydroélectriques. Cette redevance doit profiter pour partie à l'Etat et pour partie aux départements et aux communes dont le territoire est traversé par les cours d'eau exploités. Estimant que la carence de l'Etat à renouveler les concessions hydroélectriques du Louron le prive de cette redevance, la commune de Génos a demandé au Premier ministre, le 12 février 2015, l'indemnisation du manque à gagner qu'elle estime subir. Après le rejet implicite de cette demande, la commune de Génos a saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande de condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 570 000 euros correspondant à la redevance qu'elle aurait dû percevoir au titre des exercices 2013, 2014, 2015 et 2016 et la somme de 95 000 euros au titre des exercices à venir et jusqu'au renouvellement de la concession.

3. La commune de Génos relève appel du jugement rendu le 29 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Dans leur décision, les premiers juges ont énoncé avec une précision suffisante, pour permettre à la commune appelante de les contester, les motifs pour lesquels ils ont estimé que la responsabilité de l'Etat n'était pas engagée à raison du non-renouvellement de la concession du Louron. Ils ont en particulier répondu aux différents terrains de responsabilité invoqués par la commune à l'appui de ses prétentions. Le moyen tiré de l'absence de motivation suffisante du jugement doit ainsi être écarté.

5. Les motifs du jugement attaqué ne font pas apparaitre que le tribunal aurait retenu, sans que cela soit débattu entre les parties, une situation d'urgence permettant au préfet de ne pas mettre en œuvre les procédures de publicité et de mise en concurrence nécessaires au renouvellement des concessions. Le moyen tiré de ce que le tribunal aurait " statué ultra petita ", comme le formule la commune, doit être écarté.

6. Il résulte de ce qui précède que le jugement du tribunal administratif de Pau n'est pas entaché des irrégularités invoquées par l'appelant.

Sur la responsabilité de l'Etat :

7. En vertu de l'article 10 de la loi du 16 octobre 1919, aujourd'hui codifié à l'article L. 521-4 du code de l'énergie, la durée des concessions hydroélectriques ne peut dépasser 75 ans. Aux termes de l'article 13 loi du 16 octobre 1919, aujourd'hui codifié à l'article L. 512-16 du code de l'énergie: " Onze ans au moins avant l'expiration de la concession, le concessionnaire présente sa demande de renouvellement. Au plus tard cinq ans avant cette expiration, l'administration prend la décision soit de mettre fin définitivement à cette concession à son expiration normale, soit d'instituer une concession nouvelle à compter de l'expiration. A défaut par l'administration d'avoir, avant cette date, notifié sa décision au concessionnaire, la concession actuelle est prorogée aux conditions antérieures, mais pour une durée équivalente au dépassement. La nouvelle concession doit être instituée au plus tard le jour de l'expiration du titre en cours, c'est-à-dire soit à la date normale d'expiration, soit si l'alinéa précédent est mis en œuvre à la nouvelle date déterminée selon les dispositions de cet alinéa. A défaut, pour assurer la continuité de l'exploitation, ce titre est prorogé aux conditions antérieures jusqu'au moment où est délivrée la nouvelle concession (...) ".

8. Alors que le terme de la concession du Louron était fixé au 31 décembre 2007, il appartenait à l'Etat conformément aux dispositions précitées de décider d'instituer une nouvelle concession soit d'y mettre un terme au plus tard le 31 décembre 2002. Il résulte cependant de l'instruction que l'Etat a attendu le 13 avril 2007 pour prendre une décision de principe sur le renouvellement de la concession, de sorte qu'en application de l'article 13 précité de la loi du 16 octobre 1919, la concession du Louron a été prorogée jusqu'au 13 avril 2012. L'Etat devait en conséquence instituer une nouvelle concession au plus tard le 13 avril 2012, date d'expiration du titre en cours prorogé conformément à l'article 13 précité de la loi. Si un calendrier de procédure a été établi prévoyant un appel d'offres au début de l'année 2011, le choix du candidat dans le courant de l'année 2012 et l'attribution de la concession en 2013, il résulte de l'instruction que la procédure de désignation d'un nouveau concessionnaire n'a pas été mise en œuvre.

En ce qui concerne la carence de l'Etat à mettre en œuvre les procédures de renouvellement des concessions :

9. En premier lieu, le décret du 13 octobre 1994 relatif à la concession des ouvrages utilisant l'énergie hydraulique a été modifié par le décret du 26 septembre 2008 organisant les modalités de mise en concurrence des concessions hydroélectriques. A elle seule, l'entrée en vigueur de ce décret du 26 septembre 2008 ne constitue par une circonstance dont l'Etat peut se prévaloir pour s'exonérer de son obligation de prendre les mesures nécessaires pour instituer la nouvelle concession au plus tard le 13 avril 2012. Par ailleurs, il est exact que le cadre législatif et règlementaire encadrant l'octroi des concessions hydroélectriques a ultérieurement évolué pour tenir compte des contraintes posées par le droit communautaire. Ainsi, la loi du 17 août 2015 sur la transition énergétique et pour la croissance verte est venue transposer la directive européenne 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l'attribution des contrats de concession et le décret d'application de cette loi du 27 avril 2016 a défini un nouveau cadre d'octroi et de renouvellement des concessions. Le ministre fait encore valoir qu'une modification du cadre légal est susceptible d'intervenir depuis que la France a fait l'objet, le 22 octobre 2015 et le 7 février 2019, d'une mise en demeure de la part de la Commission européenne prise dans le cadre d'une procédure d'infraction à raison de la position dominante qu'occuperait EDF dans le secteur de l'hydroélectricité. Pour autant, ces circonstances sont postérieures de plusieurs années à l'échéance de la concession qui était fixée, ainsi qu'il a été dit, au 13 avril 2012, date limite à laquelle l'Etat aurait dû instituer la nouvelle concession en application de l'article 13 de la loi du 16 octobre 1919 aujourd'hui codifié à l'article L. 521-16 du code de l'énergie. Ces circonstances ne permettent donc pas à l'Etat de s'exonérer de sa responsabilité pour ne pas avoir engagé la procédure de renouvellement de la concession à la date qui s'imposait à lui légalement.

10. En deuxième lieu, le ministre fait valoir que la commune de Génos a contribué au retard dans la mise en œuvre de la procédure de renouvellement de la concession dès lors qu'elle avait fait connaître son intention de participer à une société d'économie mixte hydroélectrique destinée à reprendre l'exploitation des ouvrages. Toutefois, la possibilité pour une société d'économie mixte de se porter candidate à l'exploitation d'ouvrages d'hydroélectricité n'a été introduite dans l'ordonnancement juridique que par la loi du 17 août 2015, soit postérieurement à l'échéance de la concession du Louron. Cette circonstance est par suite sans incidence sur l'obligation de l'Etat d'instituer la nouvelle concession dans les délais prévus par l'article 13 de la loi du 16 octobre 1919 auquel a succédé l'article L. 521-16 du code de l'énergie. Il s'ensuit que le ministre n'est pas fondé à soutenir que le fait de la commune, lequel ne revêt d'ailleurs aucun caractère fautif, aurait joué un rôle dans le retard qui est reproché à l'Etat.

11. En troisième lieu, le ministre fait valoir qu'il n'était pas en mesure de lancer la procédure d'attribution de la nouvelle concession dès lors que la SHEM, exploitante des installations hydroélectriques, n'avait pas remis aux services de la préfecture un dossier complet de fin de concession conformément à l'article 28 du décret du 26 septembre 2008 auquel a succédé l'article R. 521-52 du code de l'énergie alors qu'un tel dossier est destiné à fournir, entre autres, des informations sur l'état des ouvrages et sur la maîtrise foncière des terrains sans lesquelles la mise en œuvre de la procédure de renouvellement était impossible.

12. Il résulte de l'instruction que le directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Midi-Pyrénées a demandé à la SHEM, par courrier du 6 août 2009, de lui adresser un dossier de fin de la concession d'exploitation des ouvrages de la vallée du Louron. Par deux lettres du 11 février 2010 et du 6 avril 2010, cette autorité a fait savoir à la SHEM que le dossier remis le 26 janvier 2010 était incomplet. Puis le 15 juillet 2011, le ministre de l'écologie et le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ont rappelé à la SHEM son obligation de produire l'étude de dangers obligatoire. A nouveau, la SHEM a été rappelée à son obligation de produire un dossier complet de fin de concession, comportant notamment une étude de dangers, par un courrier du ministre de l'écologie du 15 février 2013 et un courrier du DREAL de Midi-Pyrénées du 13 décembre 2013. Enfin, le préfet des Hautes-Pyrénées a une nouvelle fois invité, en vain, la SHEM à compléter son dossier de fin de concession par trois courriers datés du 9 juillet 2015, du 11 février 2016 et du 27 mars 2018. Ces éléments établissent que les services de l'Etat ne sont pas restés inactifs pour obtenir de l'exploitant en place les éléments exigés, mais aussi la mauvaise volonté de l'exploitant qui n'a jamais fourni de dossier complet de fin de concession en dépit des relances régulières qui lui ont été adressées entre 2009 et 2018 et que l'Etat pouvait, alors que la durée de l'exploitation avait pris fin entre temps, surmonter en faisant usage des pouvoirs de contrainte et de sanction dont il dispose en tant qu'autorité de police, ce qu'il s'est abstenu de faire sur la période considérée. A cet égard, il résulte de l'instruction que l'Etat s'est contenté tout au plus d'adresser à l'exploitant le 7 juin 2010 un projet de mise en demeure de déposer un dossier de fin de concession qui n'a pas été suivi d'une mise en demeure en bonne et due forme. Le seul fait qu'il ne soit pas établi que la SHEM se serait acquittée de ses obligations dans un délai plus court si l'Etat avait usé de ses pouvoirs de contrainte ne suffit pas à l'exonérer de sa responsabilité. Dans ces conditions, le ministre n'est pas fondé à invoquer le fait de la SHEM pour expliquer la carence de l'Etat à mettre en œuvre la procédure d'attribution de la nouvelle concession du Louron.

13. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres fondements de responsabilité invoqués, que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a jugé que la responsabilité de l'Etat n'est pas susceptible d'être engagée en raison de la carence de celui-ci à faire procéder au renouvellement des concessions en litige dans le délai imparti par la loi.

En ce qui concerne le préjudice :

14. La responsabilité d'une personne publique ne peut être engagée sur le fondement de la faute que si se trouvent réunies les conditions auxquelles la reconnaissance de cette responsabilité est subordonnée, à savoir, outre la faute, l'existence certaine d'un préjudice et celle d'un lien de causalité direct entre cette faute et le préjudice.

15 Aux termes de l'article L. 523-2 du code de l'énergie : " Pour toute nouvelle concession hydroélectrique, y compris lors d'un renouvellement, il est institué, à la charge du concessionnaire, au profit de l'Etat, une redevance proportionnelle aux recettes de la concession. Les recettes résultant de la vente d'électricité sont établies par la valorisation de la production aux prix constatés sur le marché, diminuée, le cas échéant, des achats d'électricité liés aux pompages. Les autres recettes sont déterminées selon des modalités définies par arrêté du ministre chargé de l'énergie. Le taux de cette redevance ne peut excéder un taux plafond, déterminé, pour chaque concession, par l'autorité concédante dans le cadre de la procédure de mise en concurrence. (...) Pour l'application du présent article, le taux de la redevance est fixé en tenant compte, dans l'évaluation de l'équilibre économique de la concession, des volumes et des prix de vente de l'électricité que le concessionnaire s'engage à céder (...) Un tiers de la redevance est affecté aux départements sur le territoire desquels coulent les cours d'eau utilisés, l'éventuelle répartition entre plusieurs départements étant proportionnelle à la puissance moyenne hydraulique devenue indisponible dans les limites de chaque département du fait de l'usine. Un douzième de la redevance est affecté aux communes sur le territoire desquelles coulent les cours d'eau utilisés (...) ".

16. D'une part, l'appel public à concurrence qu'il incombait à l'Etat de mettre en œuvre comporte nécessairement des aléas au stade de la sélection des candidats admis à présenter leur offre au vu de leurs capacités techniques et financières, puis au stade de l'analyse des offres par l'autorité compétente. En fonction des éléments qui lui sont soumis, la personne publique conserve le pouvoir de renoncer à conclure la concession dont elle a engagé la procédure de passation pour un motif d'intérêt général ou lorsqu'aucune offre acceptable ne lui a été soumise. Ainsi, par elle-même, l'organisation d'une procédure de mise en concurrence pour l'attribution d'une concession hydroélectrique, quand bien même elle constitue une obligation légale pour l'Etat, n'est pas de nature permettre la mise en œuvre des dispositions précitées de l'article L. 523-2 du code de l'énergie. Dans ces conditions, la commune de Génos ne disposait d'aucune certitude quant au renouvellement effectif de la concession ni, en conséquence, de la garantie de percevoir la redevance instituée par l'article L. 523-2 précité du code de l'énergie.

17. D'autre part, il résulte des termes même de l'article L. 523-2 du code de l'énergie que la redevance mise à la charge du concessionnaire est proportionnelle aux recettes de la concession, lesquelles résultent de la vente d'électricité dans un contexte renouvelé de mise en concurrence des candidats. Le taux de la redevance, qui dépend de l'équilibre économique de la concession, est fixé en tenant compte des volumes et des prix de vente de l'électricité que le concessionnaire s'engage à céder. Il s'ensuit que le montant de la redevance dépend des bénéfices retirés par le concessionnaire des installations hydroélectriques, lesquels présentent par définition un caractère aléatoire et peuvent même être nuls compte tenu des risques inhérents à l'exploitation d'une concession. Dans ces conditions, le préjudice invoqué par la commune de Génos ne présente pas un caractère certain propre à entraîner la condamnation de l'Etat.

18. Par ailleurs, la loi du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 a introduit dans le code de l'énergie un article L. 523-3 soumettant les concessions prorogées à la redevance proportionnelle à compter du 1er janvier 2019. Il s'ensuit qu'à compter de cette date, la commune de Génos ne justifie d'aucun préjudice lié à la non-perception de la redevance qu'elle impute au non renouvellement de la concession.

19. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Génos n'est pas fondée à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions présentées la commune de Génos tendant à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, soit condamné à lui verser une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : La requête n° 19BX01203 présentée par la commune de Génos est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Génos et à la ministre de la transition écologique. Copie pour information en sera délivrée au préfet des Hautes-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 2 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2021.

Le rapporteur,

Frédéric Faïck

Le président,

Didier Artus

Le greffier,

Anthony Fernandez

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX01203 7


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01203
Date de la décision : 06/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Energie - Énergie hydraulique.

Marchés et contrats administratifs - Notion de contrat administratif - Diverses sortes de contrats - Délégations de service public - Concession de service public.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : HUGLO LEPAGE AVOCATS SAS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-06;19bx01203 ?
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