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02/12/2021 | FRANCE | N°21BX03006

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 02 décembre 2021, 21BX03006


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de l'admettre au séjour.

Par un jugement n° 1900096 du 16 décembre 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2021 et un mémoire en réplique, enregistré le 8 octobre 2021, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. B..., représenté par Me

Fadiaba-Gourdonneau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 décembre 2020 du tribunal a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de l'admettre au séjour.

Par un jugement n° 1900096 du 16 décembre 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2021 et un mémoire en réplique, enregistré le 8 octobre 2021, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. B..., représenté par Me Fadiaba-Gourdonneau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 décembre 2020 du tribunal administratif de Limoges ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2018 du préfet de la Haute-Vienne ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il ne vise pas l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- l'arrêté litigieux méconnaît les dispositions de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cet arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2021, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par une décision n° 2021/004952 du 3 juin 2021 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Rey-Gabriac a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant marocain titulaire d'une carte de résident de longue durée - UE délivrée par les autorités italiennes, est entré en France le 20 avril 2013. Le 11 juillet 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". Par arrêté du 27 décembre 2018, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de faire droit à sa demande. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il refuse de l'admettre au séjour.

Sur régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient (...) les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont il est fait application (...) ". Si les visas du jugement attaqué ne font pas mention de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, les motifs de ce jugement reproduisent le texte des stipulations des articles 3 et 9 de ce même accord dont le tribunal a fait application. Le jugement attaqué satisfait ainsi aux dispositions précitées.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. L'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que les dispositions de ce code s'appliquent " sous réserve des conventions internationales ". Aux termes de l'article 3 de l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable portant la mention " salarié " éventuellement assorties de restrictions géographiques ou professionnelles. / Après trois ans de séjour en continu en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent pourront obtenir un titre de séjour de dix ans (...) ". L'article 9 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". Les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain précité, seul applicable, ont une portée équivalente à celles de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient que : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° À l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". Aux termes de l'article L. 5221-20 du même code : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants: / 1o La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des "organismes concourant au service public de l'emploi" pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail (...) ". ". Enfin, aux termes de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger titulaire de la carte de résident de longue durée-CE définie par les dispositions communautaires applicables en cette matière et accordée dans un autre État membre de l'Union européenne qui justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et, le cas échéant, à ceux de sa famille ainsi que d'une assurance maladie obtient, sous réserve qu'il en fasse la demande dans les trois mois qui suivent son entrée en France et sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée : (...) 5° Une carte de séjour temporaire portant la mention de l'activité professionnelle pour laquelle il a obtenu l'autorisation préalable requise, dans les conditions définies, selon le cas, aux 1°, 2° ou 3° de l'article L. 313-10. (...) ".

4. L'accord franco-marocain renvoie ainsi, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code du travail pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord et nécessaires à sa mise en œuvre. Il en va notamment ainsi, pour le titre de séjour " salarié " mentionné à l'article 3 cité ci-dessus délivré sur présentation d'un contrat de travail " visé par les autorités compétentes ", des dispositions des articles R. 5221-17 et suivants du code du travail, qui précisent les modalités selon lesquelles et les éléments d'appréciation en vertu desquels le préfet se prononce, au vu notamment du contrat de travail, pour accorder ou refuser une autorisation de travail.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., titulaire d'une carte de résident longue durée-UE délivrée par les autorités italiennes, se prévaut d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, qu'il a produit à l'appui de sa demande d'autorisation de travail du 5 mai 2017, et de plusieurs promesses d'embauche des 3 mai 2015, 20 juin 2017, 10 septembre 2018 et 30 mai 2018 pour un poste de " plâtrier, plaquiste, peinture et autres ". Toutefois, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de délivrer à l'intéressé un titre de séjour " salarié " en se fondant notamment sur l'avis défavorable rendu par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) du 15 décembre 2017, qui relève que les statistiques de l'emploi en question, correspondant au code ROME (F1604) et (F1606), font apparaître pour le deuxième trimestre 2017 un nombre de demandeurs d'emploi de 574 en Haute-Vienne pour 16 offres d'emploi de plus de six mois, ce qui atteste de l'existence d'un déséquilibre avéré du marché dans ce secteur professionnel. Si l'intéressé soutient que le préfet n'aurait pas pris en compte la spécificité de son poste telle que décrite dans l'attestation du 20 juin 2017, qui indique que l'entreprise cherche à recruter des personnes capables d'utiliser le " tadelakt ", une technique du XIIème siècle qui requiert une technicité minutieuse, la promesse d'embauche du 10 septembre 2018, dernière en date au dossier, émane d'une autre société que celle qui souhaitait initialement embaucher M. B... et indique que ce dernier participera à la réalisation de travaux de plâtrier, plaquiste, peinture et autres, sans faire état d'une technique particulière. Par suite, le préfet de la Haute-Vienne, qui a pris en compte l'avis défavorable de la DIRECCTE sur la demande de l'intéressé, pouvait légalement opposer, pour ce seul motif tiré de la situation de l'emploi dans la profession que l'appelant entendait exercer, un refus à la demande de titre de séjour sollicitée en qualité de salarié. Au demeurant, si en appel, M. B... fait valoir que désormais, il est embauché en contrat à durée indéterminée pour un salaire supérieur au SMIC et qu'il dispose de son propre logement, il ne produit aucun élément permettant d'établir qu'il disposait de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille à la date de l'arrêté litigieux.

6. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 et des dispositions de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions présentées au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise pour information au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 4 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Rey Gabriac, première conseillère.

Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 2 décembre 2021.

La rapporteure,

Florence Rey-Gabriac

Le président

Éric Rey-BèthbéderLa greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N°21BX03006


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 21BX03006
Date de la décision : 02/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : FADIABA GOURDONNEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-02;21bx03006 ?
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