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02/12/2021 | FRANCE | N°21BX01316

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 02 décembre 2021, 21BX01316


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2018 par lequel le préfet de Lot-et-Garonne lui a retiré sa carte de séjour temporaire " vie privée et familiale ".

Par un jugement n° 1900180 du 27 mai 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 mars 2021, M. A... C..., représenté par Me Chamberland-Poulin, demande à la cour :

1°) d'annuler c

e jugement du 27 mai 2020 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 novem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2018 par lequel le préfet de Lot-et-Garonne lui a retiré sa carte de séjour temporaire " vie privée et familiale ".

Par un jugement n° 1900180 du 27 mai 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 mars 2021, M. A... C..., représenté par Me Chamberland-Poulin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 mai 2020 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2018 par lequel le préfet de Lot-et-Garonne lui a retiré sa carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " ;

3°) d'enjoindre au préfet de Lot-et-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à défaut, de réexaminer sa demande de renouvellement en lui délivrant, pendant le temps de l'instruction, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé ;

- cet arrêté méconnaît les dispositions des articles L. 313-3, du 2° de l'article L. 313-11 et du 10° de l'article R. 311-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les dispositions des articles L. 511-4 et L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par une décision n° 2020/022345 du 25 février 2021, M. A... C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nathalie Gay,

- Et les observations de Me Chamberland-Poulin, pour M. A... C....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., ressortissant marocain, est entré irrégulièrement en France en 1993 à l'âge de deux ans accompagné de M. et Mme B..., respectivement titulaires d'une carte de résident depuis 1986 et 1984. Il a bénéficié de documents de circulation pour étranger mineur, puis de cartes de séjour temporaire " vie privée et familiale " en qualité de ressortissant étranger résidant habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans, renouvelées tous les ans depuis le 12 août 2009 jusqu'au 2 décembre 2016. Le 19 mars 2018, le préfet de Lot-et-Garonne lui a délivré une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale ", valable jusqu'au 17 mars 2019. Par arrêté du 12 novembre 2018, le préfet de Lot-et-Garonne lui a retiré cette dernière. M. A... C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, l'arrêté litigieux vise les textes applicables à la situation de M. A... C... et mentionne les éléments de fait pertinents sur lesquels il se fonde. Par suite, et alors qu'il n'avait pas à énoncer l'intégralité des éléments factuels relatifs à la situation de l'intéressé, l'arrêté en litige comporte de façon précise et circonstanciée les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et est suffisamment motivé. Le moyen doit donc être écarté.

3. En deuxième lieu, l'arrêté litigieux, qui retire la carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " délivrée à M. A... C... le 19 mars 2018, n'a ni pour objet ni pour effet de l'expulser ou de l'obliger à quitter le territoire français. Par suite, les moyens tirés de ce que l'arrêté litigieux méconnaîtrait les dispositions des articles L. 511-4 et L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont inopérants, doivent être écartés.

4. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire ou la carte de séjour pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusée ou retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ". Aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 2° À l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui justifie par tout moyen avoir résidé habituellement en France avec au moins un de ses parents légitimes, naturels ou adoptifs depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ou, à Mayotte, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans, avec au moins un de ses parents légitimes, naturels ou adoptifs titulaire de la carte de séjour temporaire ou de la carte de résident, la filiation étant établie dans les conditions prévues à l'article L. 314-11 ; la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée ; (...) ". Aux termes de l'article R. 311-15 du même code : " I. Le titre de séjour peut être retiré : (...) 10° Si l'étranger titulaire d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'autorité administrative ne peut opposer un refus à une telle demande ou retirer la carte dont un étranger est titulaire qu'au regard d'un motif d'ordre public suffisamment grave pour que ce refus ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du demandeur. Il appartient ainsi à cette autorité d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle et actuelle pour l'ordre public, ces conditions étant appréciées en fonction de sa situation individuelle, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration. Lorsque l'administration oppose ce motif pour refuser de faire droit à une demande de délivrance ou de renouvellement d'une carte de séjour temporaire ou retirer une carte de séjour, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... C... est entré irrégulièrement en France en 1993 ainsi que l'a, à bon droit, indiqué le préfet dans l'arrêté contesté, à l'âge de deux ans, accompagné de M. et Mme B..., qui se sont vus confier l'intéressé par jugement du tribunal de première instance d'Inezgane du 31 décembre 1992. Il n'est pas contesté que El C... résidait habituellement en France depuis 25 ans à la date de l'arrêté litigieux, qu'il est isolé dans son pays d'origine et que M. et Mme B..., titulaires d'une carte de résident, qui sont sa seule famille, résident régulièrement en France. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été condamné pénalement à douze reprises depuis sa majorité et qu'il a été incarcéré pour la cinquième fois le 5 octobre 2018. Il ressort notamment du casier judiciaire de l'intéressé, produit en première instance, que si la majorité des condamnations ont été prononcées pour des atteintes aux biens, des faits de conduite sans permis ou en état d'ivresse et de détention de stupéfiants, il a également été condamné, le 28 avril 2011, pour " vol avec violence ayant entraîné une incapacité totale de travail n'excédant pas huit jours ", le 2 juillet 2013 pour des " faits de violence aggravées par trois circonstances suivies d'une incapacité temporaire de travail inférieure à huit jours (récidive) ", le 16 février 2018 pour des " appels téléphoniques malveillants " commis du 1er septembre 2016 au 26 janvier 2015 et des faits de " menace de mort matérialisée par écrit, image ou autre objet, commise par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité (récidive) " commis le 20 décembre 2016 et le 7 janvier 2018. Compte tenu de l'ensemble des circonstances et eu égard à la nature des faits commis par l'intéressé, à leur gravité et au caractère répété de ses agissements, son comportement constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour l'ordre public. En outre, si M. A... C... se prévaut d'un curriculum vitae indiquant plusieurs activités professionnelles de 2009 à 2016, il ne produit aucun contrat de travail ou bulletin de salaire venant au soutien de ses allégations. Par ailleurs, par la seule production d'une attestation de ses parents le 1er mars 2019, établie postérieurement à l'arrêté contesté, M. A... C... n'apporte pas suffisamment d'éléments probants permettant de tenir pour établi que l'état de santé de ses parents nécessiterait l'aide d'une tierce personne et qu'il serait la seule personne en mesure de leur porter assistance.

6. Enfin, si l'intéressé allègue avoir entrepris des démarches de réinsertion dans la société et être suivi psychologiquement afin de travailler sur ses accès de colère, il ne produit aucun élément venant au soutien de ses allégations. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, et alors même qu'il est entré en France à l'âge de deux ans et a été scolarisé jusqu'en 2007, l'arrêté du préfet de Lot-et-Garonne n'a pas porté au droit de M. A... C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée eu égard aux motifs de la décision de retrait de son titre de séjour. Par conséquent, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions des articles L. 313-3, R. 311-15 et du 2° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Il en est de même du moyen tiré d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée sur la situation de l'appelant.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... C... et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise pour information au préfet de Lot-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 4 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 2 décembre 2021.

La rapporteure,

Nathalie Gay

Le président

Éric Rey-BèthbéderLa greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX01316 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 21BX01316
Date de la décision : 02/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : CHAMBERLAND POULIN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-02;21bx01316 ?
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