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30/11/2021 | FRANCE | N°20BX00238

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 30 novembre 2021, 20BX00238


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la commune de Meschers-sur-Gironde à lui verser la somme de 116 322,48 euros augmentée des intérêts légaux à compter du 11 juin 2018, intérêts eux-mêmes capitalisés, en réparation du préjudice causé du fait de l'illégalité du certificat d'urbanisme délivré le 10 juillet 2014.

Par un jugement n° 1802233 du 21 novembre 2019, le tribunal administratif de Poitiers a condamné la commune de Meschers-sur-Gironde à verse

r à M. B... la somme de 93 362,48 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 11 juin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la commune de Meschers-sur-Gironde à lui verser la somme de 116 322,48 euros augmentée des intérêts légaux à compter du 11 juin 2018, intérêts eux-mêmes capitalisés, en réparation du préjudice causé du fait de l'illégalité du certificat d'urbanisme délivré le 10 juillet 2014.

Par un jugement n° 1802233 du 21 novembre 2019, le tribunal administratif de Poitiers a condamné la commune de Meschers-sur-Gironde à verser à M. B... la somme de 93 362,48 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 11 juin 2018 et capitalisation des intérêts échus au 20 septembre 2019 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2020, la commune de Meschers-sur-Gironde, représentée par son maire et par Me Vendé, demande à la cour :

1°) d'annuler, ou subsidiairement de réformer ce jugement du 21 novembre 2019 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) de rejeter la demande de M. B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a commis une irrégularité en retenant le moyen tiré de l'exception d'illégalité du plan local d'urbanisme, dès lors que ce moyen n'était pas soulevé par le requérant ;

- la délivrance du certificat d'urbanisme n'est pas susceptible d'engager la responsabilité de la commune dès lors qu'il n'a pas directement été sollicité par le demandeur de première instance et qu'il alertait parfaitement M. B... des risques pesant sur la constructibilité du terrain en raison de la potentielle application des dispositions de la loi littoral ;

- l'imprudence de M. B..., qui a pris le risque d'acquérir un terrain sans conditions suspensives, ni obtention d'un prêt, et qui a renoncé à la possibilité de se retourner contre le vendeur, et ce alors même qu'il était averti du caractère incertain de la constructibilité du terrain, est de nature à atténuer sa responsabilité ;

- la circonstance selon laquelle M. B... n'est pas un professionnel de l'immobilier est indifférente dès lors que le certificat d'urbanisme tout comme l'acte de vente alertaient de manière suffisamment claire sur la potentielle application de la loi littoral ;

- l'annulation du permis de construire par un jugement du tribunal administratif de Poitiers que fait valoir M. B... pour engager la responsabilité de la commune se fondait sur d'autres illégalités que la seule inconstructibilité du terrain, or le requérant ne démontre pas que ces dernières n'auraient pu faire l'objet d'une régularisation ; il n'a fait aucune démarche en ce sens ;

- M. B... n'établit pas que son terrain demeure inconstructible alors même que les dispositions de la loi littoral ayant mené à l'annulation du permis de construire qu'il avait déposé ont connu une modification ;

- la perte de valeur vénale du bien acquis doit être réévaluée au regard de la situation privilégiée du terrain de M. B..., qui ne doit pas être considéré comme un terrain agricole mais comme un terrain constructible ;

- les préjudices liés aux frais notariés et aux frais du bureau des hypothèques ainsi que le préjudice moral et de jouissance ont fait l'objet d'une indemnisation incorrecte par le tribunal administratif de Poitiers.

Par un mémoire, enregistré le 20 juillet 2020, M. B..., représenté par Me Devaine, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Meschers-sur-Gironde la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 78-262 du 8 mars 1978 portant fixation du tarif des notaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Elisabeth Jayat,

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public,

- et les observations de Me Jaud, représentant la commune de Meschers-sur-Gironde et de Me Henry, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Le 10 juillet 2014, la commune de Meschers-sur-Gironde a délivré un certificat d'urbanisme concernant une parcelle cadastrée section ZD n° 147, ultérieurement divisée en deux parcelles cadastrées section ZD n° 156 et 157, situées route de Beloire, dont M. B... a fait l'acquisition par acte notarié le 25 novembre 2014, pour une somme de 83 772 euros. Le 28 janvier 2016, le maire de la commune de Meschers-sur-Gironde a délivré un permis de construire tacite à M. B... pour la réalisation d'une maison individuelle d'habitation sur ce terrain. Le tribunal administratif de Poitiers, saisi par un tiers, a annulé ce permis de construire par un jugement du 21 décembre 2017 devenu définitif, pour plusieurs motifs parmi lesquels figurait la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, issues de la loi littoral n° 86-2 du 3 janvier 1986. Par courrier du 6 juin 2018, reçu le 11 juin suivant, M. B... a formé auprès de la commune de Meschers-sur-Gironde une demande préalable d'indemnisation des préjudices qu'il estime liés aux illégalités fautives entachant le certificat d'urbanisme délivré le 10 juillet 2014. A la suite du refus implicite de la commune, M. B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la commune de Meschers-sur-Gironde à lui verser la somme de 116 322,48 euros en réparation des préjudices subis. Par un jugement rendu le 21 novembre 2019, le tribunal administratif de Poitiers a condamné la commune de Meschers-sur-Gironde à verser à M. B... une indemnité de 93 362,48 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 juin 2018 et capitalisation des intérêts échus au 20 septembre 2019 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. La commune de Meschers-sur-Gironde fait appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 21 novembre 2019.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte de l'instruction que dans ses écritures devant le tribunal, M. B... a soutenu que " la mention du classement du terrain [...] en zone UBh constructible, en violation des dispositions de l'article L. 121-8 du Code de l'urbanisme, s'avère de nature à constituer un motif d'illégalité du certificat d'urbanisme lui-même ". Il ajoutait que " ce classement illégal, qui a induit Monsieur B... en erreur sur les possibilités de construire sur le terrain dont il a fait l'acquisition, est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Meschers-sur-Gironde ". En se référant ainsi au classement des parcelles en zone constructible UBh, mentionné par le certificat d'urbanisme du 10 juillet 2014, et qui ne pouvait résulter que du plan local d'urbanisme, M. B... doit être regardé comme ayant implicitement mais nécessairement soulevé l'exception d'illégalité tirée du classement des parcelles en zone UBh par le plan local d'urbanisme en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Par suite, la commune de Meschers-sur-Gironde n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait irrégulièrement soulevé d'office un tel moyen.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le principe de la responsabilité de la commune :

3. L'illégalité d'une décision administrative est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration à l'égard de son destinataire s'il en est résulté pour lui un préjudice direct et certain. La délivrance de certificats d'urbanisme est susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat, même s'ils ont été adressés non pas à l'acquéreur mais au notaire chargé de l'opération.

4. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme issu de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral qui étaient en vigueur à la date de délivrance du certificat d'urbanisme du 10 juillet 2014 : " L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et village existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais que, en revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.

5. Il résulte de l'instruction que le terrain acquis par M. B... a fait l'objet d'un certificat d'urbanisme positif délivré en application de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme par le maire de la commune de Meschers-sur-Gironde le 10 juillet 2014, mentionnant que le terrain pouvait être utilisé pour la construction d'une maison d'habitation. M. B..., acquéreur du terrain par un acte de vente du 25 novembre 2014, a obtenu un permis de construire pour l'édification d'une maison d'habitation, qui a ensuite été annulé par un jugement devenu définitif du tribunal administratif de Poitiers du 21 décembre 2017, notamment au motif que la construction projetée était située dans une zone d'urbanisation diffuse du territoire communal et qu'elle méconnaissait ainsi les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Alors même que le certificat d'urbanisme du 10 juillet 2014 a été sollicité par le notaire en charge de la vente du terrain et qu'il y était mentionné que " les dispositions de la loi littoral sont applicables sur le territoire de la commune ", le simple fait que ce certificat, dont l'objet était de fournir une assurance sur la constructibilité du terrain, indiquait que le terrain en cause pouvait être utilisé pour la réalisation de l'opération projetée par M. B..., méconnaissant ainsi les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Meschers-sur-Gironde.

En ce qui concerne la faute de la victime :

6. En premier lieu, l'acte de vente du 25 novembre 2014 stipulait que " les dispositions de la loi littoral étant d'une valeur juridique supérieure au [...] plan local d'urbanisme, l'acquéreur déclare avoir été averti que la constructibilité du terrain objet des présentes peut être remise en cause par une interprétation restrictive que pourrait faire le juge administratif. L'acquéreur déclare avoir eu connaissance, dès avant ce jour, de cette situation, vouloir en faire son affaire personnelle et s'interdire toute action à ce sujet contre le vendeur ". Cependant, et contrairement à ce que soutient la commune de Meschers-sur-Gironde, M. B..., qui n'est pas un professionnel de l'immobilier, n'a pas commis d'imprudence fautive en accordant crédit au certificat d'urbanisme erroné délivré par la commune, attestant de la faisabilité de son projet, et sur la base duquel il a acquis en tant que terrain constructible la parcelle susmentionnée en vue d'y construire une maison d'habitation. En outre, la mention du certificat d'urbanisme selon laquelle " les dispositions de la loi littoral sont applicables sur le territoire de la commune " n'est pas de nature à exonérer, même partiellement, la commune de sa responsabilité, dès lors que le certificat mentionnait également, et sans équivoque, que " le terrain objet de la demande peut être utilisée pour la réalisation de l'opération envisagée " et que l'intéressé pouvait ainsi légitimement penser qu'aucune de ces mentions ne permettait de douter du caractère constructible du terrain. Si la commune fait valoir que M. B... aurait éventuellement pu exercer une action en nullité devant le juge judiciaire, pour erreur substantielle sur les qualités de l'objet de la vente, la possibilité d'une telle action, à supposer même que les conditions en soient réunies, n'est pas exclusive d'une action en responsabilité dirigée contre la commune devant la juridiction administrative, en raison de la faute consistant à avoir délivré un certificat d'urbanisme positif erroné. Ainsi, en s'interdisant toute action contre le vendeur du fait d'une éventuelle inconstructibilité du terrain, l'acquéreur n'a pas fait preuve d'une imprudence de nature à exonérer la commune de tout ou partie de sa responsabilité.

7. En deuxième lieu, dès lors que M. B... a pu légitimement se fier aux assurances contenues dans le certificat d'urbanisme, il ne peut être regardé comme ayant commis une imprudence fautive en se portant acquéreur de la parcelle sans assortir le contrat d'une condition suspensive d'obtention d'un permis de construire.

8. En troisième lieu, l'absence au contrat de condition suspensive liée à l'obtention d'un prêt, M. B... ayant acquis le bien avec un financement personnel, est sans aucun lien direct avec le préjudice dont fait état le requérant. La commune ne peut donc utilement invoquer cette circonstance pour s'exonérer de sa responsabilité.

9. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que le permis de construire délivré à M. B... a été annulé principalement au motif que celui-ci avait été accordé dans une zone d'urbanisation diffuse, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Ainsi que l'a jugé le tribunal, une telle illégalité s'opposait donc à ce que la construction d'une maison d'habitation puisse y être autorisée et rendait par conséquent vaine la régularisation des autres vices relevés par le jugement du 21 décembre 2017, tirés de la méconnaissance de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme et des articles UB 4 et UB 11 du règlement du plan local d'urbanisme, concernant l'assainissement et l'implantation des constructions par rapport au niveau du terrain naturel. Dès lors, la commune de Meschers-sur-Gironde n'est pas fondée à soutenir que l'absence de tentative de régularisation de ces vices serait à l'origine du préjudice de M. B.... En outre, et comme l'ont également relevé les premiers juges, les préjudices dont se prévaut M. B... n'ont pas pour origine l'annulation du permis de construire obtenu le 28 janvier 2016 mais résultent des informations erronées contenues dans le certificat d'urbanisme du 10 juillet 2014 et de l'acquisition de deux parcelles, sur le fondement des informations comprises dans ce certificat, au prix d'un terrain constructible. Dès lors, la commune de Meschers-sur-Gironde n'est pas fondée à rechercher dans la nature ou l'implantation du projet autorisé puis annulé la cause du préjudice de M. B....

10. En cinquième lieu, aux termes de l'alinéa 2 de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 : " Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. (...) ".

11. Il ne résulte pas de l'instruction que le terrain de M. B... serait situé dans un secteur identifié par le schéma de cohérence territoriale et délimité par le plan local d'urbanisme pour l'application des dispositions précitées. Au surplus, il ne résulte pas de l'instruction que ce terrain, situé dans une partie du territoire communal non desservi par l'assainissement, non doté d'équipements ou de lieux collectifs et caractérisé par une faible densité des constructions implantées de façon relativement discontinue, s'insèrerait dans un secteur déjà urbanisé au sens des dispositions précitées. En l'absence d'éléments permettant d'estimer que le permis de construire initialement délivré et annulé serait susceptible d'être délivré légalement sur le fondement des nouvelles dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, la commune n'est pas fondée à soutenir que le préjudice de M. B... serait en lien direct avec son abstention à rechercher le bénéfice des nouvelles dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, issues de la loi du 23 novembre 2018.

12. Il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 3 à 11 que la responsabilité totale de la commune de Meschers-sur-Gironde est engagée vis-à-vis de M. B....

En ce qui concerne le montant des préjudices :

S'agissant de la perte de valeur vénale du terrain :

13. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, alors même que le plan local d'urbanisme de la commune classe le terrain en zone constructible, l'article L 121-8 du code de l'urbanisme s'oppose à la construction sur ce terrain d'une maison d'habitation. Il résulte de l'acte notarié établi le 25 novembre 2014 que M. B... a acquis les parcelles cadastrées section ZD n° 156 et ZD n° 157 pour la somme de 83 772 euros. Il résulte par ailleurs de l'instruction et notamment du rapport non sérieusement contredit, établi à la demande de M. B... par M. C..., expert foncier, que la valeur d'un terrain agricole dans le secteur concerné s'élève à 5 200 euros par hectare, valeur sur laquelle il y a lieu d'opérer en l'espèce un abattement, compte tenu du caractère difficilement exploitable des parcelles, environnées d'habitations, ce qui conduit à retenir une valeur vénale de 856 euros pour le terrain concerné dont la superficie est de 2 147 m². En évaluant le préjudice subi par M. B... du fait de la perte de valeur vénale de son terrain à la somme de 82 916 euros correspondant à la différence entre le prix d'acquisition du terrain et sa valeur en tant que terrain non constructible arrêtée à 856 euros, le tribunal n'a pas fait une évaluation exagérée de ce chef de préjudice.

S'agissant des frais engagés pour l'acquisition du terrain :

14. M. B... a justifié par une facture du notaire des émoluments qui ont été mis à sa charge lors de l'acquisition du terrain, d'un montant total de 2 019,72 euros. Si la commune de Meschers-sur-Gironde soutient que certaines des sommes facturées à M. B..., correspondant à une requête au juge des tutelles, pour 39,00 euros HT, à des documents d'urbanisme pour 58,50 euros HT, à la purge du droit de préemption, pour 39,00 euros HT et à une déclaration de plus-value pour 58,50 euros HT sont à la charge du vendeur, il ne résulte cependant pas de l'instruction que ces émoluments auraient été à tort réclamés à M. B... à l'occasion de l'acquisition du terrain, au regard notamment du décret n°78-262 du 8 mars 1978 portant fixation du tarif des notaires en vigueur à la date de l'acte. Par ailleurs, le coût de la publication de l'acte au bureau des hypothèques, d'un montant de 4 779 euros, est nécessairement lié à la passation de l'acte d'acquisition. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a inclus ces sommes dans le préjudice indemnisable de M. B....

S'agissant du préjudice moral :

15. La commune de Meschers-sur-Gironde soutient que le préjudice moral subi par M. B... se rattache à la construction envisagée, rendue impossible par l'annulation du permis de construire, et non au certificat d'urbanisme. Cependant, et ainsi qu'il a été dit précédemment, la délivrance par la commune d'un certificat d'urbanisme positif a induit en erreur M. B... sur le caractère constructible du terrain qu'il projetait d'acquérir. Ainsi, et comme l'a estimé le tribunal, le préjudice moral de M. B..., qui décrit son projet comme portant sur la construction d'une maison d'habitation pour lui et ses deux enfants nés en 2003 et 2005 sur un terrain acquis avec le capital qui lui a été versé à la suite au décès de son épouse en 2014 et qui s'est mobilisé en vain en vue de la réalisation de son projet de construction qui ne pouvait aboutir, est en lien direct avec la faute de la commune. Par suite, la commune n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée à verser à M. B... une somme de 3 000 euros à ce titre.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Meschers-sur Gironde n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers l'a condamnée à verser à M. B... la somme de 93 362,48 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 juin 2018, date de réception par la commune de la demande indemnitaire de M. B... et de la capitalisation des intérêts au 20 septembre 2019, date à laquelle il était due une année d'intérêts.

Sur les frais liés à l'instance :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande la commune de Meschers-sur-Gironde au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune la somme de 1 500 euros à verser à M. B... sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Meschers-sur-Gironde est rejetée.

Article 2 : La commune de Meschers-sur-Gironde versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Meschers-sur-Gironde.

Délibéré après l'audience du 2 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Laury Michel, première conseillère,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2021.

La première assesseure, La présidente-rapporteure,

Laury Michel Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX00328 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00238
Date de la décision : 30/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services de l'urbanisme.

Urbanisme et aménagement du territoire - Certificat d'urbanisme.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Contentieux de la responsabilité (voir : Responsabilité de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : SELARL BRG

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-11-30;20bx00238 ?
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