La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/11/2021 | FRANCE | N°21BX03274

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 23 novembre 2021, 21BX03274


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 30 avril 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2103144 du 23 juillet 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 30 avril 2021 et a enjoint au préfet de la Haute-Ga

ronne de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 30 avril 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2103144 du 23 juillet 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 30 avril 2021 et a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.

Procédure devant la cour :

I. - Par une requête, enregistrée le 9 août 2021 sous le n° 21BX03274, et un mémoire enregistré le 23 septembre 2021, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2103144 du tribunal administratif de Toulouse du 23 juillet 2021 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal a annulé, à la demande de M. B..., l'arrêté du 30 avril 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que :

- c'est à tort que le juge a estimé que sa décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de M. B..., alors que, sans se borner à opposer l'entrée sous couvert d'un visa seulement de court séjour, il ressort de l'ensemble des éléments portés à sa connaissance que rien ne justifiait de le régulariser, notamment en vue de délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", dès lors que :

- la durée de sa présence sur le territoire français n'est pas significative ; célibataire et sans enfant, il ne démontre pas avoir créé de liens anciens, intenses et stables en France, hormis la présence de son oncle et de sa tante, ressortissants français, alors qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident ses parents ; le détournement de la procédure d'obtention du visa, la poursuite d'études en situation irrégulière et l'exercice d'une activité professionnelle depuis deux ans sans autorisation de travail, démontrent un mépris des règles de droit de la République empêchant de considérer qu'il fait preuve d'une bonne intégration dans la société française ; rien ne s'oppose à ce qu'il retourne dans son pays d'origine et effectue les démarches nécessaires afin d'obtenir un titre de séjour et revenir en France de manière régulière ;

- ne constituent pas des circonstances exceptionnelles de nature à l'admettre au séjour, le fait que M. B... parle français, ait obtenu de bons résultats lors de ses études, effectue des actions de bénévolat et travaille pour financer ses études.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2021, M. B..., représenté par Me Racoupeau, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'État sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable, dès lors que le préfet indique faire appel contre le jugement n° 2003635 qui ne le concerne pas ;

- la requête est irrecevable en ce qu'elle méconnaît l'exigence de motivation de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- le moyen tiré de ce que le juge a à tort considéré que le préfet avait commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale en méconnaissance des article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas fondé.

II. - Par une requête, enregistrée le 9 août 2021 sous le n° 21BX03276, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse du 23 juillet 2021.

Il soutient que la requête au fond par laquelle il a saisi la cour contient des moyens sérieux de nature à justifier l'annulation de ce jugement et le rejet de l'ensemble des conclusions formulées par M. B... devant le tribunal administratif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2021, M. B..., représenté par Me Racoupeau, conclut au rejet de la requête. Il soutient que le préfet ne fait valoir aucun moyen sérieux.

Par décisions n° 2021/022039 et n° 2021/021111 du 14 octobre 2021, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention franco-centrafricaine relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Bangui le 26 septembre 1994 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Evelyne Balzamo a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant centrafricain, est entré en France le 13 février 2016 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour. La demande d'asile qu'il a présentée le 26 mai 2017 a été rejetée par une décision définitive de la Cour nationale du droit d'asile du 1er février 2019. M. B... a demandé, le 11 septembre 2020, la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement des articles L. 313-14 et L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que sur le fondement de l'article 9 de la convention franco-centrafricaine du 26 septembre 1994. Par un arrêté du 30 avril 2021, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 23 juillet 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté. Le préfet de la Haute-Garonne relève appel de ce jugement.

2. Les requêtes n° 21BX03274 et 21BX03276 du préfet de la Haute-Garonne tendent l'une à l'annulation et l'autre au sursis à exécution du même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 21BX03274 :

3. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...). ". En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu laisser à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir. Dans ces conditions, il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'elle a portée sur l'un ou l'autre de ces points.

4. M. B... est entré en France sous couvert d'un visa de court séjour en février 2016 à l'âge de 16 ans. Dès sa première année de cursus scolaire en France en classe de première scientifique, ses moyennes ont été supérieures à celles de sa classe en toutes les matières et il a obtenu une note de 18/20 à l'oral de français des épreuves anticipées du baccalauréat. En juin 2018, il a obtenu le baccalauréat scientifique avec la mention " bien ", et s'est inscrit en première année commune aux études de santé (PACES), dont il a réussi le concours très sélectif en juin 2020. Une lettre du doyen de la faculté des sciences pharmaceutiques de l'Université Toulouse 3 - Paul Sabatier, postérieure à l'arrêté, précise que M. B... a été reçu 16ème au classement de pharmacie sur plus de 800 candidats. Cette lettre ajoute qu'au jour de l'arrêté, M. B..., inscrit en deuxième année de pharmacie, avait validé tous les enseignements du premier semestre dès la première session. Au-delà de sa propre réussite, il ressort des pièces du dossier que M. B... a constamment fait preuve d'un esprit d'entraide, en prenant en charge le tutorat d'un collégien tout au long de l'année 2016/2017, puis en exerçant les rôles de tuteur et de responsable de matières au sein d'une association accompagnant les étudiants préparant le concours de première année d'accès aux études de santé, et en prenant en charge la relecture de cours pour l'ensemble de sa promotion. En parallèle de son parcours académique exemplaire, M. B... est autonome financièrement puisqu'il travaille en tant qu'employé de libre-service à temps partiel en contrat à durée indéterminée, travail qu'il a commencé en mars 2019 au cours de sa première année de PACES, et au sein duquel il a été promu en février 2021 employé principal, poste lui donnant la responsabilité d'une équipe, avec augmentation de rémunération. Il ressort de façon unanime et constante de ses bulletins scolaires, de plusieurs lettres de soutien de ses anciens professeurs, de son employeur, de son ancien proviseur et du doyen de sa faculté, ainsi que de nombreuses attestations de collègues de travail et d'amis que M. B... possède d'importantes qualités intellectuelles, humaines et professionnelles et a toujours fait preuve d'une parfaite intégration. Enfin, il ressort de plusieurs attestations circonstanciées qu'il a noué durant ses cinq années de présence sur le territoire français, des amitiés stables, intenses et durables en France, comme en atteste notamment sa colocation avec un ami proche depuis environ deux ans au jour de l'arrêté. Dès lors, dans les circonstances particulières de l'espèce, et alors même que M. B... n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident ses parents, au regard du parcours de l'intéressé et de son intégration rapide tant professionnelle, sociale qu'universitaire c'est à bon droit que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a estimé que le préfet avait entaché l'arrêté du 30 avril 2021, qui entrainerait l'interruption des études de l'intéressé, d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer à M. B... le titre de séjour sollicité sur le fondement de l'article L. 313-14 précité.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner sur les fins de non-recevoir opposées par M. B..., que le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 30 avril 2021 et lui a enjoint de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale" dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.

Sur la requête n° 21BX03276 :

6. Dès lors qu'il est statué par le présent arrêt sur la requête au fond présentée par le préfet de la Haute-Garonne, il n'y a plus lieu pour la cour de statuer sur les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 250 euros à verser à Me Racoupeau, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21BX03276 du préfet de la Haute-Garonne.

Article 2 : La requête n° 21BX03274 du préfet de la Haute-Garonne est rejetée.

Article 3 : L'État versera la somme de 1 250 euros à Me Racoupeau, sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... C....

Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition le 23 novembre 2021.

Le président-assesseur,

Dominique FerrariLa présidente,

Evelyne Balzamo La greffière,

Camille Péan

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX03274, 21BX03276


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03274
Date de la décision : 23/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Evelyne BALZAMO
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : RACOUPEAU JULIE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-11-23;21bx03274 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award