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23/11/2021 | FRANCE | N°21BX01699

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 23 novembre 2021, 21BX01699


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... E... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les arrêtés du 22 octobre 2020 par lesquels la préfète de la Charente leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et leur a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par des jugement n°s 2002840 et 2002841 du 16 mars 2021, le tribunal administratif de Poitiers

a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

I- P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... E... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les arrêtés du 22 octobre 2020 par lesquels la préfète de la Charente leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et leur a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par des jugement n°s 2002840 et 2002841 du 16 mars 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

I- Par une requête et des pièces, enregistrées les 14 avril et 8 juillet 2021 sous le n° 21BX01699, M. E..., représenté par Me Bonneau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2002840 du tribunal administratif de Poitiers du 16 mars 2021 ;

2°) d'annuler les décisions du 22 octobre 2020 par lesquelles la préfète de la Charente lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Charente, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer, dans l'attente et dans un délai de quarante-huit heures, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a omis de statuer sur un moyen non inopérant tiré de l'erreur d'appréciation dont la préfète a entaché sa décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ;

En ce qui concerne le moyen commun aux différentes décisions :

- elles sont insuffisamment motivées ;

En ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour :

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable, et de l'article 2.1.1 de la circulaire du 28 novembre 2012 dès lors qu'il justifie de motifs exceptionnels justifiant l'octroi d'un titre de séjour ;

- eu égard à sa situation personnelle et familiale, elle porte une atteinte manifestement excessive au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur ;

- elle méconnaît l'intérêt supérieur de ses deux enfants, garanti par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi :

- eu égard à sa situation personnelle et familiale, elles portent une atteinte manifestement excessive au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'erreur d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle ;

- elles méconnaissent l'intérêt supérieur de ses deux enfants, garanti par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an :

- en méconnaissance des dispositions de l'article R. 511-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur, elle ne lui a pas été notifiée par voie administrative ;

- elle a été édictée à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que, contrairement aux dispositions du III de l'article L. 511-1 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur, et de l'article R. 511-5 du même code, il n'a été informé ni de son signalement au sein du système d'information Schengen ni du caractère exécutoire de la mesure d'interdiction de retour ainsi que des modalités d'exécution de la mesure d'éloignement ;

- elle porte atteinte au principe général du droit de l'Union européenne selon lequel toute personne a le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision qui lui est défavorable ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation au regard de sa situation familiale et sociale.

La requête a été communiquée à la préfète de la Charente, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 juin 2021.

II- Par une requête et des pièces, enregistrées les 14 avril et 8 juillet 2021 sous le n° 21BX01700, Mme B... G... épouse E..., représentée par Me Bonneau, conclut, pour ce qui la concerne, aux mêmes fins que la requête 21BX01699 en reprenant les mêmes moyens.

La requête a été communiquée à la préfète de la Charente, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 juin 2021.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. F... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme E..., ressortissants de nationalité géorgienne nés respectivement le 7 novembre 1986 et le 3 mars 1990, déclarent être entrés en France le 19 novembre 2016 et ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour au titre de l'asile. A la suite du rejet de leurs demandes par arrêtés du 11 avril 2019 de la préfète de la Charente, les intéressés ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour motifs exceptionnels sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur. Par deux arrêtés du 22 octobre 2020, la préfète de la Charente a rejeté leurs demandes de titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de leur pays d'origine et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. M. et Mme E... relèvent appel des jugements du 16 mars 2021 par lesquels le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 22 octobre 2020.

Sur la jonction :

2. Les requêtes enregistrées sous les nos 21BX01699 et 21BX01700 sont relatives aux membres d'une même famille et présentent à juger des questions identiques. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité des jugements attaqués :

3. Si M. et Mme E... soutiennent que le tribunal ne s'est pas prononcé sur le moyen, qui n'est pas inopérant, tiré de l'erreur d'appréciation qui entacherait la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, il ne ressort pas des écritures de première instance que ce moyen aurait été soulevé par les intéressés devant les premiers juges. Par suite, les jugements ne sont entachés d'aucune irrégularité sur ce point.

Sur le bien-fondé des jugements attaqués :

En ce qui concerne le moyen commun aux différentes décisions :

4. M. et Mme E... reprennent en appel, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui leur a été apportée par les premiers juges, le moyen tiré de ce que les décisions attaquées sont insuffisamment motivées. Dès lors, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

En ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme E..., présents sur le territoire français depuis moins de quatre ans à la date de la décision attaquée, ne justifient pas de l'existence de liens d'une particulière intensité en France en se bornant à faire valoir leurs efforts pour apprendre le français, leur implication dans des associations et leurs démarches de recherche d'emploi. M. et Mme E... ne sauraient en outre se prévaloir de la scolarité de leurs enfants nés en 2011 et en 2014 dans la mesure où il n'est pas établi qu'ils ne pourraient poursuivre leur scolarité débutante en Géorgie lorsque la cellule familiale se reconstituera dans ce pays. Enfin, si les requérants se prévalent de leur suivi psychologique et de la prise en charge thérapeutique de leur fils C..., ils n'établissent pas se trouver dans l'impossibilité de bénéficier d'un traitement médical adapté en Géorgie. Par suite, compte tenu des conditions et de la durée du séjour en France des requérants, la préfète de la Charente n'a pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels les décisions en litige ont été prises et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni, en tout état de cause, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 précitées. Pour les mêmes motifs, elle n'a pas plus entaché A... décisions d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des intéressés.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".

8. M. et Mme E... se prévalent à l'encontre des décisions de refus de délivrance d'un titre de séjour de la durée de leur présence en France, de leurs efforts d'intégration, de leurs possibilités d'insertion professionnelle et de la scolarité de leurs enfants. A... circonstances ne constituent toutefois pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels de nature à justifier la délivrance à l'intéressé d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ". Par ailleurs, les requérants ne peuvent utilement invoquer la circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette circulaire étant dépourvue de valeur réglementaire. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation en refusant de leur délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 doit être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

10. Les requérants soutiennent que leurs deux enfants sont scolarisés en France et se prévalent également de l'état de santé de leur fils C... qui aurait subi, comme le reste de la famille, de graves traumatismes en Géorgie et qui bénéficie d'un suivi psychologique en France. Cependant, ils n'apportent aucun élément établissant que leur fils ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié en cas de retour dans leur pays d'origine et que ses traumatismes s'aggraveraient. Au demeurant, la Cour nationale du droit d'asile a considéré dans son arrêt du 17 septembre 2018 que le récit relatif à l'intrusion au domicile des requérants et aux blessures infligées à leur fils s'est avéré insuffisamment détaillé pour être crédible. Par ailleurs, ils n'établissent pas que leurs deux enfants ne pourraient poursuivre leur scolarité débutante en Géorgie. Dans A... conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions portant refus de séjour auraient méconnu l'intérêt supérieur de leurs enfants. Dès lors, le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

11. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 et 10, les moyens tirés par M. et Mme E... de ce que les mesures d'éloignement prononcées à leur endroit ainsi que les décisions fixant le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être éloignés porteraient une atteinte manifestement excessive au droit au respect de leur vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, méconnaîtraient l'intérêt supérieur de leurs deux enfants, garanti par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 et seraient entachés d'erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle, doivent être écartés.

En ce qui concerne les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an :

12. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II). Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire. / Lorsque l'étranger ne faisant pas l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative prononce une interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". Aux termes de l'article R. 511-3 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'interdiction de retour sur le territoire français prononcée en application du sixième alinéa du III de l'article L. 511-1 est notifiée par voie administrative. (...) ". Aux termes de l'article R. 511-5 du même code, dans sa rédaction applicable : " L'étranger auquel est notifiée une interdiction de retour sur le territoire français est informé du caractère exécutoire de cette mesure et de ce que sa durée courra à compter de la date à laquelle il aura satisfait à son obligation de quitter le territoire français en rejoignant le pays dont il possède la nationalité, ou tout autre pays non membre de l'Union européenne et avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen. Il est également informé des dispositions de l'article R. 511-4. ". Enfin, aux termes de l'article R. 511-4 du même code, dans sa rédaction applicable : " L'obligation de quitter le territoire français est réputée exécutée à la date à laquelle a été apposé sur les documents de voyage de l'étranger qui en fait l'objet le cachet mentionné à l'article 11 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) lors de son passage aux frontières extérieures des Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 (...) ".

13. En premier lieu, si les conditions de notification d'un acte administratif peuvent avoir des effets sur le déclenchement des délais de recours contre cet acte, elles demeurent toutefois sans incidence sur sa légalité. Par suite, M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir, en se prévalant des dispositions de l'article R. 511-3 précitées, que les décisions susvisées seraient illégales faute d'avoir été notifiées par voie administrative.

14. En deuxième lieu, si M. et Mme E... soutiennent qu'ils n'ont pas été informés de ce qu'ils faisaient l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, la méconnaissance de cette obligation d'information qui n'a trait qu'à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement de leurs données à caractère personnel est sans incidence sur la légalité des décisions portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

15. En troisième lieu, il résulte des dispositions précitées de l'article R. 511-5 du code de l'entrée et de l'étranger et du droit d'asile qu'elles définissent les informations devant être communiquées à un étranger faisant l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français, postérieurement au prononcé de cette interdiction. Dès lors, A... dispositions, qui sont propres aux conditions d'exécution de l'interdiction, sont sans incidence sur sa légalité et ne peuvent être utilement invoquées au soutien de conclusions tendant à son annulation. Au demeurant et ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, les requérants ont bénéficié, aux termes de l'article 4 des arrêtés litigieux, de l'ensemble des informations prévues par A... dispositions et ne sont donc pas fondés à se prévaloir de leur méconnaissance.

16. En quatrième lieu, lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement et d'interdiction de retour sur le territoire français. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu est ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français et l'interdiction de retour sur le territoire français. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. et Mme E... n'auraient pas eu la possibilité, pendant l'instruction de leurs demandes de titre de séjour, de faire état de tous éléments pertinents relatifs à leur situation personnelle susceptibles d'influer sur le contenu des décisions subséquentes aux décisions se prononçant sur A... demandes. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en leur interdisant de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an, la préfète de la Charente aurait porté atteinte au principe général du droit de l'Union européenne, selon lequel toute personne a le droit d'être entendue préalablement à l'adoption d'une mesure individuelle l'affectant défavorablement, doit être écarté.

17. Enfin, il résulte des motifs exposés aux points 6 et 10 qu'eu égard aux conditions et à la durée de séjour de M. et Mme E..., la préfète de la Charente n'a pas commis d'erreur d'appréciation quant à la nature et à l'ancienneté de leurs liens avec la France en leur interdisant de revenir sur le territoire pendant une durée d'un an.

18. Il résulte de tout ce qui précède, que M. et Mme E..., ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme E... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et Mme B... G... épouse E... ainsi qu'au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Charente.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2021.

Le rapporteur,

Michaël F... La présidente,

Evelyne BalzamoLa greffière,

Camille Péan

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°s 21BX01699, 21BX017004


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01699
Date de la décision : 23/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : BONNEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-11-23;21bx01699 ?
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