Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les revenus, auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011, 2012 et 2013, pour un montant total de 391 346 euros.
Par un jugement n° 1800241 du 6 juin 2019, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 août 2019 et un mémoire enregistré le 3 février 2021, M. et Mme B..., représentés par Me Hircau, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 6 juin 2019 ;
2°) à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011, 2012 et 2013, pour un montant total de 391 346 euros ;
3°) à titre subsidiaire, de réduire ces cotisations, en retenant le kilométrage professionnel annuel moyen de 153 360 km pour les deux époux, soit le kilométrage annuel de 76 680 km pour chacun des deux époux ;
4°) de condamner l'Etat à leur verser des intérêts moratoires sur les paiements qu'ils ont effectués indûment ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils doivent bénéficier des dispositions des articles L. 80 A et L. 80-B-1° du livre des procédures fiscales ; ils contestent la réintégration des frais de transport et la remise en cause de l'exonération ZFU en se prévalant, sur le fondement de ces dispositions, de la position antérieurement prise par l'administration à l'occasion d'une précédente vérification de comptabilité ayant admis un kilométrage professionnel annuel supérieur au forfait de 15 000 km retenu pour chacun des époux au titre des années vérifiées ainsi que le bénéfice de l'abattement ZFU ;
- à titre subsidiaire, ils contestent le redressement qui met en cause le kilométrage qu'ils ont retenu pour évaluer leurs frais de véhicules automobiles afférents à leurs déclarations des bénéfices non commerciaux au titre des années 2011, 2012 et 2013 ; le nombre de 15 000 kilomètres effectués par époux retenu par l'administration sur la base de trois véhicules ne correspond pas à la réalité de leur activité doit être écarté et il convient d'y substituer le kilométrage qu'ils ont déterminé à partir de la localisation de leurs patients par rapport à l'adresse de leur cabinet ;
- ils remplissent les conditions requises pour être éligibles à l'avantage fiscal prévu à l'article 44 octies du code général des impôts au titre de l'activité en zone franche urbaine.
Par mémoires en défense enregistrés le 11 mars 2020 et le 25 février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dominique Ferrari,
- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B..., domiciliés au Gosier (Guadeloupe), exerçaient l'activité d'infirmiers libéraux à Pointe-à-Pitre. Ils ont fait l'objet, en 2014, d'une vérification de comptabilité de leur activité professionnelle qui a donné lieu à un rehaussement de leurs bénéfices non commerciaux réalisés au titre des années 2011, 2012 et 2013. Les rectifications notifiées à M. et Mme B... ont porté sur la réintégration de frais de transport non justifiés et la remise en cause de l'exonération prévue à l'article 44 octies du code général des impôts en faveur des entreprises implantées en zone franche urbaine (ZFU). Les impositions supplémentaires en résultant, assorties de l'intérêt de retard et de la majoration de 40 % pour manquement délibéré, prévue à l'article 1729 du code général des impôts, ont été mises en recouvrement le 30 novembre 2017. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 6 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté leur demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les revenus, auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011, 2012 et 2013, pour un montant total de 391 346 euros.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 93 du code général des impôts : "1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession. Sous réserve des dispositions de l'article 151 sexies, il tient compte des gains ou des pertes provenant soit de la réalisation des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession, soit des cessions de charges ou d'offices, ainsi que de toutes indemnités reçues en contrepartie de la cessation de l'exercice de la profession ou du transfert d'une clientèle. / (...).". Par ailleurs, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable de justifier les kilomètres parcourus, afin de pouvoir solliciter le principe même de leur déductibilité. Ainsi, si les frais de déplacement que les titulaires de bénéfices non commerciaux exposent pour se rendre à leur lieu de travail et en revenir sont, en règle générale, inhérents à leur fonction et doivent, par suite, être admis en déduction, les titulaires de bénéfices non commerciaux doivent cependant être en mesure de justifier par tous moyens le nombre de kilomètres parcourus à titre professionnel au cours de l'année d'imposition.
3. M. et Mme B... contestent le redressement dont ils ont fait l'objet qui met en cause le kilométrage qu'ils ont retenu pour évaluer leurs frais de véhicules automobiles afférents à leurs déclarations des bénéfices non commerciaux au titre des années 2011, 2012 et 2013. Les requérants estiment que le nombre de 15 000 kilomètres effectués annuellement par époux, retenu par l'administration sur la base de trois véhicules, ne correspond pas à la réalité de leur activité et qu'il convient d'y substituer le kilométrage qu'ils ont déterminé à partir de la localisation de leurs patients par rapport à l'adresse de leur cabinet. Ainsi, dans le dernier état de leurs écritures, M. et Mme B... soutiennent avoir effectué, pour chaque année en litige, un kilométrage journalier moyen de 425,55 km pour les deux époux, soit un kilométrage moyen annuel de 153 360 km, et 76 680 km pour chacun des époux. Cependant, à défaut d'apporter des éléments suffisamment probants permettant de justifier le nombre de kilomètres parcourus à titre professionnel et compte tenu des indications changeantes de la part des requérants concernant le nombre de kilomètres parcourus et de l'incohérence des chiffrages effectués avec la localisation de leur patientèle, M. et Mme B... ne sont pas fondés à remettre en cause la réintégration des frais de transport non justifiés opérée par l'administration au titre des années en litige.
4. En deuxième lieu, M. et Mme B... soutiennent qu'ils remplissent les conditions requises pour être éligibles à l'avantage fiscal prévu à l'article 44 octies du code général des impôts au titre de leur activité en zone franche urbaine.
5. Aux termes de l'article 44 octies du code général des impôts : " I. Les contribuables qui exercent ou créent des activités avant le 31 décembre 2001 dans les zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 modifié de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire et dont la liste figure au 1 de l'annexe à la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville, sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui de la délimitation de la zone pour les contribuables qui y exercent déjà leur activité ou, dans le cas contraire, celui de leur début d'activité dans l'une de ces zones. Ces bénéfices sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés à hauteur de 40 %,60% ou 80% de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours de la première, de la deuxième ou de la troisième période de douze mois suivant cette période d'exonération. (...). / Le bénéfice de l'exonération est réservé aux contribuables exerçant une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34 et du 5° du 1 de l'article 35, à l'exception des activités de crédit-bail mobilier et de location d'immeubles à usage d'habitation, ainsi qu'aux contribuables exerçant une activité professionnelle non commerciale au sens du 1 de l'article 92. (...) Lorsque l'activité non sédentaire d'un contribuable est implantée dans une zone franche urbaine mais exercée en tout ou partie en dehors des zones franches urbaines, l'exonération s'applique si ce contribuable emploie au moins un salarié sédentaire à temps plein, ou équivalent, exerçant ses fonctions dans les locaux affectés à l'activité ou si ce contribuable réalise au moins 25 % de son chiffre d'affaires auprès de clients situés dans les zones franches urbaines. / II Le bénéfice exonéré au titre d'un exercice ou d'une année d'imposition est celui déclaré selon les modalités prévues aux articles 50-0,53 A,96 à 100,102 ter et 103 (...) ".
6. Par ailleurs, aux termes de l'article 175 du code général des impôts : " Les déclarations doivent parvenir à l'administration au plus tard le 1er mars. Toutefois, les déclarations souscrites par voie électronique en application de l'article 1649 quater B ter doivent parvenir à l'administration au plus tard le 20 mars, selon un calendrier et des modalités fixés par arrêté. Le délai du 1er mars est prolongé au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai en ce qui concerne les commerçants et industriels, les exploitants agricoles placés sous un régime réel d'imposition et les personnes exerçant une activité non commerciale, placées sous le régime de la déclaration contrôlée. / La déclaration des sommes versées ou distribuées dans les conditions mentionnées à l'article 1759 est faite en même temps que celle relative à l'impôt sur les sociétés prévu au chapitre II du présent titre. ".
7. Il résulte des dispositions précitées que le manquement aux obligations déclaratives prévues aux articles 53A et 175 du code général des impôts entraîne de ce seul fait l'exclusion du bénéfice du régime de faveur prévu au I de l'article 44 octies A du code général des impôts.
8. En l'espèce, il résulte de l'instruction que M. et Mme B... ont déposé leurs déclarations 2035 relatives aux exercices clos en 2011, 2012 et 2013 respectivement le 11 juin 2012, le 17 mai 2013 et le 28 mai 2013 soit au-delà de la date limite de dépôt des déclarations des personnes exerçant une activité non commerciale, placées sous le régime de la déclaration contrôlée prévu par l'article 175 précité du code général des impôts, qui était au titre des années 2012, 2013 et 2014, respectivement les 3 mai 2012, 3 mai 2013 et 5 mai 2014. Ce motif suffisait à justifier l'exclusion du bénéfice des dispositions précitées de l'article 44 octies A du code général des impôts.
9. Au surplus, les requérants, qui exercent une activité non-sédentaire, n'établissent pas la réalité de leurs activités en ZFU au regard des critères tenant à la réalisation d'au moins 25 % des recettes de l'exercice auprès de clients situés dans la zone et ne justifient pas l'emploi d'un salarié sédentaire à temps plein exerçant ses fonctions dans les locaux professionnels.
En ce qui concerne l'application de la doctrine :
10. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Il en est de même lorsque, dans le cadre d'un examen ou d'une vérification de comptabilité ou d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, et dès lors qu'elle a pu se prononcer en toute connaissance de cause, l'administration a pris position sur les points du contrôle, y compris tacitement par une absence de rectification. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi. / (...). ".
11. M. et Mme B... invoquent les articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales pour contester la vérification de comptabilité dont ils ont fait l'objet. Ils font valoir que la méthode qu'ils ont appliquée pour calculer leurs frais kilométriques est celle qui a été employée par l'administration lors d'une précédente vérification ayant porté sur les années 2005 et 2006. Toutefois, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, qu'elles ne peuvent être invoquées par les contribuables que lorsque l'imposition ou le rehaussement est fondé sur une interprétation d'un texte fiscal différente de celle que l'administration avait précédemment admise formellement ou fait connaitre par ses instructions ou circulaires publiées. En l'espèce, la position qu'aurait prise le vérificateur lors d'une précédente vérification ne constitue pas une interprétation formelle d'un texte fiscal au sens des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ni une prise de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal au sens des dispositions de l'article L. 80 B du même livre.
12. M. et Mme B... soutiennent également que lors de la vérification de comptabilité réalisée au titre des années 2011, 2012 et 2013, l'administration a pris formellement position dans ses propositions de rectification du 24 octobre 2014 sur le respect de leurs obligations déclaratives en application des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales en indiquant " Cette obligation a été respectée, les déclarations 2035 relatives aux exercices clos en 2011, 2012 et 2013 ayant été déposées respectivement le 11/06/2012, le 17/05/2013 et le 28/05/2014 ". Cependant, comme cela a déjà été mentionné au point 8, il résulte des dispositions précitées de l'article 175 du code général des impôts, que la date limite de dépôt des déclarations des personnes exerçant une activité non commerciale, placées sous le régime de la déclaration contrôlée, était au titre des années 2011, 2012 et 2013, respectivement les 3 mai 2012, 3 mai 2013 et 5 mai 2014. Dès lors, M. et Mme B... ne peuvent se prévaloir d'une prise de position formelle de l'administration sur ce point.
13. Il résulte de tout ce qui précède, que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté leur demande en décharge des impositions en litige. Par conséquent leurs conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 19 octobre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. Nicolas Normand, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2021.
Le rapporteur,
Dominique Ferrari La présidente,
Evelyne Balzamo La greffière,
Camille Péan
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX03331