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04/11/2021 | FRANCE | N°21BX01106

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 04 novembre 2021, 21BX01106


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2004570 du 20 novembre 2020, la magistrate désignée par la présidente du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15

mars 2021, Mme A..., représentée par Me Jouteau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2004570 du 20 novembre 2020, la magistrate désignée par la présidente du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 mars 2021, Mme A..., représentée par Me Jouteau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de lui accorder l'aide juridictionnelle provisoire sollicitée en première instance ;

3°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 25 septembre 2020 ;

4°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer le titre de séjour sollicité, ou à défaut de procéder au réexamen de sa situation ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la première juge a omis de statuer sur sa demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle ;

- dès lors que l'effondrement de son état psychique du fait du rejet de sa demande d'asile justifiait une demande d'admission au séjour en raison de son état de santé, la motivation stéréotypée de la décision de refus de titre de séjour démontre que la préfète n'a pas procédé à l'examen particulier de sa situation ;

- les éléments relatifs à son état d'effondrement à l'annonce du rejet de sa demande d'asile constituaient nécessairement des informations pertinentes concernant sa situation personnelle, et la précipitation fautive de l'administration à prendre la mesure d'éloignement l'a empêchée de formaliser une demande de titre de séjour, de sorte que contrairement à ce qu'a estimé la première juge, l'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a produit des documents probants permettant d'établir la réalité des risques encourus en cas de retour en Guinée, de sorte que la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 mai 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens invoqués par Mme A... ne sont pas fondés et s'en rapporte à ses écritures de première instance.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité sur l'Union européenne ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., de nationalité guinéenne, née en 1986, a déclaré être entrée en France le 14 octobre 2018. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 30 août 2019, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 31 août 2020. Par un arrêté du 25 septembre 2020, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... relève appel du jugement du 20 novembre 2020 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Le jugement est irrégulier en tant que la première juge a omis de statuer sur les conclusions de Mme A... tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle et doit, dans cette mesure, être annulé.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

3. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. / L'aide juridictionnelle est attribuée de plein droit à titre provisoire dans le cadre des procédures présentant un caractère d'urgence dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. / L'aide juridictionnelle provisoire devient définitive si le contrôle des ressources du demandeur réalisé a posteriori par le bureau d'aide juridictionnelle établit l'insuffisance des ressources. "

4. Il y a lieu pour la cour de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions mentionnées au point précédent, et eu égard aux circonstances de l'espèce, d'admettre Mme A... à titre provisoire à l'aide juridictionnelle pour l'instance devant le tribunal administratif.

Sur la légalité de l'arrêté du 25 septembre 2020 :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

5. La décision prise sur la demande d'admission au séjour présentée au titre de l'asile est suffisamment motivée en fait par la référence au rejet de la demande de Mme A... par l'OFPRA puis par la CNDA. Elle précise en outre que l'intéressée, entrée récemment en France, ne justifie pas être isolée dans son pays d'origine où résident son époux et ses enfants, qu'elle n'entre dans aucun autre cas d'attribution d'un titre de séjour, et qu'il n'est pas contrevenu aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La préfète a ainsi suffisamment motivé son refus de prendre une mesure de régularisation sur un autre fondement compte tenu des éléments communiqués par l'intéressée lors du dépôt de sa demande, ce qui démontre qu'elle a procédé à l'examen particulier de la situation. Mme A... ne saurait reprocher à l'administration de ne pas avoir tenu compte d'une évolution de son état de santé dont elle ne l'avait pas informée.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

S'agissant du droit d'être entendu :

6. Le droit d'être entendu, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne et consacrés par la Charte des droits fondamentaux, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.

7. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. Par suite, Mme A..., qui avait déposé une demande de titre de séjour auprès des services de la préfecture de la Gironde sur le seul fondement d'une demande d'asile, n'est pas fondée à invoquer la méconnaissance de son droit d'être entendue.

S'agissant de l'état de santé :

8. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...). "

9. Si Mme A... justifie faire l'objet d'un suivi psychologique dans le cadre du service de consultations transculturelles du CHU de Bordeaux depuis le 4 décembre 2019, il ressort de l'attestation du médecin de ce service du 8 juillet 2020 que les soins se bornaient à cette date à une consultation avec une anthropologue, dont la fréquence n'est pas précisée, ainsi qu'à la participation à des " ateliers à médiations artistiques et culturelles ", ce qui ne relève pas d'une prise en charge médicale. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le traitement médicamenteux mentionné pour la première fois dans un certificat du 26 novembre 2020 aurait été mis en place antérieurement à l'obligation de quitter le territoire français du 25 septembre 2020. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées ne peut être accueilli.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

10. Aux termes de l'article de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains et dégradants. " Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

11. Mme A... fait valoir que l'officier de protection de l'OFPRA qui l'a reçue en entretien le 9 août 2019 n'a pas su la mettre en confiance et qu'elle avait des difficultés de compréhension des questions posées en langue peul, qu'elle maîtrise imparfaitement. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'elle a été également entendue en langue soussou lors de l'audience qui s'est tenue à huis clos devant la CNDA le 23 juillet 2020. Elle a alors livré des propos élusifs et peu convaincants sur son engagement au sein de l'Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), se montrant incapable d'expliquer les thématiques débattues lors des réunions auxquelles elle aurait participé, et s'est montrée particulièrement peu diserte quant à l'engagement puis à la disparition de son époux, et aux recherches qu'elle aurait menées pour le retrouver. Elle n'a pas davantage tenu de propos personnalisés concernant sa décision d'adhérer à l'UFDG en 2015 et n'a pas été en mesure d'expliquer ses différentes arrestations, son évasion en mars 2018 et comment elle avait été retrouvée par les autorités alors qu'elle se trouvait dans une clinique pour y recevoir des soins. Enfin, elle n'a apporté aucune indication quant à l'actualité de ses craintes en cas de retour dans son pays. Dans ces circonstances, en se bornant à reprendre le même récit et à produire les mêmes pièces, Mme A... ne démontre pas être exposée à des risques de traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Guinée.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux n° 2004570 du 20 novembre 2020 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur la demande d'admission de Mme A... à l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Mme A... est admise provisoirement à l'aide juridictionnelle pour l'instance devant le tribunal administratif de Bordeaux.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 novembre 2021.

La rapporteure,

Anne B...

La présidente,

Catherine GiraultLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX01106


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01106
Date de la décision : 04/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : JOUTEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-11-04;21bx01106 ?
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