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04/11/2021 | FRANCE | N°21BX00624

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 04 novembre 2021, 21BX00624


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 25 mai 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé son admission exceptionnelle au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2002671 du 6 octobre 2020, le magistrat d

ésigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 25 mai 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé son admission exceptionnelle au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2002671 du 6 octobre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 février 2021, M. B..., représenté par Me Tercero, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 octobre 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 mai 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé son admission exceptionnelle au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente de l'instruction de son dossier, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre au préfet de procéder à l'effacement de son inscription au fichier système d'information Schengen dans les mêmes conditions de délais et d'astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'État le versement à son avocat d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que le premier juge ne s'est pas prononcé sur l'erreur de droit qu'a commise le préfet en lui opposant l'absence de production du formulaire de demande d'autorisation de travail à l'attention de la DIRECCTE ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen suffisant de sa situation personnelle ;

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet a commis une erreur manifeste quant à l'appréciation de la menace à l'ordre public qu'il représenterait ; le refus de séjour est entaché d'erreur de droit dès lors que l'intéressé ne pouvait se voir opposer l'absence ni de détention d'un visa de long séjour ni de possession d'un contrat visé, conditions qui ne sont pas requises par les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- dès lors qu'il ne représente pas une menace à l'ordre public, c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation cumulative des quatre conditions imposées par la loi pour prononcer une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un mémoire, enregistré le 2 août 2021, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens développés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., né le 5 février 1995, de nationalité guinéenne, déclare être entré irrégulièrement en France le 15 janvier 2012. Par un arrêté du 25 avril 2014, le préfet de l'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour en qualité d'étudiant et lui a fait obligation de quitter le territoire français, arrêté dont la légalité a été confirmée, en dernier lieu, par la cour administrative d'appel de Douai le 16 avril 2016. Le 14 novembre 2016, il a sollicité son admission au bénéfice de l'asile, demande ayant fait l'objet d'une décision de clôture de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 mai 2017, à la suite de son retrait. L'intéressé a ensuite présenté une demande de réexamen de sa demande d'asile, demande rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 28 décembre 2017. Par un arrêté du 25 mai 2020, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. B... relève appel du jugement du 6 octobre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des termes du jugement attaqué et notamment de son point 6 que, contrairement à ce que soutient l'appelant, le premier juge a écarté le moyen tiré de l'erreur de droit au motif que si le préfet de la Haute-Garonne avait relevé que M. B... ne disposait ni d'un visa long séjour, ni d'une autorisation de travail, il l'avait fait au titre de l'examen des conditions du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté du 25 mai 2020 :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

3. Il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté contesté ni des autres pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation de M. B.... Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance d'examen de la situation personnelle de l'appelant doit être écarté.

4. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".

5. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

6. D'une part, M. B... fait valoir qu'il est entré en France le 15 janvier 2012, à l'âge de 16 ans, pour rejoindre sa mère gravement malade, qu'il a souffert d'une dépression à la suite du décès de sa mère, que son frère bénéficie du statut de réfugié et que sa sœur a acquis la nationalité française par mariage. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans enfant à charge, qu'il n'apporte aucun élément permettant d'établir le caractère habituel de sa résidence en France depuis huit années, qu'il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 25 avril 2014, qu'il n'a pas exécutée. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'il a été condamné à deux reprises le 23 février 2018 par le tribunal correctionnel de Toulon à six mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits d'usage de faux en écriture, d'escroquerie, de fourniture d'identité imaginaire pouvant provoquer des mentions erronées au casier judiciaire et le 29 juin 2018 par le président du tribunal de grande instance de Bobigny à six mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de transport, d'offre ou cession, de détention et d'acquisition non autorisés de stupéfiants. Si ces seules condamnations ne permettent pas de regarder la présence de M. B... comme constituant une menace à l'ordre public, le préfet pouvait en tenir compte pour apprécier l'insertion de l'intéressé dans la société française. Dans ces conditions, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'il ne faisait pas état de motifs exceptionnels justifiant la régularisation de sa situation en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'insertion professionnelle dont se prévaut M. B... se borne à la présentation d'une attestation d'obtention d'un certificat d'aptitude professionnelle en maçonnerie en 2014 et d'une promesse d'embauche en qualité de manœuvre. Ainsi que l'a jugé le tribunal, ces circonstances, que l'autorité préfectorale a dûment prises en considération, dans leur ensemble, pour apprécier la possibilité de régulariser la situation de l'intéressé au plan du séjour, ne constituent ni des circonstances humanitaires, ni des motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance du titre sollicité. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet de la Haute-Garonne aurait commis une erreur de droit au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

8. Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal et comme il a été dit au point 2 du présent arrêt, le préfet de la Haute-Garonne n'a opposé le défaut de visa de long séjour ainsi que l'absence d'autorisation de travail qu'au titre de l'examen de la demande de titre de séjour sur le fondement du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

9. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " (...) III. (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier que si M. B... se prévaut de sa présence en France depuis neuf ans, il ne produit aucun élément permettant d'établir le caractère habituel de sa résidence en France depuis 2012. En outre, s'il fait valoir que son frère et sa sœur résident de manière régulière en France, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B..., célibataire et sans enfant à charge, aurait noué des liens d'une particulière intensité en France. Par ailleurs, il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 25 avril 2014, qu'il n'a pas exécutée, et deux condamnations ont été prononcées à son encontre en 2018 pour des peines d'emprisonnement, il ne peut donc être regardé comme justifiant d'une volonté particulière d'insertion en France. Ainsi, et alors même que sa présence en France ne constitue pas une menace à l'ordre public, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 mai 2020. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 7 octobre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Eric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 novembre 2021.

La rapporteure,

Nathalie A...Le président,

Eric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 21BX00624


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 21BX00624
Date de la décision : 04/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : ATY AVOCATS ASSOCIES AMARI DE BEAUFORT-TERCERO-YEPONDE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-11-04;21bx00624 ?
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