Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B..., la société ETBT bis et la société Carte Libre ont demandé au tribunal administratif de La Réunion de fixer à zéro le solde du décompte de résiliation établi au titre du marché de maîtrise d'œuvre conclu le 12 novembre 2013 avec la commune de Saint-Paul pour la réhabilitation et la mise aux normes de 20 satellites de restauration scolaire.
Par un jugement n° 1700401 du 7 août 2019, le tribunal administratif de La Réunion a fixé le solde du décompte de résiliation du marché public de maîtrise d'œuvre à la somme de 11 485,83 euros restant à la charge de la commune.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistré les 4 octobre 2019 et 15 juin 2020, la commune de Saint-Paul, représentée par Me Gaspar, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 7 août 2019 ;
2°) de rejeter la demande portée par M. B..., la société ETBT bis et la société Carte Libre devant les premiers juges ;
3°) de mettre à la charge solidaire de M. B..., de la société ETBT bis et de la société Carte Libre la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de Saint-Paul soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement,
- le tribunal administratif a dénaturé les conclusions du groupement et statué ultra petita, dès lors que le requérant se bornait à demander de rapporter le solde du décompte à zéro ;
- il a à tort admis la recevabilité de la requête alors qu'elle était tardive, le différend étant apparu le 26 juillet 2016 et non le 7 décembre 2016 ;
S'agissant du décompte de résiliation,
- le tribunal administratif a commis une erreur de droit et dénaturé les termes du contrat dans l'application de l'article 5.2 du cahier des clauses administratives particulières ;
- il a commis une erreur manifeste d'appréciation quant au caractère manifestement excessif des pénalités de retard ;
- le retard était imputable au groupement de maîtres d'œuvre, qui n'a jamais contesté la décision de résiliation ;
- les pénalités sont justifiées, et les documents devaient être fournis au stade de l'APD, et non, comme le soutient le groupement, en phase PRO ;
- les sommes demandées sont parfaitement expliquées ;
- le groupement était chargé de l'implantation des matériels et équipements de cuisine ;
- aucune faute ne peut être reprochée au maître d'ouvrage ;
- les pénalités ne sont pas excessives.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 décembre 2019 et 23 juin 2020, M. B... et la société Carte Libre, représentés par Me Renaudin, concluent au rejet de la requête et à ce que la commune de Saint-Paul soit condamnée à leur verser 1 500 euros à chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et font valoir que les moyens de la requête de la commune de Saint-Paul ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 7 octobre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 10 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Frédérique Munoz-Pauziès,
- les conclusions de Mme Florence Madelaigue,
- les observations de Me Barthalais pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Par acte d'engagement du 12 novembre 2013, la commune de Saint-Paul (La Réunion) a confié la maitrise d'œuvre des travaux de réhabilitation et de mise aux normes de vingt satellites de restauration scolaire dans les écoles de la commune, pour un prix forfaitaire de 159 874,75 euros TTC, à un groupement d'entreprises composé de M. A... B..., mandataire, et des sociétés ETBT Bis et Carte Libre. À l'issue de la mission " Diagnostic ", un avenant n° 1 a été conclu, le 17 mars 2005, portant modification des prestations, avec une augmentation du prix du marché de 22 839,25 euros TTC.
2. Le dossier d'avant-projet sommaire (APS), qui devait être rendu le 27 août 2015, n'a été remis que le 6 octobre 2015, avec un retard de 39 jours calendaires. Les documents du dossier d'avant-projet détaillé (APD), qui devaient être remis le 12 février 2016, ont été rendus les 24 mars et 2 mai 2016, avec 37 et 45 jours calendaires de retard, et les dossiers de permis de construire n'ont jamais été remis par le maître d'œuvre. Le 17 juin 2016, la commune a mis en demeure le maître d'œuvre d'exécuter ses missions avant le 30 juin 2016 au plus tard, sous peine de résiliation du marché, et, par décision du 26 juillet 2016, la commune de Saint-Paul a prononcé la résiliation du marché pour faute.
3. Le décompte de résiliation a été notifié au groupement par courrier du 2 décembre 2016, mettant à la charge du maître d'œuvre la somme de 40 032,69 euros TTC. Le groupement de maîtres d'œuvre a produit un mémoire en réclamation du 9 janvier 2017, sollicitant que le solde du marché soit ramené à zéro, puis a saisi le tribunal administratif de La Réunion d'une demande tendant aux mêmes fins. La commune de Saint-Paul relève appel du jugement du 7 août 2019 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a fixé le solde du décompte à la somme de 11 485,83 euros restant à la charge de la commune.
Sur l'ultra petita :
4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que les demandeurs se bornaient à " solliciter la remise à zéro du marché " et à demander aux premiers juges de " Dire que le solde du marché est ramené à zéro ". Par suite, la commune de Saint-Paul est fondée à soutenir qu'en fixant le solde du décompte à la somme de 11 485,83 euros restant à la charge de la commune, les premiers juges ont statué ultra petita. Il y a lieu, par suite, de prononcer l'annulation de leur jugement en tant qu'il fixe le solde du décompte à une somme restant à la charge de la commune et non à zéro comme expressément sollicité par les demandeurs.
Sur la recevabilité de la demande portée devant les premiers juges :
5. Aux termes de l'article 37 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de prestations intellectuelles, applicable au marché litigieux : " (...) Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'une lettre de réclamation exposant les motifs de son désaccord et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Cette lettre doit être communiquée au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion. / Le pouvoir adjudicateur dispose d'un délai de deux mois, courant à compter de la réception de la lettre de réclamation, pour notifier sa décision. L'absence de décision dans ce délai vaut rejet de la réclamation ".
6. Il résulte de l'instruction que le décompte de résiliation du marché procédant à l'application des pénalités de retard a été notifié au groupement de maîtrise d'œuvre le 7 décembre 2016 et que M. B..., mandataire du groupement, a saisi le maître d'ouvrage d'un mémoire de réclamation du 9 janvier 2017. Contrairement à ce que soutient la commune de Saint-Paul, le différend est né le jour de la notification du décompte, et non le 26 juillet 2016, date à laquelle la commune a décidé de résilier le marché, nonobstant la circonstance que la décision de résiliation du marché se réfère à un cumul de 124 jours de retard dans le rendu des éléments de mission. Ainsi, le mémoire de réclamation a été communiqué au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois courant à compter du jour où le différend est apparu, conformément aux stipulations rappelées au point 6. Le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande devant les premiers juges doit, par conséquent, être écarté.
Sur le décompte général :
7. Aux termes de l'article 34 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de prestations intellectuelles, applicable au marché litigieux : " Décompte de résiliation / 34.1. La résiliation fait l'objet d'un décompte de résiliation, qui est arrêté par le pouvoir adjudicateur et notifié au titulaire. (...) 34.3. Le décompte de résiliation à la suite d'une décision de résiliation prise en application de l'article 32 comprend : / 34.3.1. Au débit du titulaire : / - le montant des sommes versées à titre d'avance, d'acompte, de règlement partiel définitif et de solde ;/ - la valeur, fixée par le marché et ses avenants éventuels, des moyens confiés au titulaire que celui-ci ne peut restituer, ainsi que la valeur de reprise des moyens que le pouvoir adjudicateur cède à l'amiable au titulaire ;/ - le montant des pénalités ;/ - le cas échéant, le supplément des dépenses résultant de la passation d'un marché aux frais et risques du titulaire dans les conditions fixées à l'article 36./ 34.3.2. Au crédit du titulaire : / - la valeur contractuelle des prestations reçues y compris, s'il y a lieu, les intérêts moratoires ; / - la valeur des prestations fournies éventuellement à la demande du pouvoir adjudicateur telles que le stockage des fournitures (...) ". Aux termes de l'article 13 du cahier des clauses administratives particulières : " Résiliation du marché. Il sera fait le cas échéant, sauf disposition différente dans l'acte d'engagement, application des articles 29 à 34 du CCAG PI avec les précisions suivantes : (...) 13.2. Résiliation du marché aux torts du maitre d'œuvre ou cas particuliers : / Si le présent marché est résilié dans l'un des cas prévus à l'article 32 du CCAG PI - résiliation pour faute du titulaire, la fraction des prestations déjà accomplies par le maître d'œuvre est acceptée et rémunérée avec un abattement de 10 % (...) ".
8. Il résulte de l'instruction que le décompte de résiliation mentionne, au profit du groupement de maîtrise d'œuvre, les sommes de 14 735 euros correspondant à 50 % du montant de la phase APD (rubrique A), de 185,90 euros au titre de la révision des prix (rubrique B) et de 1 252,48 euros au titre de la TVA (rubrique C), soit une somme de 16 173,38 euros. Ce décompte impute sur cette somme la somme de 56 206,06 euros, soit 5 812,36 euros au titre des pénalités pour 39 jours de retard dans la mission APS, 48 920,20 euros au titre des pénalités pour 166 jours de retard dans la mission APD, et 1 473,50 euros de retenue sur la phase APD, conformément à l'article 13.2 du cahier des clauses administratives particulières, pour parvenir à la somme de 40 032,69 euros à la charge du groupement de maîtrise d'œuvre.
En ce qui concerne la rémunération de la mission APD (rubrique A) :
9. D'une part, il ressort des stipulations de l'article 13.2 du cahier des clauses administratives particulières, rappelées au point 7, qu'en cas de résiliation pour faute du marché de maîtrise d'œuvre, la fraction des prestations accomplies par le maître d'œuvre avant la résiliation est rémunérée au prix fixé par le contrat, avec application d'un abattement de 10 %. C'est, par suite, à tort que la commune de Saint-Paul n'a rémunéré la prestation relative aux études d'APD, dont il est constant qu'elle a été exécutée à 90 %, qu'à hauteur de 50 %, au motif que la demande de permis de construire n'avait pas été déposée. Si la commune se prévaut de l'article 5.3 du même cahier des clauses administratives particulières, qui stipule que " Le règlement des missions s'effectuera de la façon suivante : / (...) - les études APD : 50 % après approbation du dossier APD, 50 % après dépôt du permis de construire (...) ", ces stipulations sont relatives, non à la rémunération des prestations en cas de résiliation, mais au paiement des acomptes.
10. D'autre part, l'avenant n° 1 porte la rémunération de la mission APD à la somme de 29 470 euros HT soit 29 841,80 euros HT après application du coefficient de révision des prix de 1,012616 mentionné dans le décompte, et 32 378,35 euros TTC après application du taux de TVA de 8,5 %. Il résulte de ce qui précède que le groupement de maître d'œuvre avait droit à 90 % de la somme de 32 378,35 euros TTC, soit 29 140,51 euros au lieu de la somme de 16 173,38 euros TTC prévue dans le décompte, et après application de l'abattement de 10 %, 26 226,46 euros TTC.
En ce qui concerne les pénalités de retard :
11. Aux termes de l'article 14 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de prestations intellectuelles, applicable au marché litigieux : " 14.1. Les pénalités pour retard commencent à courir, sans qu'il soit nécessaire de procéder à une mise en demeure, le lendemain du jour où le délai contractuel d'exécution des prestations est expiré (...) ". Aux termes de l'article 34.5 de ce même cahier : " La notification du décompte par le pouvoir adjudicateur au titulaire doit être faite au plus tard deux mois après la date d'effet de la résiliation du marché. / Le cas échéant, les pénalités pour retard sont appliquées jusqu'à la veille incluse du jour de la date d'effet de la résiliation ". Enfin, aux termes de l'article 6 du cahier des clauses administratives particulières, intitulé " Délais - pénalités " : " 6-1. Établissement des documents d 'études / L'acte d'engagement fixe la durée des délais d'établissement des documents d'études, ainsi que le point de départ de ces délais. Par dérogation à l'article 14.1 du CCAG-PI, en cas de retard dans l'achèvement des documents d'études, le concepteur subira sur ses créances, des pénalités dont le montant, par jour calendaire de retard y compris les samedis, les dimanches et jours fériés, est fixé, sauf dispositions pa1ticulières dans l'acte d'engagement à : 1 % du montant de l'élément de mission concernée (...) ".
12. Le décompte général inflige au groupement de maîtrise d'œuvre une pénalité de 5 812,36 euros pour 39 jours de retard dans la mission APS et de 48 920,20 euros pour 166 jours de retard dans la mission APD.
S'agissant du bien-fondé de l'application des pénalités :
13. En premier lieu, en vertu de l'article 3.2 de l'acte d'engagement du marché en cause, intitulé " Détails des missions confiées au maître d'œuvre et délais d'exécution ", " Les études APD (y compris dépôt des demandes du PC ou déclarations préalables) " devaient être exécutées dans un délai de trois semaines. Par ordre de service n° 3 du 5 janvier 2016, le maître d'œuvre a été invité à démarrer la mission " APD y compris dépôt des demandes du PC ou déclarations préalables " à compter du 25 janvier 2016. Ainsi, à supposer même que les plans de fonctionnement provisoires n'auraient pas été à fournir lors de la phase APD, le groupement de maîtres d'œuvre n'est pas fondé à soutenir que les dossiers de permis de construire ne devaient pas être fournis à l'issue de la phase APD mais au stade de la phase PRO (études de projet) et qu'aucun retard dans l'exécution de la mission APD ne pourrait lui être reproché.
14. En deuxième lieu, aucune des pièces du contrat ne soumettait la réalisation des dossiers de permis de construire à l'approbation par le maître d'ouvrage des études d'avant-projet détaillé. À cet égard, si l'article 3-3 de l'acte d'engagement stipule que " Le délai maximal d'acceptation dans lequel le Maître d'Ouvrage ou son représentant procédera à l'acceptation des documents d'études de conception est fixé à quatre semaines pour chaque élément de mission. / Cet accord sera notifié par écrit; il n'est pas prévu d'accord tacite ", il résulte de l'article 3.2 de ce même acte d'engagement, ainsi qu'il a été dit au point 13, que la réalisation des dossiers de permis de construire était intégrée à la mission APD. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que le maître d'ouvrage n'aurait pas communiqué au groupement de maîtres d'œuvre les éléments demandés nécessaires à l'établissement des dossiers de permis de construire. À cet égard, si le groupement de maîtres d'œuvre se prévaut d'extraits de l'APS et de l'APD, qui mentionnent qu' " Il sera indispensable que la Maîtrise d'ouvrage nous fournisse les éléments suivants : / - Complément de données pour le Permis de Construire : Surface plancher et emprise au sol de l'ensemble des existants du site et détail au niveau de la restauration, coordonnées exactes du demandeur (autorisation du propriétaire si autre), superficie du terrain ", toutefois, l'article 3-2 in fine de l'acte d'engagement stipule " Mission complémentaire confiée au Maître d'œuvre en préalable des autres missions :/ Relevé de l'ensemble des bâtiments existants à réhabiliter, à l' exclusion du plan masse général et topographique fourni par le Maître d'Ouvrage. L'ensemble des relevés nécessaires à l'étude devra être établi dans un délai de 4 semaines ", et le maître d'œuvre ne saurait sérieusement soutenir qu'il n'a pu déposer les demandes de permis de construire faute de disposer des coordonnées exactes du demandeur.
15. En troisième lieu, si le groupement de maîtrise d'œuvre soutient que le marché ne prévoyait ni la rénovation de la salle à manger ni les équipements de cuisine, il résulte de l'instruction que les dossiers de permis de construire que le maître d'ouvrage lui reproche de ne pas avoir réalisés ne concernent que les cuisines, à l'exclusion de leur équipement.
16. En quatrième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que le maître d'ouvrage aurait commis une faute dans le suivi des dossiers et que les retards lui seraient imputables.
17. Il résulte de ce qui précède que le groupement de maîtrise d'œuvre n'est pas fondé à contester le bien-fondé des pénalités de retard qui lui ont été infligées par la commune de Saint-Paul, quand bien même le maître d'ouvrage n'aurait pas remis en cause la qualité du travail effectué et aurait " systématiquement refusé " de lui régler la note d'honoraires n° 3 relative à la facturation de la mission APD.
S'agissant du nombre de jour de retard :
18. En premier lieu, en application de l'article 3.2 de l'acte d'engagement du marché en cause, les études APS devaient être exécutées dans un délai de quatre semaines. Par ordre de service n° 2 du 15 juillet 2015, la date de démarrage de la mission APS a été fixée au lundi 27 juillet 2015, avec un délai de réalisation de quatre semaines et une date butoir au 27 août 2015. Ainsi, le groupement de maîtrise d'œuvre n'est pas fondé à soutenir que le calcul du nombre de jour de retard devait commencer à courir le 5 septembre et non le 27 août 2015.
19. En second lieu, en application de ce même article 3.2, " les études APD (y compris dépôt des demandes du PC ou déclarations préalables " devaient être exécutées dans un délai de trois semaines. Par ordre de service n° 3 du 5 janvier 2016, la date de démarrage de la mission APD a été fixée au 25 janvier 2016, avec un délai de réalisation de trois semaines et une date butoir au 12 février 2016. À cette date du 12 février 2016, l'intégralité de la mission devait être exécutée. Il est constant qu'une première version du dossier d'études APD, qui ne comprenait ni les plans fluides, ni les plans structures, ni les plans VRD, ni les dossiers de permis de construire, a été remise le 24 mars 2016, avec 41 jours de retard par rapport à la date limite du 12 février 2016, et que les plans fluides, structures et VRD n'ont été remis que le 2 mai 2016, avec 80 jours de retard par rapport au 12 février 2016. Il est tout aussi constant que les dossiers de permis de construire n'ont jamais été déposés en mairie, ce qui était de nature à faire courir les pénalités de retard, en application des stipulations de l'article 34.5 du cahier des clauses administratives générales rappelées au point 11 du présent arrêt, jusqu'à la veille incluse du jour de la date d'effet de la résiliation, soit le 25 juillet 2016, pour un retard de 165 jours. Par suite, le groupement de maîtres d'œuvre n'est pas fondé à soutenir que le montant des pénalités de retard devrait être calculé en retenant des retards de 41 et 39 jours.
S'agissant du caractère excessif des pénalités :
20. Les pénalités de retard prévues par les clauses d'un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d'exécution contractuellement prévus. Elles sont applicables au seul motif qu'un retard dans l'exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n'aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi.
21. Si, lorsqu'il est saisi d'un litige entre les parties à un marché public, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat, il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l'ampleur du retard constaté dans l'exécution des prestations.
22. Lorsque le titulaire du marché saisit le juge de conclusions tendant à ce qu'il modère les pénalités mises à sa charge, il ne saurait utilement soutenir que le pouvoir adjudicateur n'a subi aucun préjudice ou que le préjudice qu'il a subi est inférieur au montant des pénalités mises à sa charge. Il lui appartient de fournir aux juges tous éléments, relatifs notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif. Au vu de l'argumentation des parties, il incombe au juge soit de rejeter les conclusions dont il est saisi en faisant application des clauses du contrat relatives aux pénalités, soit de rectifier le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché dans la seule mesure qu'impose la correction de leur caractère manifestement excessif.
23. Il résulte de l'instruction que le groupement de maîtres d'œuvre a exécuté les missions " diagnostics et relevés ", APS et 90 % de la mission APD, lesquelles étaient rémunérées, aux termes de l'avenant n° 1, à concurrence, respectivement, de 15 522,50 euros HT, 14 903,50 euros HT et 29 470 euros HT, soit au total 59 896 euros HT. Eu égard à cette somme, les pénalités de retard résultant du contrat, d'un montant de 54 732,56 euros, atteignent un montant manifestement excessif. Il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en réduisant le montant des pénalités à 25 % du montant total de la rémunération applicable aux prestations en cause, soit 14 974 euros.
24. Il résulte de tout de ce qui précède, et notamment des points 10 et 23 du présent arrêt, que M. B..., la société ETBT bis et la société Carte Libre sont fondés à demander que le solde du décompte général du marché soit ramené à zéro.
25. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. B..., la société ETBT bis et la société Carte Libre ainsi que par la commune de Saint-Paul sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 7 août 2019 est annulé en tant qu'il fixe le solde du décompte restant à la charge de la commune à 11 485,83 euros.
Article 2 : Le solde du décompte de résiliation établi au titre du marché de maîtrise d'œuvre conclu le 12 novembre 2013 est ramené à zéro.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. B..., la société ETBT bis et la société Carte Libre ainsi que par la commune de Saint-Paul sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B..., à la société ETBT bis, à la société Carte Libre et à la commune de Saint-Paul.
Délibéré après l'audience du 7 octobre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,
Mme Nathalie Gay, première conseillère.
Rendu public par dépôt au greffe le 4 novembre 2021.
La présidente-assesseure,
Frédérique Munoz-PauzièsLe président,
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
4
N° 19BX03845