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04/11/2021 | FRANCE | N°19BX02893

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 04 novembre 2021, 19BX02893


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 5 décembre 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Périgueux a refusé de le titulariser à l'issue de son stage et a prononcé son licenciement et sa radiation des cadres, et d'enjoindre à cette autorité de le titulariser en qualité d'ouvrier professionnel qualifié, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 1700502 du 7 mars 2019, le tribunal a rejeté sa demande.
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Par une requête enregistrée le 10 juillet 2019 et un mémoi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 5 décembre 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Périgueux a refusé de le titulariser à l'issue de son stage et a prononcé son licenciement et sa radiation des cadres, et d'enjoindre à cette autorité de le titulariser en qualité d'ouvrier professionnel qualifié, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 1700502 du 7 mars 2019, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 juillet 2019 et un mémoire enregistré le 6 décembre 2019, M. C..., représenté par la SCP Arnaud Le Guay, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du directeur du centre hospitalier de Périgueux du 5 décembre 2016 ;

3°) d'enjoindre au directeur du centre hospitalier de Périgueux de le titulariser en qualité d'ouvrier professionnel qualifié, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Périgueux le versement au profit de son conseil d'une somme totale de 4 800 euros au titre de la première instance et de l'appel, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision n'est pas motivée, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le directeur du centre hospitalier ne pouvait se fonder sur le caractère non probant de la période de stage dès lors qu'il se trouvait de fait en " situation statutaire et légale " depuis le 1er juillet 2016, après l'expiration de la durée maximale de deux ans de stage ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle est fondée sur un rapport du 18 septembre 2016, des appréciations du 3 octobre 2016 et un avis de la commission administrative paritaire du 30 novembre 2016, postérieurs à la fin du stage le 30 juin 2016 et que les difficultés rencontrées résultent des carences managériales de la cadre de santé qui laissait les agents se gérer seuls et a voulu empêcher sa titularisation, ainsi qu'il ressort du rapport du 18 septembre 2016 ; les attestations produites, ainsi que sa notation AB du 9 janvier 2015 sur le travail en commun, contradictoire avec l'appréciation selon laquelle il a pris en compte les remarques, établissent le comportement discriminatoire et l'agressivité à son encontre de cette cadre de santé ; à l'exception des incidents de 2014 et de 2015, les éléments reprochés relèvent d'un ressenti et ne sont pas de nature à établir le caractère non probant de la période de stage.

Par des mémoires en défense enregistrés les 4 octobre et 24 décembre 2019, le centre hospitalier de Périgueux, représenté par la SCP Gravellier, Lief, de Lagausie Rodrigues, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. C... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 juin 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-45 du 14 janvier 1991 ;

- le décret n° 97-487 du 12 mai 1997 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Dufraisse, représentant M. C... et de Me Brédy, représentant le centre hospitalier de Périgueux.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., recruté en qualité d'agent d'entretien à compter du 1er février 2010 par le centre hospitalier de Périgueux dans le cadre de contrats à durée déterminée renouvelés jusqu'au 1er septembre 2014, a été admis au concours sur titres d'ouvrier professionnel qualifié, spécialité " hygiène, bionettoyage ", organisé par l'établissement le 26 juin 2014, et nommé fonctionnaire stagiaire à compter du 1er juillet 2014. Après deux prorogations du stage du 1er juillet au 31 décembre 2015, puis du 1er janvier au 30 juin 2016, le directeur du centre hospitalier, par une décision du 5 décembre 2016, a décidé de ne pas le titulariser au motif du caractère non probant de la période de stage, a prononcé son licenciement et l'a radié des cadres à compter du 8 décembre 2016. M. C... relève appel du jugement du 7 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

2. Aux termes de l'article 7 du décret du 12 mai 1997 fixant les dispositions communes applicables aux agents stagiaires de la fonction publique hospitalière : " La durée normale du stage et les conditions dans lesquelles elle peut éventuellement être prorogée sont fixées par le statut particulier du corps dans lequel l'agent stagiaire a vocation à être titularisé. / Sous réserve de dispositions contraires des statuts particuliers et du présent décret, la durée normale du stage est fixée à un an. / Sauf disposition contraire du statut particulier, le stage ne peut être prolongé d'une durée excédant celle du stage normal. / (...). " Aux termes de l'article 9 du même décret : " L'agent stagiaire ne peut être licencié pour insuffisance professionnelle que lorsqu'il a accompli un temps au moins égal à la moitié de la durée normale du stage. / La décision de licenciement est prise après avis de la commission administrative paritaire prévue à l'article 34 du présent décret, sauf dans le cas où l'aptitude professionnelle doit être appréciée par un jury. (...). " Aux termes de l'article 25 du décret du 14 janvier 1991 portant statut particulier des personnels ouvriers, des conducteurs ambulanciers et des personnels d'entretien et de salubrité de la fonction publique hospitalière en vigueur à la date de la décision contestée : " La durée du stage prévu à l'article 37 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, auquel sont astreints les agents nommés dans les corps et les grades régis par le présent décret, est fixée à douze mois. Elle peut être prolongée à titre exceptionnel d'une durée qui ne peut être supérieure à une année par l'autorité ayant pouvoir de nomination. Cette autorité prononce à l'issue du stage la titularisation. / L'agent qui ne peut être titularisé est licencié s'il ne relevait pas d'un autre corps, cadre d'emplois ou emploi. (...). "

3. Un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire se trouve dans une situation probatoire et provisoire. La décision de ne pas le titulariser en fin de stage est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, et se trouve ainsi prise en considération de sa personne. L'autorité compétente ne peut donc prendre légalement une décision de refus de titularisation, qui n'est soumise qu'aux formes et procédures expressément prévues par les lois et règlements, que si les faits qu'elle retient caractérisent des insuffisances dans l'exercice des fonctions et la manière de servir de l'intéressé. Cependant, la circonstance que tout ou partie de tels faits seraient également susceptibles de caractériser des fautes disciplinaires ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente prenne légalement une décision de refus de titularisation, pourvu que l'intéressé ait alors été mis à même de faire valoir ses observations. Pour apprécier la légalité d'une décision de refus de titularisation, il incombe au juge de vérifier qu'elle ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, qu'elle n'est entachée ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste dans l'appréciation de l'insuffisance professionnelle de l'intéressé, qu'elle ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire et n'est entachée d'aucun détournement de pouvoir et que, si elle est fondée sur des motifs qui caractérisent une insuffisance professionnelle mais aussi des fautes disciplinaires, l'intéressé a été mis à même de faire valoir ses observations.

4. En premier lieu, le comportement de M. C... envers ses collègues et sa supérieure hiérarchique, qui aurait pu justifier une sanction disciplinaire, pouvait également caractériser des insuffisances dans la manière de servir justifiant un licenciement en fin de stage pour inaptitude aux fonctions. Un tel licenciement n'ayant pas le caractère d'une sanction et n'ayant pas pour effet de retirer ou d'abroger une décision créatrice de droits, la décision contestée n'avait pas à être motivée. C'est ainsi à bon droit que les premiers juges ont écarté comme inopérant le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.

5. En deuxième lieu, si les dispositions citées au point 2 ne prévoient pas la possibilité de proroger la période de stage d'un ouvrier professionnel au-delà d'un an, l'absence de décision prise à l'expiration d'une durée de deux ans n'a pas pour effet de faire bénéficier l'intéressé d'une titularisation tacite. Par suite, M. C..., qui a conservé la qualité de stagiaire jusqu'à la date de la décision mettant fin à ses fonctions, ainsi intervenue à l'issue du stage, n'est pas fondé à se prévaloir de la qualité de fonctionnaire titulaire à compter du 1er juillet 2016.

6. En troisième lieu, les appréciations portées lors des quatre notations de M. C... en vue de sa titularisation les 2 janvier 2015, 1er septembre 2015, 12 janvier 2016 et 2 septembre 2016 ont toujours été bonnes ou très bonnes en ce qui concerne les connaissances professionnelles, la qualité du travail exécuté, la rapidité d'exécution, la tenue générale et la ponctualité. Toutefois, deux rapports circonstanciés concernant des altercations avec des collègues ont été établis au cours de la période de stage. Le 7 octobre 2014, dans un contexte de désorganisation du service en raison d'une erreur sur le planning, M. C... a jeté des clés à deux de ses collègues en leur criant d'aller nettoyer les locaux d'un service où il manquait un agent, et s'est montré très agressif, voire menaçant, envers la collègue qui lui avait répondu sur le même ton. Le 27 octobre 2015, il a vivement reproché à la collègue avec laquelle il travaillait en binôme, laquelle avait passé beaucoup de temps à nettoyer le service des urgences qui était " très sale ", d'être trop lente et de ne pas être venue l'aider, et l'intéressée est allée voir en pleurs la cadre de santé en lui demandant de changer de service. Le 19 novembre 2015, lors d'un entretien avec la directrice des ressources humaines, sa supérieure hiérarchique et un représentant syndical, M. C... a admis qu'il avait " un tempérament fort " et devait changer son comportement et se remettre en question. Si les appréciations générales du 12 janvier 2016 indiquent que suite aux difficultés relationnelles et conflits de travail rencontrés sur la période écoulée, M. C... semble avoir pris en considération les remarques formulées lors de l'entretien du 19 novembre 2015, le sens du travail en commun n'a pas évolué favorablement au cours du stage dès lors qu'il est passé de " bien " sur les deux premières évaluations à " assez bien " sur les deux dernières. Alors que M. C... a présenté des difficultés relationnelles récurrentes dues à un positionnement inadapté dans l'équipe avec une tendance à faire preuve d'autorité et d'agressivité envers ses collègues, il ne ressort pas des pièces du dossier que son comportement, qui ne peut être regardé comme imputable à des carences managériales ou à une malveillance de la cadre de santé, aurait évolué durablement, au-delà d'efforts ponctuels, au cours de la période de stage. Un tel comportement caractérise des insuffisances dans la manière de servir et une inaptitude au travail en équipe nécessité par l'exercice des fonctions. Dans ces circonstances, la décision portant refus de titularisation et licenciement n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

7. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de M. C... au titre des frais exposés par le centre hospitalier de Périgueux à l'occasion du présent litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Périgueux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au centre hospitalier de Périgueux.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 novembre 2021.

La rapporteure,

Anne A...

La présidente,

Catherine GiraultLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX02893


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02893
Date de la décision : 04/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Licenciement - Stagiaires.

Fonctionnaires et agents publics - Dispositions propres aux personnels hospitaliers.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : SCP LE GUAY CHEVALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-11-04;19bx02893 ?
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