Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 5 septembre 2020 par lequel le préfet de la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2004094 du 30 octobre 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 avril 2021, M. A... B..., représenté par Me Katou-Kouami, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2004094 du magistrat désigné du tribunal administratif;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral en litige ;
3°) d'enjoindre au préfet d'examiner son droit au séjour en France dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) d'enjoindre au préfet de supprimer son signalement au système d'information Schengen ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
- le magistrat désigné ne s'est pas prononcé sur le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle a procédé à un examen insuffisant de sa situation personnelle ;
- elle méconnait son droit à une vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français:
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur de droit dès lors qu'il n'a jamais fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement ;
- elle méconnait l'article L. 511-1-III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car il ne présente pas une menace pour l'ordre public.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Frédéric Faïck a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B... est un ressortissant algérien né le 25 juin 1984 qui, après son entrée irrégulière sur le territoire français, a été interpellé par les services de police le 5 septembre 2020 pour des faits de vol avec violence. Aussi, par un arrêté du 5 septembre 2020, le préfet de la Gironde a édicté à l'encontre de M. B... une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire assortie de la désignation du pays de renvoi et d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler cet arrêté du 5 septembre 2020. Il relève appel du jugement rendu le 30 octobre 2020 par lequel le magistrat désigné du tribunal a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Dans ses écritures de première instance, M. B... a soutenu que l'arrêté en litige était entaché d'un vice d'incompétence. Le jugement attaqué s'est abstenu de répondre à ce moyen qui n'était pas inopérant. Par suite, il y a lieu d'annuler pour irrégularité le jugement et de statuer par la voie de l'évocation sur la demande de première instance.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français sans délai de départ :
3. En premier lieu, par un arrêté du 30 décembre 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du même jour, le préfet de la Gironde a délivré au sous-préfet d'Arcachon, une délégation à l'effet de signer notamment l'ensemble des décisions et actes relevant des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par voie de conséquence la mesure d'éloignement en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté.
4. En deuxième lieu, le préfet a relevé dans sa décision que M. B... était entré irrégulièrement sur le territoire français, qu'il ne remplit aucune des conditions requises pour y séjourner et ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, si bien qu'il existe un risque qu'il se soustraie à l'exécution de la décision. Le préfet a également indiqué que M. B... est célibataire sans charge de famille et qu'ainsi sa décision ne porte pas une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale. Cette motivation est satisfaisante et révèle par ailleurs que le préfet a examiné de manière suffisante la situation personnelle de l'intéressé.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré irrégulièrement sur le territoire français et qu'il a fait l'objet de la mesure d'éloignement en litige après avoir été interpellé pour des faits de vol avec violence. Il se prévaut de la présence en France de plusieurs membres de sa famille en situation irrégulière et d'une promesse d'embauche cependant datée du 10 septembre 2020 et donc postérieure à la décision attaquée. Le séjour en France de M. B... était encore très récent à la date de la décision attaquée dès lors qu'il a déclaré aux services de police être entré sur ce territoire en janvier 2020 seulement. Célibataire et sans charge de famille, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... serait en situation d'isolement en Algérie où il a vécu jusqu'à l'âge de 36 ans et passé l'essentiel de son existence. Enfin, il a été condamné par le tribunal correctionnel de Bordeaux le 7 septembre 2020 à une peine de trois mois de prison pour les faits vol avec violence qu'il a commis avant l'intervention de l'arrêté en litige. Au regard des conditions de séjour de M. B... sur le territoire français, le préfet n'a pas, en prenant la mesure d'éloignement en litige, porté une atteinte disproportionnée au droit de ce dernier à une vie privée et familiale compte tenu des buts en vue desquels cette mesure a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
7. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) La durée de l'interdiction de retour (...) ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".
8. En premier lieu, la décision en litige prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans indique que M. B... ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France où il est entré et où il s'est maintenu irrégulièrement sans disposer de ressources. Elle précise que M. B... est célibataire sans charge de famille, qu'il n'a jamais fait l'objet d'une mesure d'éloignement auparavant et qu'il a été interpellé en septembre 2020 par les services de police pour des faits de vol avec violence. Cette motivation montre que le préfet a pris en compte les critères prévus par les dispositions citées ci-dessus pour prendre et pour fixer la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français en litige. Cette motivation établit également que le préfet a procédé à un examen circonstancié de la situation personnelle du requérant avant de prendre sa décision.
9. En deuxième lieu, il ne résulte nullement des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 qu'un étranger ne pourrait faire l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français du seul fait qu'il n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
10. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... a commis un vol avec violences, ce qui lui a valu d'être condamné par le tribunal correctionnel de Bordeaux à une peine de trois mois de prison avec maintien en détention. Compte tenu de ces éléments, le préfet a pu légalement estimer que M. B... présentait une menace pour l'ordre public et, après avoir pris en considération la durée et les conditions de séjour de l'intéressé sur le territoire français, édicter une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de première instance de M. B... doit être rejetée.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37- 2 de la loi du 10 juillet 1991 :
12. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par le conseil de M. B....
DECIDE
Article 1er : Le jugement n° 2004094 du magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux du 30 octobre 2020 est annulé.
Article 2 : La demande de première instance de M. B... et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Katou-Kouami. Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 27 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Agnès Bourjol, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 novembre 2021.
Le rapporteur,
Frédéric Faïck
Le président,
Didier Artus
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 21BX01774 5