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02/11/2021 | FRANCE | N°19BX00559

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 02 novembre 2021, 19BX00559


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner l'Etat à lui verser la somme de 36 185,18 euros au titre de l'indemnité d'éloignement due pour la deuxième partie de son séjour à Mayotte ainsi qu'une somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral.

Par un jugement n° 1300879 du 17 décembre 2018, le tribunal a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 février 2019, Mme B... C..., représentée par Me Bourdon

, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1300879 du tribunal ;

2°) de condamner l'Etat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner l'Etat à lui verser la somme de 36 185,18 euros au titre de l'indemnité d'éloignement due pour la deuxième partie de son séjour à Mayotte ainsi qu'une somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral.

Par un jugement n° 1300879 du 17 décembre 2018, le tribunal a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 février 2019, Mme B... C..., représentée par Me Bourdon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1300879 du tribunal ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 36 185,18 euros au titre de l'indemnité d'éloignement due pour la 4ème année de son séjour à Mayotte ainsi qu'une somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- par un arrêté ministériel du 3 septembre 2009, elle a été placée en position normale d'activité auprès du ministère de l'écologie pour exercer les fonctions de secrétaire générale de la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) de Mayotte à compter du 1er octobre 2009 ; par un nouvel arrêté du 4 juillet 2011, elle a été maintenue dans ses fonctions pour deux années supplémentaires à compter du 1er octobre 2011 ;

- elle remplit les conditions prévues au décret n° 96-1028 du 27 novembre 1996 pour obtenir la totalité de la seconde fraction de l'indemnité d'éloignement ; en particulier, l'administration ne saurait faire valoir la circonstance qu'elle serait partie de Mayotte de sa propre volonté au sens de l'article 5 du décret ; son départ de Mayotte s'inscrit dans des circonstances particulières, à savoir les résultats d'une enquête administrative menée sur l'octroi de primes et autres avantages ainsi que sur les conditions de travail au sein de la DEAL ; des pressions, notamment d'ordre syndical, ont eu lieu afin de contraindre Mme C... à quitter ses fonctions ;

- par un arrêté ministériel du 2 octobre 2012, il a été mis fin à ses fonctions à la DEAL pour lui permettre d'exercer les fonctions de chargée de mission au sein de l'Université de La Réunion ; l'article 4 de cet arrêté a reconnu son droit à obtenir le versement de la 2ème fraction de l'indemnité d'éloignement prévue par le décret du 27 novembre 1996 ; cet arrêté vaut titre et reconnaissance d'une créance de l'administration envers Mme C... ;

- elle a droit à la somme de 36 185,18 euros au titre de l'indemnité d'éloignement ainsi qu'à une somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2021, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Il soutient, à titre principal, que le traitement de la demande de Mme C... relève de la compétence du ministre de l'écologie ; à titre subsidiaire, que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 juillet 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 50-772 du 30 juin 1050 ;

- le décret n° 96-1018 du 27 novembre 1996 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 3 septembre 2009, le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, A... la solidarité et de la ville et le ministre de la santé et des sports ont placé à sa demande Mme C..., alors inspectrice principale de l'action sanitaire et sociale, en position normale d'activité auprès du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer pour exercer à compter du 1er octobre 2009 les fonctions de secrétaire générale de la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) à Mayotte. Le 4 juillet 2011, la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement a maintenu Mme C... dans ses fonctions au sein de la DEAL de Mayotte pour une durée de deux ans à compter du 1er octobre 2011. Toutefois, le 2 octobre 2012, la ministre des affaires sociales et de la santé, le ministre du travail et le ministre des sports et de la jeunesse ont pris un arrêté qui a mis fin, à compter du 10 octobre 2012, à la position d'activité de Mme C... auprès du ministère de l'écologie, réintégré celle-ci dans son corps d'origine et l'a placée en position de détachement dans le corps des attachés de l'éducation nationale comme chargée de mission auprès du directeur général des services de l'université de La Réunion.

2. Le 7 septembre 2012, Mme C..., qui était en instance de départ de la DEAL de Mayotte, a demandé à l'administration de lui verser la dernière part de l'indemnité d'éloignement prévue par le décret n° 96-1028 du 27 novembre 1996 relatif à l'attribution de l'indemnité d'éloignement aux fonctionnaires en service à Mayotte, soit une somme de 36 185,18 euros. Mme C... a réitéré sa demande par une lettre adressée au ministère de l'écologie le 13 mai 2013 en sollicitant de plus la réparation de son préjudice moral évalué à 3 000 euros. N'ayant pu obtenir satisfaction, Mme C... a saisi le tribunal administratif de La Réunion d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser les sommes demandées. Elle relève appel du jugement rendu le 17 décembre 2018 par lequel le tribunal a rejeté ses demandes.

3. Aux termes de l'article 2 de la loi du 30 juin 1950 fixant les conditions d'attribution des soldes et indemnités des fonctionnaires : " Pour faire face aux sujétions particulières inhérentes à l'exercice de la fonction publique dans les territoires d'outre-mer, les fonctionnaires civils (...) recevront : (...) 2° Une indemnité destinée à couvrir les sujétions résultant de l'éloignement pendant le séjour et les charges afférentes au retour, accordée au personnel appelé à servir en dehors soit de la métropole, soit de son territoire, soit du pays ou territoire où il réside habituellement (...) ". Aux termes de l'article 4 du décret du 27 novembre 1996 relatif à l'attribution de l'indemnité d'éloignement aux fonctionnaires en service à Mayotte dans sa version en vigueur jusqu'au 30 octobre 2013 : " Le droit à l'indemnité pour les personnels qui sont affectés sans limitation de durée à Mayotte (...) n'est ouvert que pour deux périodes de deux ans (...) ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " Lorsqu'un séjour de deux ans ouvrant droit au bénéfice de l'indemnité prend fin avant son terme, les dispositions ci-après sont applicables : 1° L'agent qui a effectué moins de douze mois de services n'a pas droit à la seconde fraction de l'indemnité. (...) 2° L'agent qui a effectué au moins douze mois de services conserve le bénéfice de la première fraction de l'indemnité. Il a droit à l'intégralité de la seconde fraction de l'indemnité si l'interruption du séjour est indépendante de sa volonté. Dans le cas contraire, le montant de la seconde fraction de l'indemnité est calculé au prorata de la durée du service accompli. Pour l'application du présent article, le déplacement d'office prononcé à l'issue d'une procédure disciplinaire ne vaut pas circonstance indépendante de la volonté de l'agent concerné (...) ".

4. Ainsi qu'il a été dit, Mme C... a été affectée au poste de secrétaire générale de la DEAL de Mayotte à compter du 1er octobre 2009 pour une durée de deux ans, renouvelée pour deux années supplémentaires au 1er octobre 2011. Mme C... a cependant été affectée sur un nouveau poste à l'université de La Réunion à la date du 10 octobre 2012 par un arrêté ministériel du même jour, de sorte que son second séjour à Mayotte a pris fin avant le terme prévu comme le prévoient les dispositions précitées de l'article 5 du décret du 27 novembre 1996 dont Mme C... relève en conséquence pour la détermination de son droit à percevoir l'indemnité d'éloignement. Et, plus précisément, dès lors qu'il est constant que Mme C... justifiait de plus de douze mois d'activité au sein de la DEAL de Mayotte, elle relève du 2° précité de l'article 5 du décret qui ouvre droit au versement de la totalité de la seconde fraction de l'indemnité d'éloignement à la condition que la fin prématurée des fonctions de l'agent soit indépendante de sa volonté.

5. Il résulte de l'instruction que le conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) a été sollicité en juillet 2012 par le ministère de l'écologie pour mener une enquête administrative sur le fonctionnement du secrétariat général de la DEAL de Mayotte. Cette enquête a porté sur la gestion des primes dont a bénéficié Mme C... en tant que secrétaire générale de la DEAL et sur les conditions de travail des agents placés sous son autorité au sein de la structure.

6. Il résulte du rapport rendu en novembre 2012 par les inspecteurs du CGEDD, mais aussi de la visite menée en juin 2012 par l'inspection de la DEAL, que Mme C... a été nommément mise en cause par la presse locale pour la manière dont elle gérait le service placé sous son autorité. Il lui était ainsi reproché de s'être indûment octroyée des primes et autres indemnités de missions et d'avoir mis en place un management autoritaire de son service. C'est dans ce contexte que Mme C..., qui a d'ailleurs reconnu que son maintien en fonctions à la DEAL de Mayotte n'était plus souhaitable, a adressé dès le 31 juillet 2012, alors que les résultats de l'enquête administrative du CGEDD n'étaient pas connus, une lettre au président de l'université de La Réunion présentant sa candidature au poste de chargé de mission auprès du directeur général des services de cette université puis à son ministère une demande de détachement du 17 septembre 2012.

7. Dans ces conditions, l'interruption au 10 octobre 2012 du second séjour à Mayotte de Mme C... ne peut être regardée comme trouvant son origine dans des circonstances indépendantes de la volonté de l'agent, comme l'a jugé à bon droit le tribunal. Ne suffit pas, en particulier, à révéler de telles circonstances le fait que certains syndicats de fonctionnaires locaux aient publiquement réclamé le départ de Mme C... du poste de secrétaire général de la DEAL de Mayotte au cours de l'inspection dont ce service a fait l'objet.

8. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir qu'en application du 2° de l'article 5 du décret du 27 novembre 1996, l'administration aurait dû lui verser l'intégralité de la seconde fraction de l'indemnité d'éloignement au titre de son second séjour à Mayotte.

9. Par ailleurs, les dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 2 octobre 2012, mettant fin aux fonctions de Mme C... à la DEAL de Mayotte, selon lesquelles " l'intéressée pourra prétendre au versement de la 2ème fraction de l'indemnité d'éloignement conformément au décret du 27 novembre 1996 susvisé " ne sauraient valoir " titre et reconnaissance de créance " comme le soutient la requérante lui ouvrant droit au versement de la totalité de la seconde fraction l'indemnité d'éloignement. Le versement de l'indemnité en litige est subordonné au seul respect des conditions de l'article 5 du décret du 27 novembre 1996, lesquelles ne sont pas remplies en l'espèce. Au demeurant, il résulte de l'instruction que Mme C... a perçu, comme elle en avait le droit, la fraction de cette indemnité calculée au prorata du service qu'elle a accomplie durant sa seconde période d'activité à Mayotte, soit du 1er octobre 2011 au 9 octobre 2012.

10. Enfin, en l'absence d'illégalité fautive de l'administration, Mme C... n'est pas fondée à demander une indemnité en réparation de son préjudice moral.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE

Article 1er : La requête n° 19BX00559 de Mme B... C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., au ministre des solidarités et de la santé et à la ministre de la transition écologique.

Délibéré après l'audience du 27 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 novembre 2021.

Le rapporteur,

Frédéric Faïck

Le président,

Didier Artus

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé et à la ministre de la transition écologique, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX00559 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00559
Date de la décision : 02/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Indemnités et avantages divers.

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Indemnités et avantages divers - Indemnités allouées aux fonctionnaires servant outre-mer (voir : Outre-mer).


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : CABINET BOURDON ET FORESTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-11-02;19bx00559 ?
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