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21/10/2021 | FRANCE | N°20BX04086

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 21 octobre 2021, 20BX04086


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1906580 du 29 juin 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requê

te, enregistrée le 14 décembre 2020, M. B..., représenté par Me Benhamida, demande à la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1906580 du 29 juin 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2020, M. B..., représenté par Me Benhamida, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 29 juin 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de 15 jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement,

- le jugement est insuffisamment motivé, dès lors qu'il ne vise pas l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11 °) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le tribunal administratif n'a porté aucune appréciation sur sa situation au regard de cet arrêté ;

S'agissant du refus de titre de séjour,

- le préfet s'est cru lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et a ainsi entaché la décision d'une erreur de droit ;

- le suivi médical nécessaire à son état de santé est impossible au Mexique, comme en attestent un rapport d'experts de 2016 intitulé " Prise en charge thérapeutique et suivi de l'ensemble des personnes infectées par le virus de l'hépatite C ", et un article destiné aux professionnels de santé ;

- son état de santé ne lui permet pas de voyager, ainsi qu'en atteste le Dr C... ;

- la décision méconnaît son droit de mener une vie privée et familiale normale tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que la protection de la santé fait partie intégrante de ce droit ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français,

- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle emporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle du fait de son état de santé ;

- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît son droit de mener une vie privée et familiale normale et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi,

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2021, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Par décision du 5 novembre 2020, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., de nationalité mexicaine, est entré en France le 14 janvier 2018 et a déposé le 8 janvier 2019 une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par arrêté du 6 septembre 2019, le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Il relève appel du jugement du 29 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Dans sa demande portée devant les premiers juges, M. B..., au soutien du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a cité ces dispositions, ainsi que celles des articles R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 et 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017, sans toutefois baser son argumentation sur ces dernières dispositions. Par suite, en ne visant pas cet arrêté du 5 janvier 2017, et en ne le mentionnant pas dans les motifs de leur jugement, les premiers juges n'ont pas omis de répondre à un moyen ni entaché leur jugement d'une insuffisance de motivation.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté litigieux : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".

4. En premier lieu, il résulte de la lecture de la décision attaquée que le préfet ne s'est pas estimé lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et n'a pas entaché sa décision d'une erreur de droit.

5. En deuxième lieu, l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 27 février 2019 mentionne que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que l'état de santé de l'intéressé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine.

6. M. B... produit un compte rendu d'échographie abdominale, ainsi que les certificats d'un médecin généraliste des 11 septembre 2018 et 19 septembre 2019, attestant de ce que " son état de santé nécessité un suivi régulier auprès des spécialistes ", d'un hépato-gastro-entérologue du 9 juillet 2018, affirmant qu' " il nécessite un suivi rigoureux de ses fonctions hépatocellulaires ", et d'un psychiatre du 18 septembre 2019, qui atteste que son état " nécessite des soins urgents qui ne peuvent être interrompus ". Toutefois, ces documents, s'ils attestent de la gravité de l'état de santé de l'intéressé, ne contredisent pas l'appréciation portée par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et le préfet sur la possibilité d'être traité dans son pays d'origine, le Mexique.

7. M. B... produit également un court article publié en 2018 sur le site internet " prescrire.org ", dont, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la fiabilité n'est au demeurant pas assurée, qui expose que l'accès aux médicaments contre l'hépatite C dans " les pays à revenus intermédiaires (Chine, Mexique, Turquie, etc) " est quasi inexistant du fait de leur prix inabordable, en se basant sur les chiffres de l'année 2016. Il se prévaut également de l'annexe II de l'arrêté du 5 janvier 2017, relative aux outils à la disposition du collège des médecins, qui expose que le rapport d'experts de 2016 " Prise en charge thérapeutique et suivi de l'ensemble des personnes infectées par le virus de l'hépatite C " souligne que " Certains pays à revenus intermédiaires ont des programmes de lutte contre l'infection par le VHC, en général limités dans le temps et ne couvrant pas toujours l'ensemble des personnes infectées (exclusion des usagers de drogues, par exemple) ". Toutefois, eu égard à l'ancienneté de ces sources et à leur imprécision, le requérant ne peut être regardé comme remettant en cause l'avis des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

8. Enfin, Si M. B... produit un certificat médical du 14 octobre 2019, affirmant que son état de santé " ne lui permet pas d'effectuer des voyages en avion à l'heure actuelle ", ce certificat, rédigé dans des termes très peu circonstanciés, ne permet pas de contredire l'avis du collège des médecins, selon lequel il peut voyager sans risque vers son pays d'origine.

9. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

10. En troisième lieu, M. B... reprend en appel, sans l'assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, le moyen tiré de ce que la décision méconnaîtrait son droit de mener une vie privée et familiale normale tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il convient d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de séjour doit être écarté.

12. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 à 8, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur sa situation personnelle et de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

13. M. B... reprend en appel, sans les assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, les moyens tirés de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait insuffisamment motivée et méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il convient d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 23 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère

Rendu public après dépôt au greffe le 21 octobre 2021.

La rapporteure,

Frédérique D...Le président

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkougou

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

3

N° 20BX04086


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX04086
Date de la décision : 21/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : BENHAMIDA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-21;20bx04086 ?
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