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21/10/2021 | FRANCE | N°19BX03240

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 21 octobre 2021, 19BX03240


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Alizeo a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du supplément de cotisation d'impôt sur les sociétés mis à sa charge par un avis de mise en recouvrement en date du 16 novembre 2015 pour un montant de 221 704 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2012.

Par un jugement n°1700574 du 4 juin 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant

la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 juillet 2019 et le 2 août 2020...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Alizeo a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du supplément de cotisation d'impôt sur les sociétés mis à sa charge par un avis de mise en recouvrement en date du 16 novembre 2015 pour un montant de 221 704 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2012.

Par un jugement n°1700574 du 4 juin 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 juillet 2019 et le 2 août 2020, la société Alizeo, représentée par la SELAS Lacombe Avocats demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 juin 2019 ;

2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujetti au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la charge de 639 532 euros constituait une perte pour créance irrécouvrable en raison de l'absence de caractère intentionnel ; l'appréciation par les premiers juges du tribunal administratif de Toulouse du caractère financier d'une créance n'implique pas implicitement que celle-ci serait irrécouvrable ;

- l'administration l'a privée des garanties supplémentaires lui permettant, en cas de mise en œuvre de la procédure de répression des abus de droit, de demander la saisine du comité consultatif ;

- en l'absence d'élément intentionnel, aucun abandon de créance à caractère financier ne peut être caractérisé ; la créance de la société Alizéo sur la société PSO est une créance irrécouvrable et la qualification d'abandon de créance à caractère financier ne peut être admise ; la décision de procéder à une liquidation conventionnelle plutôt que judiciaire est sans impact sur le traitement fiscal ;

- en tout état de cause, l'abandon de créance consenti par la société Alizéo à sa filiale PSO, dans une situation financière difficile, dans le but d'éviter le dépôt de bilan de cette filiale, ne constitue pas un acte anormal de gestion mais un abandon de créance de nature commerciale ;

- par voie de conséquence, les intérêts de retard se rapportant aux rappels envisagés ne sont pas fondés.

Par deux mémoires, enregistrés les 17 avril 2020 et 23 juillet 2021, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens développés par la société Alizéo ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nathalie Gay;

- et les conclusions de Mme Madelaigue, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Alizéo, qui exerce une activité de société holding, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 à l'issue de laquelle une proposition de rectification lui a été adressée, le 3 février 2014, par laquelle le service l'a informée de son intention de procéder à des rectifications de ses bases imposables à l'impôt sur les sociétés résultant de la remise en cause du caractère déductible de la perte sur les titres et les avances consenties à l'une de ses filiales, la SARL Préfabrication du sud-ouest (PSO), d'un montant de 639 531,84 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2012. Elle relève appel du jugement du 4 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2012.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier de première instance qu'à l'appui de sa demande, la société Alizéo soutenait que la créance sur la société PSO était irrécouvrable en raison de la liquidation de cette dernière. Si le tribunal a jugé que l'abandon de créances consenti à la société PSO présentait un caractère financier, il ne s'est pas prononcé sur le moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de l'absence de caractère intentionnel et donc d'abandon de créance par lequel elle entendait démontrer la réalité de la perte pour créance irrécouvrable subie. Par suite, son jugement doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Alizéo devant le tribunal administratif de Toulouse.

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

4. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que, pour justifier la réintégration litigieuse, l'administration a fait valoir, non que la créance sur la société PSO aurait un caractère fictif ou que l'abandon de créance n'aurait été consenti que dans le seul but d'éluder l'impôt, mais que les aides consenties à la société PSO, qui ne faisait pas l'objet d'une procédure collective, ne présentaient pas de caractère commercial et ne pouvaient ainsi être déduites du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés. Ce faisant, l'administration ne s'est pas placée sur le terrain de l'abus de droit. Par suite, la société Alizéo n'est pas fondée à soutenir que la procédure aurait été viciée au motif qu'elle aurait été privée des garanties liées à la procédure de répression des abus de droit, notamment la saisine pour avis du comité d'abus de droit fiscal.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

6. En vertu de l'article 39 du code général des impôts, dans sa version issue du I de l'article 17 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 : " (...) / 13. Sont exclues des charges déductibles pour l'établissement de l'impôt les aides de toute nature consenties à une autre entreprise, à l'exception des aides à caractère commercial. / Le premier alinéa du présent 13 ne s'applique pas aux aides consenties en application d'un accord homologué dans les conditions prévues au II de l'article L. 611-8 du code de commerce ni aux aides consenties aux entreprises pour lesquelles une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte. / Les aides mentionnées au deuxième alinéa du présent 13 qui ne revêtent pas un caractère commercial sont déductibles à hauteur de la situation nette négative de l'entreprise qui en bénéficie et, pour le montant excédant cette situation nette négative, à proportion des participations détenues par d'autres personnes que l'entreprise qui consent les aides ". Aux termes du II de l'article 17 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 : " Le I s'applique aux exercices clos à compter du 4 juillet 2012 ".

7. Il n'appartient pas au juge administratif, en dehors du cas prévu par les dispositions de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 prise pour l'application de l'article 61-1 de la Constitution et relatives à la question prioritaire de constitutionnalité, d'apprécier la constitutionnalité de dispositions législatives. Par suite, le moyen tiré de ce que l'article 17 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 porterait atteinte aux principe d'égalité devant la loi et les charges publiques garanties par les articles 6 et 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, aux exigences de l'article 16 de cette déclaration ainsi qu'à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle ne peut être utilement invoqué à l'appui des conclusions à fin de décharge des impositions et pénalités en litige.

8. Il résulte des termes mêmes du texte cité ci-dessus que le législateur n'a pas réservé l'application du point 13 de l'article 39 du code général des impôts aux seules sociétés mères françaises consentant des aides à leurs filiales étrangères. La société Alizeo entre ainsi dans le champ d'application de ces dispositions, qui constituent le fondement légal des rectifications à l'origine de l'imposition en litige.

9. D'une part, la perte de 639 532 euros n'a pas été inscrite dans un compte correspondant à une dépense irrécouvrable mais en compte 664, portant l'intitulé " pertes sur créances liées à des participations ". En outre, les avances en comptes courant consenties en 2010 et en 2011 à concurrence de 220 000 euros et 420 000 euros ont été provisionnées à 100 %. Enfin, en décidant de procéder à la liquidation conventionnelle de la société PSO, la société Alizéo a renoncé à exercer ses droits de créancier alors que les actifs de sa filiale auraient pu lui permettre de récupérer une partie de sa créance. Ainsi, et contrairement à ce que soutient la société Alizéo, il résulte de ce faisceau d'indices que la charge de 639 532 euros ne peut être regardée comme une dépense irrécouvrable et que l'élément intentionnel de l'abandon de créance est caractérisé.

10. D'autre part, il n'est pas contesté, qu'à la date de l'abandon de créance en litige, la société Préfabrication du sud-ouest connaissait de graves difficultés financières. Il résulte de l'instruction que la société Alizéo, société mère de la société anonyme Giraud Midi-Pyrénées, dont l'activité principale consiste en la réalisation de maçonnerie générale et de gros œuvre de bâtiment, a acquis en 2008 la société Préfabrication du sud-ouest spécialisée dans la préfabrication en béton armé. Si la société Préfabrication du sud-ouest est fournisseur de la société Giraud Midi-Pyrénées, il ne résulte pas de l'instruction que la société Alizéo aurait eu des relations commerciales avec sa filiale, la société Préfabrication du sud-ouest. En faisant valoir que la perte sur les titres et les avances consenties à la société Préfabrication du sud-ouest d'un montant de 639 531,84 euros a permis d'éviter la liquidation judiciaire de sa filiale et ainsi de préserver son renom et son crédit tant auprès des banques et de ses fournisseurs que de ses clients potentiels, de se prémunir contre l'exécution de ses engagements de caution à hauteur de 336 000 euros souscrit auprès d'un établissement bancaire et d'éviter l'extension d'une procédure collective à la société mère, la société Alizéo ne justifie pas de l'existence d'une contrepartie réelle et suffisante à l'abandon de créance consenti. Dès lors, la société Alizéo, qui a d'ailleurs inscrit l'abandon de créance qu'elle a consenti en compte 664, portant l'intitulé " pertes sur créances liées à des participations ", n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le service a considéré qu'il présentait un caractère financier.

11. Enfin, la société Alizéo n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de la documentation administrative de base n° 4 A 2162 du 9 mars 2001, relatives au régime fiscal des abandons de créances, qui ne donnent pas des dispositions législatives précitées une interprétation différente de celle dont il a été fait application.

12. Il résulte de ce qui précède que la société Alizéo n'est pas fondée à demander la décharge de la cotisation supplémentaire à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2012.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1700574 du 4 juin 2019 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Alizéo devant le tribunal administratif de Toulouse ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Alizéo et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 23 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Eric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 octobre 2021.

La rapporteure,

Nathalie GayLe président,

Eric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

3

N° 19BX03240


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 19BX03240
Date de la décision : 21/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. - Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : LACOMBE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-21;19bx03240 ?
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