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20/10/2021 | FRANCE | N°19BX01508

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 20 octobre 2021, 19BX01508


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a, par trois requêtes, demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler en premier lieu la décision du 10 novembre 2016 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse a confirmé la décision de la commission de discipline lui infligeant une sanction de dix jours en cellule disciplinaire dont cinq avec sursis, en deuxième lieu la décision du 23 novembre 2016 par laquelle la même autorité a confirmé la décision de la commission de discipline lui inflige

ant une sanction de cinq jours en cellule disciplinaire et en dernier lieu ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a, par trois requêtes, demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler en premier lieu la décision du 10 novembre 2016 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse a confirmé la décision de la commission de discipline lui infligeant une sanction de dix jours en cellule disciplinaire dont cinq avec sursis, en deuxième lieu la décision du 23 novembre 2016 par laquelle la même autorité a confirmé la décision de la commission de discipline lui infligeant une sanction de cinq jours en cellule disciplinaire et en dernier lieu la décision du 21 avril 2017 par laquelle ladite autorité a confirmé la décision de la commission de discipline lui infligeant une sanction de sept jours en cellule disciplinaire.

Par un jugement n°s 1700632, 1700634 et 1703365 du 13 février 2019, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse du 23 novembre 2016, mis à la charge de l'Etat une somme

de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi

du 10 juillet 1991 et rejeté le surplus des demandes de M. D....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 avril 2019, le garde des sceaux, ministre de la justice demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse du 23 novembre 2016 et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal en ce qui concerne cette décision.

Il soutient que :

- conformément au souhait de M. D..., son conseil a été convoqué par télécopie

du 8 novembre 2016 pour assister l'intéressé lors de la commission de discipline prévue

le 10 novembre suivant ; l'avocat n'a pas informé l'administration de son absence et ne s'est pas présenté à la commission de discipline ; l'administration, qui a mis M. D... à même d'être assisté d'un avocat, n'était pas tenue de reporter la commission de discipline ou de demander au bâtonnier de désigner un autre avocat ; ainsi, c'est à tort que le tribunal a estimé que les droits de la défense avaient été méconnus ;

- s'agissant des autres moyens, il s'en remet à ses écritures de première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2021, M. D..., représenté par Me Béchard, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme

de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 février 2019 en tant qu'il a rejeté ses demandes dirigées contre les décisions du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse des 10 novembre 2016 et 21 avril 2017 et d'annuler ces décisions.

Il soutient que :

- le ministre produit tardivement, en appel, le relevé d'une télécopie qui aurait été adressée à son conseil ; il n'a pas été informé de ses droits et notamment de la possibilité de solliciter le report de la séance de la commission de discipline ou la désignation d'un avocat commis d'office pour l'assister ;

- il n'est pas démontré que l'Etat aurait versé la somme mise à sa charge par le jugement au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; il appartiendra à l'Etat de justifier l'exécution du jugement ;

- il s'en remet à ses écritures de première instance en ce qui concerne ses conclusions dirigées contre les décisions des 21 avril 2017 et 10 novembre 2016.

Les parties ont été informées le 2 juillet 2021, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel incident de M. D... qui ne comportent aucun moyen d'appel (article R. 411-1 du code de justice administrative).

Des observations, présentées pour M. D..., ont été enregistrées le 5 juillet 2021.

Par ordonnance du 28 juin 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 6 septembre 2021.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision

du 20 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., incarcéré au centre de détention de Muret depuis le 3 mai 2016, a saisi le tribunal de Toulouse de trois requêtes tendant à l'annulation, respectivement, de la décision du 10 novembre 2016 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse a confirmé la décision de la commission de discipline lui infligeant une sanction de dix jours en cellule disciplinaire dont cinq avec sursis, de la décision du 23 novembre 2016 par laquelle la même autorité a confirmé la décision de la commission de discipline lui infligeant une sanction de cinq jours en cellule disciplinaire et de la décision du 21 avril 2017 par laquelle cette même autorité a confirmé la décision de la commission de discipline lui infligeant une sanction de sept jours en cellule disciplinaire. Par un jugement du 13 février 2019, le tribunal administratif de Toulouse, après avoir joint ces requêtes, a annulé la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse du 23 novembre 2016, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi

du 10 juillet 1991, et rejeté le surplus des demandes de M. D.... Le garde des sceaux, ministre de la justice relève appel de ce jugement en tant qu'il a, à ses articles 3 et 4, annulé la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse du 23 novembre 2016 et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions des

articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. M. D... conclut au rejet de l'appel du ministre et demande à la cour d'annuler ce même jugement en tant qu'il a, à ses articles 1er et 2, rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse des 10 novembre 2016 et

21 avril 2017.

Sur la recevabilité de l'appel de M. D... :

2. Les conclusions d'appel de M. D... dirigées contre les articles 1er et 2 du jugement attaqué, qui soulèvent un litige distinct de l'appel du garde des sceaux, ministre de la justice, ont la qualité d'un appel principal. En se bornant à se référer à sa demande de première instance, sans présenter de moyens d'appel, M. D... ne met pas la cour en mesure de se prononcer sur les erreurs qu'aurait pu commettre le tribunal administratif en écartant les moyens soulevés devant lui à l'appui de ses demandes d'annulation des décisions du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse des 10 novembre 2016 et 21 avril 2017. Ses conclusions d'appel ne satisfont ainsi pas aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, en vertu duquel la requête doit contenir l'exposé des moyens, et ne sont donc pas recevables.

Sur l'appel du garde des sceaux, ministre de la justice :

3. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. " Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ". Aux termes de l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale : " I. - En cas d'engagement des poursuites disciplinaires, les faits reprochés ainsi que leur qualification juridique sont portés à la connaissance de la personne détenue. / La personne détenue est informée de la date et de l'heure de sa comparution devant la commission de discipline ainsi que du délai dont elle dispose pour préparer sa défense. Ce délai ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. / II. - La personne détenue dispose de la faculté de se faire assister par un avocat de son choix ou par un avocat désigné par le bâtonnier de l'ordre des avocats et peut bénéficier à cet effet de l'aide juridique. (...) III. - La personne détenue, ou son avocat, peut consulter l'ensemble des pièces de la procédure disciplinaire, sous réserve que cette consultation ne porte pas atteinte à la sécurité publique ou à celle des personne ". Si ces dispositions impliquent que l'intéressé soit informé en temps utile de la possibilité de se faire assister d'un avocat, possibilité dont il appartient à l'administration pénitentiaire d'assurer la mise en œuvre lorsqu'un détenu en fait la demande, la circonstance que l'avocat dont l'intéressé a ainsi obtenu l'assistance ne soit pas présent lors de la réunion de la commission de discipline sera sans conséquence sur la régularité de la procédure au regard des dispositions du code des relations entre le public et l'administration et du code de procédure pénale si cette absence n'est pas imputable à l'administration.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a été convoqué le 8 novembre 2016 devant la commission de discipline du centre de détention de Muret qui devait se réunir le 10 novembre suivant. L'intéressé a demandé à être assisté d'un avocat en la personne de Me Ciaudo. Il ressort des pièces versées pour la première fois en appel que, par une télécopie

du 8 novembre 2016, l'administration pénitentiaire a convoqué ce dernier à la commission de discipline en lui précisant les fondements de droit et de fait des poursuites disciplinaires et lui a transmis le dossier de la procédure disciplinaire. Cet avocat ne s'est cependant pas présenté, et n'a pas avisé l'administration pénitentiaire de son absence. Dans ces conditions, la circonstance que M. D... n'a pas été assisté par un avocat, qui n'est pas imputable à l'administration pénitentiaire qui a fait toutes diligences, est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie. Il suit de là que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a jugé que les droits de la défense de M. D... avaient été méconnus.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse

du 23 novembre 2016.

6. Aux termes de l'article R. 57-7-15 du code de procédure pénale : " Le chef d'établissement ou son délégataire apprécie, au vu des rapports et après s'être fait communiquer, le cas échéant, tout élément d'information complémentaire, l'opportunité de poursuivre la procédure. Les poursuites disciplinaires ne peuvent être exercées plus de six mois après la découverte des faits reprochés à la personne détenue ".

7. Il ressort des pièces du dossier que par un arrêté du 2 avril 2013, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de la Haute-Garonne, le chef d'établissement du centre pénitentiaire de Muret a donné délégation à M. B... C..., directeur au centre de détention de Muret, pour signer, notamment, les décisions d'engagement des poursuites disciplinaires à l'encontre des personnes détenues.

8. Aux termes de l'article R. 57-7-6 du code de procédure pénale " La commission de discipline comprend, outre le chef d'établissement ou son délégataire, président, deux membres assesseurs ".

9. Il ressort du registre de la commission de discipline que, lors de la séance

du 10 novembre 2016, cette commission était composée de M. C..., en qualité de président, et de deux assesseurs. M. C... était compétent pour présider la commission de discipline en vertu de l'arrêté de délégation du 2 avril 2013 cité au point 7.

10. La convocation de M. D... devant la commission de discipline, remise à l'intéressé le 8 novembre 2016 à 12 heures, mentionne précisément les faits qui lui sont reprochés et précise qu'ils sont constitutifs de la faute disciplinaire prévue au 8° de l'article R. 57-7-1 du code de procédure pénale. Alors que cette convocation, signée par M. D..., l'informe de la remise d'un exemplaire de son dossier disciplinaire, l'intéressé n'apporte aucun commencement de preuve de ce qu'il n'aurait pas été effectivement mis à même de prendre connaissance de son dossier. Enfin, et ainsi qu'il a été dit, la circonstance que M. D... n'a pas été assisté par un avocat n'est pas imputable à l'administration pénitentiaire. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale citées au point 3 doit être écarté.

11. Enfin, aux termes de l'article R. 57-7-1 du code de procédure pénale : " Constitue une faute disciplinaire du premier degré le fait, pour une personne détenue : (...) 8° D'introduire ou de tenter d'introduire au sein de l'établissement des produits stupéfiants, de les détenir ou d'en faire l'échange contre tout bien, produit ou service ".

12. Il est constant que le 18 octobre 2016, à l'occasion d'une fouille, le personnel pénitentiaire a découvert que M. D... dissimulait sous ses vêtements un emballage plastique comportant un produit stupéfiant. Contrairement à ce que soutient l'intéressé, la sanction disciplinaire en cause, fondée sur les dispositions précitées 8° de l'article R. 57-7-1 du code de procédure pénale en vertu desquelles le fait de détenir des produits stupéfiants constitue une faute disciplinaire, ne repose pas sur une erreur de qualification juridique.

13. Il résulte de ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse du 23 novembre 2016 et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions des

articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

14. L'Etat n'ayant pas la qualité de partie perdante, les conclusions présentées par M. D... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi

du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 3 et 4 du jugement du tribunal administratif de Toulouse n°s 1700632, 1700634 et 1703365 du 13 février 2019 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Toulouse tendant à l'annulation de la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse du 23 novembre 2016 et à la mise mis à la charge de l'Etat d'une somme en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi

du 10 juillet 1991, ainsi que ses conclusions d'appel, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice,

à M. A... D... et à Me Montrichard.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Brigitte Phémolant, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 octobre 2021.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

La présidente,

Brigitte Phémolant

Le greffier,

Fabrice Benoit

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX01508


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01508
Date de la décision : 20/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-05-02-01 Juridictions administratives et judiciaires. - Exécution des jugements. - Exécution des peines. - Service public pénitentiaire.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : BECHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-20;19bx01508 ?
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