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19/10/2021 | FRANCE | N°21BX01696

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 19 octobre 2021, 21BX01696


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... F... et Mme H... F... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés du 31 décembre 2020 par lesquels la préfète de la Gironde a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être éloignés.

Par un jugement n° 2100205-2100206 du 11 mars 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bo

rdeaux a annulé les arrêtés du 31 décembre 2020, a enjoint à la préfète de la Gironde de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... F... et Mme H... F... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés du 31 décembre 2020 par lesquels la préfète de la Gironde a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être éloignés.

Par un jugement n° 2100205-2100206 du 11 mars 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a annulé les arrêtés du 31 décembre 2020, a enjoint à la préfète de la Gironde de délivrer à M. et Mme F... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Astié en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

I- Par une requête, enregistrée le 9 avril 2021 sous le n° 21BX01696, la préfète de la Gironde demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux du 11 mars 2021 ;

2°) de mettre à la charge de Mme F... une somme de 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les pathologies dont souffre Mme F... peuvent effectivement être prises en charge dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques de son système de santé ;

- l'intéressée n'a pas produit devant les juges de première instance d'éléments médicaux de nature à inverser la présomption née de l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration de l'intégration.

Par un mémoire en défense et des pièces, enregistrés les 18 et 19 août 2021, Mme F..., représentée par Me Astié, doit être regardée comme concluant au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit versée à son conseil, en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Elle soutient que les moyens soulevés par la préfète de la Gironde ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 11 mai 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 12 juillet 2021 à 12 heures.

II- Par une requête, enregistrée le 9 avril 2021 sous le n° 21BX01697, la préfète de la Gironde demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux du 11 mars 2021 ;

2°) de mettre à la charge de M. F... une somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'au égard à la situation de Mme F..., dont les pathologies peuvent effectivement être prises en charge dans son pays d'origine, l'arrêté du 31 décembre 2020 pris à l'encontre de son époux ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense et des pièces, enregistrés les 18 et 19 août 2021, M. F..., représenté par Me Astié, doit être regardé comme concluant au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit versée à son conseil, en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que les moyens soulevés par la préfète de la Gironde ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 11 mai 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 12 juillet 2021 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme F..., ressortissants de nationalité géorgienne nés respectivement le 1er septembre 1968 et le 27 août 1970, déclarent être entrés en France au cours du mois de mai 2019 et ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par deux arrêtés du 31 décembre 2020, la préfète de la Gironde a rejeté les demandes de titre de séjour de M. et Mme F... et leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination de leur pays d'origine. Par un jugement du 11 mars 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a annulé ces arrêtés, a enjoint à la préfète de la Gironde de délivrer aux intéressés une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Astié, conseil de M. et Mme F..., en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. La préfète de la Gironde relève appel de ce jugement.

Sur la jonction :

2. Les requêtes enregistrées sous les n°s 21BX01696 et 21BX01697 sont relatives aux membres d'une même famille et présentent à juger des questions identiques. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les moyens retenus par les premiers juges :

3. Pour prononcer l'annulation des décisions du 31 décembre 2020 de la préfète de la Gironde, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux s'est fondé d'une part, en ce qui concerne Mme F..., sur le moyen tiré de ce que, eu égard aux pathologies dont elle est atteinte, la préfète avait, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur, d'autre part, en ce qui concerne M. F..., sur le moyen tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour portait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaissait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la situation de Mme F... :

4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".

5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif saisi de l'affaire, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et de la possibilité d'y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et la possibilité d'en bénéficier effectivement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme F... souffre d'une insuffisance rénale chronique terminale, compliquée par un diabète insulinodépendant, une insuffisance thyroïdienne et une obésité morbide et que son état de santé nécessite, outre un suivi régulier et un traitement médicamenteux lourd, trois séances d'hémodialyse par semaine. Par un avis du 25 novembre 2020, le collège de médecins de l'OFII a indiqué que si l'état de santé de Mme F... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Géorgie et qu'à la date de cet avis, elle peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ne ressort pas des éléments versés au dossier que le suivi médical et médicamenteux dont fait l'objet l'intéressée ne pourrait se poursuivre en Géorgie et qu'elle n'aurait plus accès au protocole d'hémodialyse débuté dans ce pays à compter de l'année 2017. Par ailleurs, si Mme F... est en cours d'inscription sur la liste d'attente pour une greffe du rein depuis le 10 octobre 2020, il ressort des termes du certificat médical établi le 10 décembre 2020 par le docteur B... qu'à cette date, cette inscription se heurtait au refus de l'urologue et de l'anesthésiste. En tout état de cause, le seul certificat médical du 30 avril 2019 établi par le directeur de la clinique de développement en néphrologie de Tbilissi, produit par l'intéressée, ne mentionne pas d'impossibilité définitive d'accéder dans ce pays à une greffe de rein, notamment par le biais d'un donneur de la famille du patient ou d'une personne ayant des relations personnelles étroites avec le receveur, la mention selon laquelle " la patiente n'a pas de donneur de cette catégorie " étant insuffisamment circonstanciée pour l'établir. De même, Mme F... ne produit aucun élément de nature à justifier du caractère urgent et déterminant d'une telle transplantation qui, selon les termes du compte rendu du CHU de Bordeaux, est seulement " à envisager ". Dans ces conditions, ces seuls éléments ne permettent pas de remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII que la préfète de la Gironde s'est appropriée.

7. Il suit de là que, s'agissant de la situation de Mme F..., la préfète de la Gironde est fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 31 décembre 2020 au motif qu'elle avait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la situation de M. F... :

8. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

9. M. F... est entré France au cours de l'année 2019 à l'âge de 51 ans et ne justifie pas exercer une activité professionnelle régulièrement déclarée sur le territoire, disposer de ressources financières stables ou y avoir développé un réseau dense de relations sociales. Par ailleurs, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où, selon ses propres déclarations, résident sa mère et ses enfants majeurs. Enfin, son épouse a également fait l'objet d'une décision lui refusant le séjour et d'une mesure d'éloignement et ainsi qu'il a été exposé au point 6, sa situation médicale ne lui donne pas vocation à demeurer sur le territoire. Par suite, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour sur le territoire, la décision susvisée ne peut être regardée comme ayant porté, eu égard aux buts qu'elle poursuit, une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale.

10. Il suit de là que, s'agissant de la situation de M. F..., la préfète de la Gironde est fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 31 décembre 2020 au motif qu'elle avait méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme F... en première instance.

En ce qui concerne le moyen commun aux différentes décisions attaquées :

12. Par un arrêté du 7 décembre 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture du même jour, la préfète de la Gironde a donné délégation à M. A... C..., directeur des migrations et de l'intégration, signataire des arrêtés litigieux, à l'effet de signer toutes décisions prises en application des livres III, IV, V et VII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction alors en vigueur. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions susvisées doit être écarté comme manquant en fait.

En ce qui concerne les décisions portant refus de titre de séjour :

13. En premier lieu, les décisions portant refus de titre de séjour opposées à M. et Mme F... indiquent de manière suffisamment précise les motifs de fait et de droit pour lesquels la préfète de la Gironde a pris les décisions contestées, sans qu'elle soit tenue de mentionner l'ensemble des circonstances personnelles ou familiales relatives à l'entrée et au séjour en France des intéressés. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de ces décisions doit être écarté.

14. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Gironde n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. et Mme F.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de leur situation doit être écarté.

15. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". En vertu de l'article R. 313-23 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical (...). Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " L'étranger qui dépose une demande de délivrance ou de renouvellement d'un document de séjour pour raison de santé est tenu, pour l'application des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de faire établir un certificat médical relatif à son état de santé par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier. / A cet effet, le préfet du lieu où l'étranger a sa résidence habituelle lui remet un dossier comprenant une notice explicative l'informant de la procédure à suivre et un certificat médical vierge, dont le modèle type figure à l'annexe A du présent arrêté. ". Aux termes de l'article 2 du même arrêté : " Le certificat médical, dûment renseigné et accompagné de tous les documents utiles, est transmis sans délai, par le demandeur, par tout moyen permettant d'assurer la confidentialité de son contenu, au service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'adresse a été préalablement communiquée au demandeur. ". Enfin, aux termes de l'article 3 du même arrêté : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté. ".

16. D'une part, il ressort des pièces du dossier de première instance et notamment des mentions figurant sur l'avis du collège de médecins de l'OFII émis le 25 novembre 2020 sur la situation de Mme F..., lesquelles font foi jusqu'à preuve du contraire, que ce collège de médecins était composé des docteurs Candillier, Laouabdia-Sellami et Delprat-Chatton, que le rapport médical établi par le docteur D... lui a été transmis le 18 novembre 2020 et que cet avis a été rendu à l'issue d'une délibération collégiale. Cet avis a donc été émis dans les formes et selon les procédures prévues par les dispositions précitées des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il en résulte que le moyen tiré par l'intéressée de l'irrégularité de l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII manque en fait et doit être écarté en ses différentes branches.

17. D'autre part, il est constant que M. F... n'a pas transmis son dossier médical à l'OFII et n'a pas donné suite à la correspondance de la préfète de Gironde lui indiquant que son dossier était, dès lors, susceptible d'être classé sans suite. Ainsi, dans la mesure où le collège de médecins de l'OFII ne s'est pas réuni pour évoquer son dossier, le moyen soulevé par l'intéressé tiré de la méconnaissance des dispositions précitées des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant et doit être écarté.

18. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".

19. M. et Mme F..., entrés en France au cours de l'année 2019 âgés, respectivement de 51 ans et 49 ans, ne justifient pas de liens personnels sur le territoire français ou d'une insertion professionnelle particulière et ne sont pas démunis d'attaches familiales dans leur pays d'origine où résident, notamment, leurs enfants majeurs. Par ailleurs, comme précisé au point 6, Mme F... ne justifie pas d'une situation médicale dont le suivi et la prise en charge ne pourraient se poursuivre en Géorgie. Dans ces conditions, la situation des intéressés ne peut être regardée comme relevant d'un motif humanitaire ou de circonstances exceptionnelles justifiant une admission exceptionnelle au séjour. Par suite, la préfète de la Gironde n'a ni méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-14 ni, pour ces mêmes motifs, commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences des décisions susvisées sur la situation personnelle des intimés.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

20. En premier lieu, ainsi qu'il été précédemment exposé, les décisions portant refus de titre de séjour ne sont pas entachées d'illégalité. Dès lors, le moyen invoqué par la voie de l'exception, par M. et Mme F..., de leur illégalité ne peut qu'être écarté.

21. En second lieu, pour les motifs exposés au point 19, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que ces décisions méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle.

En ce qui concerne les décisions fixant le pays de renvoi :

22. Ainsi qu'il été précédemment exposé, les décisions portant obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité. Dès lors, le moyen tiré par M. et Mme F... de l'exception d'illégalité de ces décisions ne peut qu'être écarté.

23. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Gironde est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a annulé ses arrêtés du 31 décembre 2020, lui a enjoint de délivrer à M. et Mme F... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et a mis à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à Me Astié en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur les frais liés au litige :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes que le conseil de M. et Mme F... demande sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 soient mises à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

25. Si une personne publique qui n'a pas eu recours au ministère d'avocat peut néanmoins demander au juge le bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais spécifiques exposés par elle à l'occasion de l'instance, elle ne saurait se borner à faire état d'un surcroît de travail de ses services et doit faire état précisément des frais qu'elle aurait exposés pour défendre à l'instance. En l'espèce, la préfète de la Gironde, qui n'est pas représentée par un avocat, ne justifie pas de frais non compris dans les dépens que l'Etat aurait spécifiquement exposés dans le cadre de la présente instance. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent donc qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2100205-2100206 du 11 mars 2021 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme F... devant le tribunal administratif de Bordeaux et le surplus de leurs conclusions devant la cour sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions de la préfète de la Gironde présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur ainsi qu'à M. G... F... et Mme H... F....

Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2021.

Le rapporteur,

Michaël E... La présidente,

Evelyne BalzamoLa greffière,

Véronique Epinette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°s 21BX01696, 21BX01697

9


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01696
Date de la décision : 19/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SCP ASTIE-BARAKE-POULET-MEYNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-19;21bx01696 ?
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