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19/10/2021 | FRANCE | N°19BX04882

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 19 octobre 2021, 19BX04882


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Volailles Granito a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge, en droits, pénalités et majoration, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1800719 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 décembre 2019 et l

e 13 novembre 2020, la SARL Volailles Granito, représentée par Me Ouvrard, demande à la cour, dan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Volailles Granito a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge, en droits, pénalités et majoration, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1800719 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 décembre 2019 et le 13 novembre 2020, la SARL Volailles Granito, représentée par Me Ouvrard, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 15 octobre 2019 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits, pénalités et majoration, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 7 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

- la cession réalisée par l'acte authentique du 18 août 2011 constitue la cession d'une branche complète d'activité ; la remise en cause du bénéfice de l'exonération de la plus-value de cession d'éléments d'actifs réalisée en 2011, sur le fondement de l'article 238 quindecies du code général des impôts, est injustifiée ; il convient de prendre en compte les particularités d'une activité de négoce fonctionnant sans salarié ni matériels pour laquelle les prestations autres que celles assurées par le gérant sont externalisées et pour laquelle la clientèle est l'élément essentiel ; son activité de négoce de pigeon est clairement distinguée de l'activité de production d'électricité photovoltaïque ; le tribunal n'a pas procédé à une analyse concrète de la nature de l'activité et de la spécificité des emplois requis ;

- l'administration ne pouvait légalement rehausser les bases à l'impôt sur les sociétés au seul motif qu'un élément de l'actif a été acquis pour un prix anormalement élevé ; l'inscription d'un élément d'actif au débit du compte immobilisations se trouve en effet immédiatement compensée par une écriture de même montant au crédit du compte d'actif disponibilités ou du compte de passif dettes, selon que cette acquisition a été financée par recours à la trésorerie ou par recours à l'emprunt ;

En ce qui concerne les pénalités :

- la majoration pour manquement délibéré résultant du rehaussement de la base amortissable d'un usufruit temporaire sur les parts sociales n'est pas fondée ; l'écart de valorisation et l'importance des impôts éludés ne suffisent pas à établir la matérialité de l'élément intentionnel.

Par un mémoire en défense et des pièces, enregistrés les 16 et 21 juillet 2020, ainsi que par un autre mémoire enregistré le 11 août 2021, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie doit être regardé comme concluant au non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement intervenu le 20 juillet 2020 pour un montant de 36 567 euros, en droits, majoration et pénalités, et au rejet du surplus de la requête. Il fait valoir que les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés en ce qui concerne la remise en cause de l'exonération de la plus-value de cession de clientèle.

Par ordonnance du 14 juin 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 6 septembre 2021 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michaël Kauffmann,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,

- et les observations de Me Tetang, représentant la SARL Volailles Granito.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Volailles Granito, créée en novembre 1996, a exercé une activité de négoce de pigeons jusqu'en juin 2011. Par acte notarié du 18 août 2011, la société a cédé sa clientèle à la SARL Cailles-Gibier des Douves pour un montant de 276 000 euros et a enregistré une plus-value nette comptable d'un montant de 251 300 euros qu'elle a placée sous le régime de l'exonération des plus-values nette à long terme prévue par les dispositions de l'article 238 quindecies du code général des impôts. A l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période comprise entre le 1er septembre 2010 et le 31 août 2013, l'administration fiscale a, d'une part, remis en cause cette exonération en raison de l'absence de cession d'une branche complète d'activité et, d'autre part, constaté une surévaluation de la valeur de l'usufruit temporaire des parts sociales de la SCI Fabia acquises par la SARL Volailles Granito. Par une proposition de rectification du 18 septembre 2014, elle a notifié à l'intéressée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos entre 2011 et 2013 pour un montant total de 137 489 euros. La SARL Volailles Granito relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande de décharge, en droits, pénalités et majoration, de ces cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés.

Sur l'étendue du litige :

2. Par décision du 20 juillet 2020, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur départemental des finances publiques de la Vienne a prononcé au bénéfice de la SARL Volailles Granito le dégrèvement, à hauteur de 36 567 euros, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés en litige, correspondant au chef de rehaussement relatif à la réévaluation de la valeur d'acquisition d'un usufruit temporaire sur parts sociales et à la majoration pour manquement délibéré correspondante. Par suite, les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article 238 quindecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " I. - Les plus-values soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies et réalisées dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole à l'occasion de la transmission d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète d'activité autres que celles mentionnées au V sont exonérées pour : / 1° La totalité de leur montant lorsque la valeur des éléments transmis servant d'assiette aux droits d'enregistrement mentionnés aux articles 719, 720 ou 724 ou des éléments similaires utilisés dans le cadre d'une exploitation agricole est inférieure ou égale à 300 000 euros (...) / II. - L'exonération prévue au I est subordonnée aux conditions suivantes : / 1 L'activité doit avoir été exercée pendant au moins cinq ans ; / 2 La personne à l'origine de la transmission est : / a) Une entreprise dont les résultats sont soumis à l'impôt sur le revenu ou un contribuable qui exerce son activité professionnelle dans le cadre d'une société dont les bénéfices sont, en application des articles 8 et 8 ter, soumis en son nom à l'impôt sur le revenu (...) ".

4. Une plus-value n'est exonérée, en application de ces dispositions, que si la branche d'activité en cause est susceptible de faire l'objet d'une exploitation autonome chez le cédant comme chez le cessionnaire et sous réserve que la transmission de cette branche d'activité opère un transfert complet des éléments essentiels de cette activité tels qu'ils existaient dans le patrimoine du cédant et dans des conditions permettant au cessionnaire de disposer durablement de tous ces éléments.

5. Il résulte de l'instruction que la SARL Volailles Granito exerçait une activité de négoce de pigeons pour laquelle elle acquerrait des pigeons vivants auprès de différents éleveurs avec lesquels elle était liée par des contrats d'approvisionnement. Les animaux étaient ensuite abattus, en sous-traitance, par un abattoir puis commercialisés auprès d'une clientèle de professionnels sans qu'aucun personnel salarié ne soit affecté à cette activité, la gérante de la société requérante assurant la gestion des relations commerciales entre ses fournisseurs et les entreprises clientes. Il est constant que cette activité, qui ne nécessitait pas d'autres moyens humains, pouvait être réalisée sans que les moyens matériels mis à sa disposition, à savoir le véhicule et le téléphone portable personnels de sa gérante, présentent un caractère indispensable. Il ressort par ailleurs des termes de l'acte de cession du 18 août 2011 que les parties ont convenu qu'un bail commercial serait conclu entre le cessionnaire, la SARL Cailles-Gibier des Douves, et la SARL Cailles Pigeon Poitou-Charentes, propriétaire des locaux au sein desquels le fonds de commerce dont dépend la clientèle cédée était exploité. Ce même acte dispose que le cessionnaire s'est engagé à reprendre et à poursuivre dans les mêmes termes et obligations les six contrats d'approvisionnement en marchandises conclus par la SARL Volailles Granito avec des éleveurs, précisément identifiés et listés, dont l'acte indique qu'ils ont été remis au cessionnaire, ce qu'a confirmé le gérant de la SARL Cailles-Gibier des Douves par une attestation du 7 septembre 2015. Dans ces conditions, eu égard aux conditions d'exercice de l'activité de négoce en cause, la cession de la clientèle de la SARL Volailles Granito, aux conditions prévues par l'acte notarié du 18 août 2011, doit être regardée comme un transfert complet des éléments essentiels de l'activité, cette dernière faisant l'objet d'une exploitation autonome tant chez le cédant que chez le cessionnaire. Il s'ensuit que la SARL Volailles Granito est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour remettre en cause le bénéfice de l'exonération prévue par les dispositions précitées de l'article 238 quindecies, l'administration fiscale a estimé qu'il n'y avait pas eu cession d'une branche complète d'activité et, pour ce motif, à demander la décharge des impositions demeurant en litige.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SARL Volailles Granito est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SARL Volailles Granito et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SARL Volailles Granito tendant à la décharge, en droits, pénalités et majoration, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, à concurrence du dégrèvement de 36 567 euros prononcé en cours d'instance.

Article 2 : Le jugement n° 1800719 du 15 octobre 2019 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.

Article 3 : La SARL Volailles Granito est déchargée, en droits et pénalités, du surplus des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013.

Article 4 : L'Etat versera à la SARL Volailles Granito une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à SARL Volailles Granito et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2021.

Le rapporteur,

Michaël Kauffmann La présidente,

Evelyne Balzamo

La greffière,

Véronique Epinette

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 19BX04882


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04882
Date de la décision : 19/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CABINET TEN FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-19;19bx04882 ?
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