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19/10/2021 | FRANCE | N°19BX03463

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 19 octobre 2021, 19BX03463


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCEA Roche a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler le titre de recettes du 7 mars 2017 par lequel le directeur général de l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) lui a demandé de reverser la somme de 345 839,90 euros correspondant à une aide indûment perçue, ainsi que la décision implicite de rejet résultant du silence gardé sur son recours gracieux contre ce titre de recettes et de la décharger de l'obligation de payer la somme de 345 839,

90 euros.

Par un jugement n° 1703824 du 3 juillet 2019, le tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCEA Roche a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler le titre de recettes du 7 mars 2017 par lequel le directeur général de l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) lui a demandé de reverser la somme de 345 839,90 euros correspondant à une aide indûment perçue, ainsi que la décision implicite de rejet résultant du silence gardé sur son recours gracieux contre ce titre de recettes et de la décharger de l'obligation de payer la somme de 345 839,90 euros.

Par un jugement n° 1703824 du 3 juillet 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé ces décisions et déchargé la SCEA Roche de l'obligation de payer la somme de 345 839,90 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 août 2019, et un mémoire enregistré le 12 février 2021, l'Etablissement FranceAgriMer, représenté par Me Alibert, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 juillet 2019 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de rejeter la demande de la SCEA Roche ;

3°) de mettre à la charge de la SCEA Roche la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, il ne vise ni n'analyse les moyens ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré qu'il lui incombait d'établir la date de fin de réalisation des travaux alors qu'il est dans l'impossibilité matérielle de connaître cette date puisque ce n'est pas lui qui réalise les travaux mais le bénéficiaire de l'aide ; au demeurant, le terme du délai précité était mentionné dans la décision du 6 mai 2011 octroyant à la SCEA Roche une aide d'un montant maximal de 345 839,90 euros ; il est constant que les manipulations opérées par la SCEA Roche témoignent de ce que celle-ci connaissait parfaitement le terme du délai de deux ans qui lui était imparti pour réaliser les travaux et que celui-ci a été dépassé ; la SCEA Roche, de même que ses gérants, ont été condamnés par le Tribunal correctionnel de Bordeaux par jugement du 11 mai 2017 pour escroquerie tenant à l'emploi de manœuvres frauduleuses et faux justificatifs ayant eu pour effet de tromper le Fonds européen agricole de garantie, qui ont abouti à leur condamnation à une amende avec sursis, ce qui établit la matérialité des faits et implicitement, mais nécessairement, le dépassement du délai ;

- en tout état de cause, le dépassement de ce délai n'était pas le seul motif de la demande de reversement ; ont été relevés des enregistrements comptables de certaines factures inexistantes chez les fournisseurs se référant à d'autres factures sans lien avec le projet ou ne correspondant à rien, et que d'autres factures ont vu leur l'objet et/ou leur montant modifiés :

- par la voie de l'effet dévolutif, les autres moyens soulevés par la société doivent être écartés ;

- Mme B... A..., chef de l'unité Suites de contrôles et Coordination communautaire, était bien compétente pour signer le titre exécutoire du 7 mars 2017 ;

- la décision n'est pas entachée d'une erreur de fait et de droit ; la récupération de l'aide indûment versée tire les conséquences de ce que l'entreprise se soustrait à ses obligations, ou ne produit pas les éléments lui permettant de s'assurer du respect des conditions d'attribution de l'aide ; l'écart constaté résulte de la présentation de factures falsifiées et correspond par suite, à une surdéclaration intentionnelle ; le délai de réalisation des travaux, qui constituait une condition d'octroi de l'aide, a été méconnu ; par suite, c'est bien l'ensemble de l'aide qui était inéligible ; c'est à tort que la SCEA croit pouvoir se prévaloir de ce que l'arrêté du 17 avril 2009, tel que modifié par l'arrêté du 22 juillet 2010, ne pourrait " s'appliquer à un dossier antérieur, [sa] demande de subvention [...] datant du 24 mars 2010 " ;

- elle ne peut utilement se prévaloir de la procédure de redressement judiciaire qui ne fait pas obstacle à ce que le juge prononce une condamnation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2019, la SCEA Roche, représentée par Me Queron, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etablissement FranceAgriMer la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le motif d'annulation est fondé ; le non-respect du délai de réalisation des travaux en deux ans n'apparaît pas caractérisé ; le contrôle se borne à indiquer que " l'opérateur [n'a] pas transmis la déclaration attestant de l'achèvement et la conformité des travaux ", sans d'ailleurs préciser quelle règle obligerait l'opérateur à une telle transmission ;

- les expédients auxquels elle a été contrainte n'ont eu d'autre but que de permettre le versement d'acomptes absolument nécessaires à la réalisation même du projet ; elle s'est retrouvée bloquée en cours de réalisation, sans trésorerie suffisante pour payer les appels de provision et factures intermédiaires de travaux, en raison de règles administratives particulièrement absconses et inusuelles en matière de subvention, commandant le versement des acomptes, qu'elle a alors découvert à défaut de se les être vues expliciter antérieurement ; elle a été poussée à la faute par un dispositif de subvention piégeux ;

- si l'on s'en tient à la demande de subvention à laquelle FranceAgriMer la renvoie, les " engagements du demandeur " précisément énumérés en page 5 n'ont aucun rapport avec les règles et manquements qui lui sont désormais opposés ;

- le titre est entaché d'incompétence de son auteur ;

- en indiquant que les justificatifs falsifiés ont eu pour conséquence d'inclure des travaux non éligibles, de présenter des factures hors délai, de surfacturer du matériel acheté et de financer du matériel non acheté, le titre est entaché d'une erreur de fait en ce que la totalité (ou quasi-totalité) des travaux et investissements projetés dans sa demande de subvention du 24 mars 2010 et reconnus éligibles par FranceAgriMer ont été, en définitive, effectivement réalisés ;

- la mention figurant dans la demande de subvention et énonçant " en cas d'irrégularité ou si je ne respecte pas mes engagements, je devrais rembourser les sommes perçues ... " est trop vague et déconnectée des faits reprochés pour pouvoir servir de fondement à la sanction ;

- l'article 8 bis § 1 de l'arrêté du 17 avril 2009 modifié par 1' arrêté du 22 juillet 20l0 article 1, ne peut non plus servir de fondement à la sanction puisqu' il n'y a pas d'écart constaté, le projet correspondant à la réalisation et les fonds européens ayant été utilisés ce pour quoi ils ont été accordés, et qu'il n'y a pas eu, de " sur déclaration intentionnelle ;

- elle est potentiellement redevable de seulement 3% du solde d'aide perçu qui était d'un montant de 79 984,33 €, soit 2 399,53 euros ;

- elle fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire qui fera obstacle à la restitution des sommes réclamées.

Par une ordonnance du 16 février 2021, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 16 mars 2021 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du 18 décembre 1995 ;

- le règlement (CE) n° 1258/1999 du Conseil du 17 mai 1999 ;

- le règlement (CE) n°1234/2007 du 22 octobre 2007 ;

- le règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 ;

- le règlement (CE) n° 485/2008 du Conseil du 26 mai 2008 ;

- le règlement (CE) n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- l'arrêté des ministres de l'agriculture et de la pêche et du budget, des comptes publics et de la fonction publique du 17 avril 2009 définissant les conditions de mise en œuvre de la mesure de soutien aux investissements éligibles au financement par les enveloppes nationales en application du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 portant organisation commune du marché vitivinicole ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Nicolas Normand,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,

- et les observations de Me Capdebos, représentant l'Etablissement FranceAgriMer.

Considérant ce qui suit :

1. La SCEA Roche a déposé, le 24 mars 2010, une demande d'aide à l'investissement vitivinicole auprès de FranceAgriMer afin de financer la construction d'un chai de vinification, de cuves inox, de passerelles, d'escaliers et de matériels de vinification. FranceAgriMer a accusé réception de cette demande le 2 avril 2010, cet accusé de réception valant autorisation de démarrer les travaux à compter du 26 mars 2010. Par une décision du 6 mai 2011, FranceAgriMer a attribué à la SCEA Roche une aide d'un montant maximal de 346 103,72 euros correspondant à 865 259,30 euros de dépenses éligibles. La SCEA Roche a bénéficié du versement d'une avance de 69 220,74 euros le 9 août 2011, d'un premier acompte de 110 320,29 euros le 10 août 2012, d'un second acompte de 86 314,54 euros le 14 octobre 2013 et du solde de 79 969,44 euros le 16 mai 2014, le montant total de la subvention versée s'élevant ainsi à 345 839,90 euros. A la suite d'un contrôle sur place ayant eu lieu le 22 juillet 2015 et d'une procédure contradictoire, le directeur général de FranceAgriMer, par une décision du 7 mars 2017 valant titre de recettes portant le n° 2017-55, a demandé à la SCEA Roche de reverser la somme de 345 839,90 euros correspondant au montant de l'aide indûment perçue. L'établissement FranceAgriMer, relève appel du jugement du 3 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé, à la demande de la SCEA Roche, le titre de recettes du 7 mars 2017, ainsi que la décision implicite de rejet résultant du silence gardé sur son recours gracieux contre ce titre de recettes et a déchargé cette société de l'obligation de payer la somme de 345 839,90 euros.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administration : " La décision [...] contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application ".

3. Il résulte de l'examen de la minute du jugement que celui-ci comporte l'analyse des moyens des mémoires échangés entre les parties. La circonstance que cette analyse ne figurait pas dans l'expédition de ce jugement adressée à la société est sans effet sur la régularité du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. D'une part, aux termes de l'article premier du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 : " (...) 2. Est constitutive d'une irrégularité toute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes (...), soit par une dépense indue ". Aux termes de l'article 4 de ce règlement : " 1. Toute irrégularité entraîne, en règle générale, le retrait de l'avantage indûment obtenu : / - par l'obligation de verser les montants dus ou de rembourser les montants indûment perçus, / - par la perte totale ou partielle de la garantie constituée à l'appui de la demande d'un avantage octroyé ou lors de la perception d'une avance (...) ". Selon les dispositions de l'article 8 du règlement (CEE) n° 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970 relatif au financement de la politique agricole commune, reprises à l'article 8 du règlement (CE) n° 1258/1999 du Conseil du 17 mai 1999 : " 1. Les Etats membres prennent, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, les mesures nécessaires pour : / (...) b) prévenir et poursuivre les irrégularités ; / c) récupérer les sommes perdues à la suite d'irrégularités ou de négligences (...) ". Ces dispositions font obligation aux administrations nationales de récupérer les sommes provenant du budget communautaire indûment versées.

5. D'autre part, aux termes des dispositions de l'article 97 du règlement (CE) n° 555/2008 du 27 juin 2008 : " tout paiement indu est recouvré, avec intérêts, auprès des bénéficiaires concernés.". Aux termes du paragraphe V- 5°/ de la décision du Directeur général de FranceAgriMer n° FILIERES/SEM/D 2010-05 du 17 févier 2010 à caractère réglementaire " Les travaux prévus doivent être réalisés dans les 2 années suivant la date de notification de la décision d'octroi de l'aide, ou suivant la date de notification au bénéficiaire de la convention signée par FranceAgriMer, prorogeables d'une année sur demande justifiée du porteur de projet. ". Aux termes du paragraphe V- 7°/ de cette même décision : " Chaque versement est réalisé sur présentation : d'un tableau récapitulatif des factures signé du demandeur (...) des copies des factures certifiées acquittées par le fournisseur ou des copies des factures accompagnées d'un extrait de relevé de compte démontrant l'acquittement de la facture, ou bien encore des copies des factures accompagnées de l'état récapitulatif mentionné ci-dessus certifié conforme à la comptabilité par le commissaire aux comptes de l'entreprise ou par l'expert comptable, lorsque la réglementation n'impose pas l'obligation de la certification des comptes par un commissaire aux comptes. ". Aux termes du paragraphe VII- 1°/ de cette même décision : " Lorsqu'un écart est constaté entre le montant d'aide demandé et le montant d'aide calculé après contrôle : - si cet écart est inférieur à 3 %, l'aide est égale au montant calculé après contrôle, - si cet écart est supérieur à 3 %, l'aide est minorée de l'écart constaté. Toutefois, aucun paiement ne sera effectué s'il est établi que cet écart résulte d'une surdéclaration intentionnelle. ". Aux termes enfin de l'article 8 bis § 1 de l'arrêté interministériel du 17 avril 2009 : " Lorsqu'un écart est constaté entre le montant d'aide établi sur la base de la demande de paiement et le montant d'aide calculé après contrôle de cette demande, et qu'il est établi que cet écart résulte d'une surdéclaration intentionnelle, aucun paiement n'est effectué ".

6. La décision du directeur général de FranceAgriMer du 7 mars 2017 qui a pour objet de tirer les conséquences du contrôle de l'aide versée à la SCEA Roche est justifiée d'une part, par la circonstance que cette société a présenté des justificatifs falsifiés qui ont eu pour conséquence d'induire des travaux non éligibles, et d'autre part par le fait que le délai impératif de réalisation des travaux de deux ans prévu au paragraphe V. point 5 de la décision du Directeur Général de FranceAgriMer FILIERES/SENI/0 20-10-05 du 17 février 2010 n'a pas été respecté.

7. D'une part, alors que le point de départ du délai de deux ans pour la réalisation des travaux court, en application du paragraphe V. point 5 de la décision précitée du 17 février 2010 à compter de la date de notification de la décision d'octroi de l'aide au bénéficiaire, FranceAgriMer ne rapporte pas la preuve qu'il a notifié à la SCEA Roche sa décision du 6 mai 2011 par laquelle il lui a attribué une aide d'un montant maximal de 346 103,72 euros correspondant à 865 259,30 euros de dépenses éligibles. Si FranceAgriMer soutient que les manipulations opérées par la SCEA Roche témoignent de ce que celle-ci connaissait parfaitement le terme du délai de deux ans qui lui était imparti pour réaliser les travaux et que celui-ci a été dépassé, toutefois la présentation de fausses factures par la société Roche qui avait pour but le versement anticipé d'acomptes pour des raisons de trésorerie, ne révèle pas une connaissance certaine du point de départ de ce délai de deux ans. En outre, FranceAgriMer avait accusé réception de la demande de subventions le 2 avril 2010 et cet accusé de réception vaut autorisation de démarrer les travaux à compter du 26 mars 2010 de sorte que la société Roche pouvait présenter des factures dès 2011, à l'appui de sa demande de versements d'acomptes, sans que son comportement traduise sa connaissance du point de départ du délai précité. Enfin, le jugement du tribunal correctionnel de Bordeaux du 11 mai 2017 qui a condamné cette société pour escroquerie tenant à l'emploi de manœuvres frauduleuses et faux justificatifs visant à tromper le Fonds européen agricole de garantie, dont se prévaut FranceAgriMer, ne mentionne pas que cette société avait connaissance du point de départ de ce délai de sorte que l'autorité de la chose jugée qui s'attache à ce jugement ne peut être opposée.

8. D'autre part, il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté, que la SCEA Roche a intentionnellement présenté des fausses factures à l'organisme payeur, pour un montant total de 584 149,82 euros correspondant à un indu de 233 659,93 euros. La société Roche qui contrairement à ce qu'elle soutient n'est pas seulement tenue par les engagements figurant dans la demande de subvention, n'a donc pas présenté les justificatifs nécessaires au versement de l'aide. En application des dispositions précitées, l'écart constaté entre le montant de l'aide allouée sur la base de la demande de paiement et le montant de l'aide calculé après contrôle de cette demande qui résulte d'une surdéclaration intentionnelle de l'opérateur, justifie la répétition totale de l'indu. La circonstance que la SCEA Roche ait modifié des documents pour appeler de la trésorerie et désintéresser les entreprises et que les aides aient été effectivement utilisées pour réaliser les travaux projetés est inopérante.

9. Il résulte de l'instruction que FranceAgriMer aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur ce second motif pour demander le reversement de la somme de 345 839,90 euros.

10. Il résulte de ce qui précède, que FranceAgriMer est fondé à soutenir que c'est à tort que pour annuler le titre de recettes du 7 mars 2017 et la décision implicite de rejet du recours gracieux, et décharger la SCEA Roche de la somme de 345 839,90 euros, le tribunal administratif de Bordeaux s'est fondé sur le motif que le délai de réalisation des travaux ne pouvait être regardé comme ayant commencé à courir.

11. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SCEA Roche devant le tribunal administratif et la cour à l'encontre de la décision du 7 mars 2017.

En ce qui concerne la procédure de recouvrement des aides :

12. En application des dispositions de l'article D. 621-27 du code rural et de la pêche maritime, le directeur général de FranceAgriMer, ordonnateur principal des recettes et des dépenses de l'établissement, peut déléguer sa signature aux agents placés sous son autorité. Par une décision du 10 janvier 2017 publiée au bulletin officiel du ministère de l'agriculture de l'agroalimentaire et de la forêt n° 2 du 12 février 2017, le directeur de FranceAgriMer a donné délégation à Mme B... A..., chef de l'unité Suites de contrôles et auteur de la décision querellée, à l'effet de signer les actes relevant des attributions de son unité, laquelle a notamment en charge le suivi des contrôles réalisés après paiement des aides aux bénéficiaires au titre du règlement (CE) n° 485/2008 du 26 mai 2008. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée, qui manque en fait, doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé de la décision :

13. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que FranceAgrimer qui s'est borné à appliquer les dispositions applicables à la cause ait induit en erreur la SCEA Roche.

14. En deuxième lieu, pour les raisons mentionnées au point 8 du présent arrêt, la décision du 7 mars 2017 n'est pas entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle indique que les justificatifs falsifiés ont eu pour conséquence d'inclure des travaux non éligibles, de présenter des factures hors délai, de surfacturer du matériel acheté et de financer du matériel non acheté.

15. En troisième lieu, la SCEA Roche soutient que le titre de recettes est entaché d'une rétroactivité illégale dès lors que la demande de subvention du 24 mars 2010 est antérieure à l'arrêté du 17 avril 2009 tel que modifié par l'arrêté du 22 juillet 2010 qui définit les conditions de mise en œuvre de la mesure de soutien aux investissements éligibles au financement par les enveloppes nationales en application du règlement (CE) n° 479/2008, et dont il a été fait application. Toutefois, l'arrêté du 17 avril 2009, dans sa version d'origine, prévoyait déjà en son article 8 bis qu'aucun paiement ne serait effectué si l'écart résultait d'une surdéclaration intentionnelle. Par suite, le moyen doit être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que l'Etablissement FranceAgriMer est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé le titre de recettes du 7 mars 2017 par lequel le directeur général de l'Etablissement FranceAgriMer a demandé à la SCEA Roche de reverser la somme de 345 839,90 euros ainsi que la décision implicite de rejet résultant du silence gardé sur le recours gracieux contre ce titre de recettes et a déchargé cette société de l'obligation de payer la somme de 345 839,90 euros.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative

17. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de FranceAgriMer qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par la SCEA Roche et non compris dans les dépens.

18. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCEA Roche une somme d'argent à verser à FranceAgriMer en application de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 juillet 2019 est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par la SCEA Roche devant le tribunal administratif de Bordeaux et le surplus de ses conclusions devant la cour sont rejetés et la somme de 345 839,90 euros est remise à la charge de la SCEA Roche.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'Etablissement FranceAgriMer est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Etablissement FranceAgriMer et à la SCEA Roche. Copie en sera adressée au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2021.

Le rapporteur,

Nicolas Normand

La présidente,

Evelyne Balzamo

La greffière,

Véronique Epinette

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

3

N° 19BX03463


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03463
Date de la décision : 19/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CABINET GOUTAL ALIBERT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-19;19bx03463 ?
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