Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, à titre principal, de prononcer la décharge de l'obligation de payer une somme ramenée, après réclamation, à 302 270,18 euros et résultant de la mise en demeure de payer, tenant lieu de commandement de payer, émise à son encontre le 30 août 2016 pour avoir paiement de cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales restant dues au titre de l'année 2003.
Par un jugement n° 1700296 du 7 mars 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 mai 2019 et un mémoire enregistré le 26 octobre 2020, Mme A... épouse B..., représentée par Me Pruvost et par Me Pramil-Marroncle, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 7 mars 2019 ;
2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer une somme ramenée, après réclamation, à 302 270,18 euros résultant de la mise en demeure de payer, tenant lieu de commandement de payer, émise à son encontre le 30 août 2016 pour avoir paiement de cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales restant dues au titre de l'année 2003 ;
3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer sur l'action en recouvrement jusqu'à la décision définitive et non susceptible de recours relative au contentieux d'assiette portant sur la plus-value générée à 1'occasion de la vente du château de Sours et de prononcer la suspension, dans l'attente, de toute poursuite tendant au recouvrement des impositions générées à 1'occasion de cette vente ;
4°) à titre très subsidiaire, de ramener la dette fiscale des époux B... aux sommes de 270 648 euros en matière d'impôt sur les revenus et de 53 097 euros en matière de prélèvements sociaux ;
5°) de prononcer le dégrèvement des prélèvements sociaux réclamés à hauteur de 17 405 euros ;
6°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'action en recouvrement litigieuse est prescrite en application de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales et de la doctrine administrative référence 12-C-20-88 ;
- un recours est pendant devant la cour concernant le contentieux d'assiette ;
- elle n'est pas solidairement tenue des dettes de son époux en ce qui concerne les prélèvements sociaux ;
- elle s'est déjà acquittée d'une somme de 50 511 euros au titre de l'impôt sur le revenu en cause et de 14 711 euros au titre des contributions sociales y afférentes.
Par des mémoires enregistrés les 17 septembre 2019 et 20 novembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique,
- et les observations de Me Pramil-Marroncle, représentant Mme A... épouse B....
Considérant ce qui suit :
1. Une mise en demeure de payer, tenant lieu de commandement de payer, a été émise l'encontre de Mme A... épouse B... le 30 août 2016 pour avoir paiement de cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales restant dues au titre de l'année 2003. Le montant de ce commandement de payer a été ramené, après réclamation, à la somme globale de 302 270,18 euros. Mme A... relève appel du jugement du 7 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la décharge de l'obligation de payer cette somme, à titre subsidiaire, à la suspension des poursuites en attendant une décision définitive concernant le contentieux de l'assiette et, à titre très subsidiaire, à la réduction de la dette fiscale des époux B... aux sommes de 270 648 euros en matière d'impôt sur les revenus et de 53 097 € en matière de prélèvements sociaux.
Sur la prescription de l'action en recouvrement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : " Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. / Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part du contribuable et par tous actes interruptifs de la prescription. ". Aux termes de l'article L. 621-40 du code de commerce : " I. Le jugement d'ouverture suspend ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement audit jugement et tendant : / 1° à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent (...) / II. Il arrête ou interdit également toute voie d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles. / III. Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence suspendus. " Enfin, aux termes de l'article 2245 du code civil : " L'interpellation faite à l'un des débiteurs solidaires par une demande en justice ou par un acte d'exécution forcée ou la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription contre tous les autres, même contre leurs héritiers. ".
3. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'alors que le jugement d'ouverture de la procédure collective ne suspend la prescription qu'à l'égard de la personne visée par cette procédure, l'effet interruptif de prescription d'une déclaration de créance au passif d'une procédure collective ouverte à l'encontre de l'un des débiteurs solidaires, qui produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance ainsi que le précise désormais l'article 2242 du code civil, s'étend aux autres débiteurs solidaires, pour les impositions au paiement desquelles ils sont solidairement tenus. En l'espèce, l'effet interruptif de prescription d'une déclaration de créances fiscales au passif d'une procédure collective ouverte à l'encontre de l'un des époux s'étend à l'autre époux, quel que soit le régime matrimonial et même s'ils sont séparés de biens, pour les impositions au paiement desquelles ils sont solidairement tenus.
4. En l'occurrence, il est constant qu'à la suite du placement en redressement judiciaire de M. B... le 21 novembre 2006, le comptable public a déclaré, le 18 décembre 2006, la créance concernant les cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme B... ont été assujettis au titre de l'année 2003 et qui ont été mises en recouvrement le 30 juin 2006. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 du présent arrêt que cette déclaration a interrompu, à l'encontre des deux époux, le délai de prescription de l'action en recouvrement jusqu'au jugement de clôture de la procédure collective en litige, lequel est intervenu le 30 mars 2016. Par suite, le délai de prescription de quatre ans, prévu par les dispositions précitées de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, n'ayant recommencé à courir qu'à compter de cette date, il n'était pas expiré le 30 août 2016, lorsque l'administration a émis, au nom de Mme A... épouse B..., une mise en demeure valant commandement de payer.
5. En second lieu et ainsi que l'ont dit les premiers juges, l'appelante ne peut pas utilement se prévaloir du paragraphe 152 de l'instruction 12-C-1-98 du 23 mars 1998 publiée le 31 mars 1998 au bulletin officiel des impôts et repris au paragraphe 153 de la documentation administrative de base référencée 12 C-6222 selon lequel " Le bénéfice de la suspension ne peut être invoqué que contre les personnes vis-à-vis desquelles la suspension est édictée " et qu'" ainsi, le créancier qui bénéficie d'une suspension de prescription parce qu'il est privé du droit d'agir contre son débiteur principal ou l'un de ses codébiteurs, même solidaire, ne peut invoquer la suspension de la prescription à l'égard de la caution ou des autres codébiteurs dès lors qu'il dispose de son droit de poursuite individuelle à leur égard " dès lors que cette interprétation administrative ne vise que les cas de suspension de prescription, et ne peut, par suite, être utilement invoquée que par les personnes vis-à-vis desquelles la suspension a été édictée et non dans les cas d'interruption de prescription à l'égard des codébiteurs solidaires.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'action en recouvrement était prescrite pour demander la décharge de l'obligation de payer la somme objet de la mise en demeure qui lui a été adressée.
Sur les conclusions présentées à titre subsidiaire :
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétents mentionnés à l'article L. 252 doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. Les contestations ne peuvent porter que : 1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt./ Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés, dans le premier cas, devant le juge de l'exécution, dans le second cas, devant le juge de l'impôt tel qu'il est prévu à l'article L. 199. ". Il résulte de ces dispositions que les moyens relatifs à la régularité ou au bien-fondé des impositions dont le recouvrement est poursuivi par l'administration fiscale ne peuvent être utilement invoqués à l'appui d'une demande tendant à la décharge de l'obligation de payer résultant d'un acte de poursuite formée dans les conditions prévues à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales. Par suite, Mme A... ne peut utilement se prévaloir, au soutien de ses conclusions tendant à obtenir la décharge de l'obligation de payer, de ce qu'elle a introduit une nouvelle requête tendant à obtenir la décharge des impositions afférentes. De même, elle n'est pas fondée à demander au tribunal qu'il soit sursis à statuer dans l'attente du jugement relatif à cette requête.
8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, en particulier du verso du bordereau de situation établi le 3 octobre 2016, que les deux dégrèvements dont l'appelante a bénéficié en février 2008 pour des montants de 8 111 euros en matière d'impôt sur les revenus 2003 et de 1 686 euros en matière de prélèvements sociaux au titre de l'année 2003, n'ont pas été déduits du montant des sommes initialement mises en recouvrement mais incluses dans le montant des acomptes réputés versés par M. et Mme B.... Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait dû également déduire le montant de ces dégrèvements du montant de la créance initialement mise en recouvrement pour demander la réduction de la somme qui lui est réclamée.
9. En troisième et dernier lieu, si Mme A... soutient que le montant des prélèvements sociaux dont elle est, en l'absence de solidarité, personnellement redevable au titre de l'année 2003 s'élève à la somme de 31 425 euros, ce montant ne tient pas compte des prélèvements dont elle est personnellement redevable au titre des revenus fonciers réalisées par la société civile immobilière Monvoisin et par le groupement foncier agricole La Bonnetie (GFA) au titre de la même année. En outre, compte tenu du nombre de parts dont elle possède la propriété ou l'usufruit dans le GFA, c'est à bon droit que l'administration a considéré qu'elle était personnellement redevable de 99,62% des plus-values et des revenus fonciers perçus en 2003 par le foyer fiscal à raison de sa participation dans ce GFA. Par suite, le montant cumulé des prélèvements dont elle est ainsi personnellement redevable s'élevant à la somme mentionnée à ce titre dans le commandement de payer litigieux, l'appelante n'est pas fondée à demander la réduction de la somme réclamée à ce titre dans ce commandement.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté les demandes sus-rappelées. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE
Article 1er : La requête est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance. Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques de Nouvelle Aquitaine et du département de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
Mme Frédéric Faïck, président-assesseur,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 octobre 2021.
Le rapporteur,
Manuel C...
Le président,
Didier Artus
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°19BX01782