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27/09/2021 | FRANCE | N°21BX02272

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 27 septembre 2021, 21BX02272


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 29 juin 2020 par laquelle le préfet des Pyrénées-Atlantiques a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2001900 du 18 mai 2021, le tribunal administratif de Pau a annulé la décision du 29 juin 2020 et prescrit au préfet de prendre une nouvelle décision sur la demande de titre de séjour de M. C....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 mai 2021, le préfet

des Pyrénées-Atlantiques demande à la cour d'annuler le jugement n° 2001900 du tribunal administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 29 juin 2020 par laquelle le préfet des Pyrénées-Atlantiques a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2001900 du 18 mai 2021, le tribunal administratif de Pau a annulé la décision du 29 juin 2020 et prescrit au préfet de prendre une nouvelle décision sur la demande de titre de séjour de M. C....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 mai 2021, le préfet des Pyrénées-Atlantiques demande à la cour d'annuler le jugement n° 2001900 du tribunal administratif de Pau.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision en litige au motif qu'il s'est senti lié par l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ; les premiers juges ont tiré des conséquences excessives de l'emploi de l'adverbe " donc " dans les motifs de la décision ; M. C... n'avait produit aucune pièce médicale pour contredire l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui était favorable au préfet ; dans ces conditions, le préfet pouvait s'approprier les termes de l'avis de l'office.

Par une ordonnance du 10 juin 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 juillet 2021 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Frédéric Faïck a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet des Pyrénées-Atlantiques relève appel du jugement rendu le 18 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé sa décision du 29 juin 2020 rejetant la demande de titre de séjour présentée par M. C..., ressortissant camerounais, pour raison de santé.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Les premiers juges ont annulé pour erreur de droit la décision en litige du 29 juin 2020 après avoir estimé que le préfet des Pyrénées-Atlantiques, en se sentant lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), n'avait pas exercé son propre pouvoir d'appréciation.

3. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. C..., le préfet a relevé dans sa décision du 29 juin 2020 que cette demande " a été instruite au regard des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ces dispositions énoncent que si l'état de santé du ressortissant étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, une admission au séjour est envisageable. Il ressort de l'avis émis le 10 juin 2020 par le collège des médecins de l'OFII que s'il est confirmé que votre état de santé nécessite bien une prise en charge médicale, vous pouvez, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de votre pays d'origine, y bénéficier d'un traitement approprié. Les conditions prévues par la réglementation pour une admission au séjour pour des motifs de santé ne sont donc pas réunies. Votre dossier de demandeur d'asile étant toujours à l'étude auprès de l'OFPRA, vous bénéficiez du droit de vous maintenir sur le territoire français conformément aux dispositions des articles L. 743-1 et L. 743-2 du CESEDA ".

3. Il ressort de ces motifs que le préfet a rappelé la règle de droit applicable à la situation de M. C... puis la teneur de l'avis rendu par l'OFII sur la demande de titre de séjour avant de conclure que les conditions prévues par la réglementation pour la délivrance d'un titre de séjour n'étaient pas réunies. Contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le préfet ne saurait être regardé comme ayant renoncé à exercer son pouvoir d'appréciation du seul fait qu'il a employé dans les motifs de la décision l'adverbe " donc " dont la présence ne révèle pas que le préfet s'est senti tenu de suivre l'avis de l'OFII alors qu'il est en droit de s'en approprier le contenu et qu'il a rappelé dans les motifs de sa décision que M. C... conservait par ailleurs le droit de se maintenir sur le territoire français en sa qualité de demandeur d'asile et a, ce faisant, apprécié sous ses différents aspects le droit au séjour de l'intéressé.

4. Par suite, le préfet des Pyrénées-Atlantiques est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a annulé pour erreur de droit la décision du 29 juin 2020. Il y a lieu pour la cour saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. C....

Sur les autres moyens de première instance :

5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger (...) si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis (...) au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis (...) / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent (...) ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. (...) ". Aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Au vu du rapport médical (...) un collège de médecins (...) émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. (...) L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le rapport médical adressé au collège de médecins de l'OFII en application des dispositions précitées a été établi par le docteur A... qui a examiné M. C... le 27 mars 2020. Il ressort des pièces du dossier que ce docteur est également membre de l'OFII et, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le rapport médical prévu par les dispositions précitées n'a pas été établi par un membre de l'OFII doit être écarté.

7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le rapport médical a été adressé au collège de médecins de l'OFII le 8 juin 2020, ce dont le préfet a été informé le 10 juin 2020 conformément aux dispositions précitées.

8. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'OFII qui s'est réuni le 10 juin 2020 pour émettre un avis sur la demande de titre de séjour était composé de trois médecins membres de l'OFII parmi lesquels ne figurait pas le médecin auteur du rapport médical prévu à l'article R. 313-22 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En quatrième lieu, il résulte de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 que l'avis du collège de médecins de l'OFII mentionne " les éléments de procédure ". Cette mention renvoie, ainsi qu'il résulte du modèle d'avis figurant à l'annexe C de l'arrêté, rendu obligatoire par cet article 6, à l'indication que l'étranger a été, ou non, convoqué par le médecin ou par le collège, à celle que des examens complémentaires ont été, ou non, demandés et à celle que l'étranger a été conduit, ou non, à justifier de son identité. En l'espèce, si l'avis de l'OFII du 10 juin 2020 ne comporte pas la mention de ces éléments de procédure, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette omission aurait exercé une influence sur le sens de la décision en litige ou aurait privé d'une garantie M. C..., lequel a été examiné par un médecin membre de l'OFII dont le rapport a été adressé au collège de médecins qui à son tour a apprécié la situation de l'intéressé. Dans ces conditions, le vice de procédure commis n'est pas susceptible d'entrainer l'annulation de la décision en litige.

10. En cinquième lieu, au regard des motifs de l'arrêté en litige du 29 juin 2020 tels que rappelé au point 2 du présent arrêt, le préfet a satisfait à l'obligation de motivation. Ces motifs révèlent par ailleurs que le préfet a procédé à un examen circonstancié de la situation de M. C... avant de prendre sa décision.

11. En sixième lieu, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

12. Dans son avis du 10 juin 2020, le collège de médecins l'OFII a estimé que l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, ce dernier peut effectivement y bénéficier d'un traitement approprié. En plus de cet avis, le préfet produit des articles de la presse camerounaise datés de 2018 dont il ressort que le coût des traitements de l'hépatite B, pathologie dont est atteint M. C..., a très sensiblement baissé durant la période récente. De son côté, M. C... ne produit pas d'éléments probants qui permettraient d'estimer que les soins que requiert son état de santé ne lui seraient pas effectivement accessibles dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que jugement du tribunal administratif de Pau du 18 mai 2021 doit être annulé et que la demande présentée en première instance par M. C... doit être rejetée.

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 2001900 du tribunal administratif de Pau du 18 mai 2021 est annulé.

Article 2 : La demande de première instance présentée par M. C... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... C.... Copie pour information en sera délivrée au préfet des Pyrénées-Atlantiques.

Délibéré après l'audience du 30 août 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2021.

Le rapporteur,

Frédéric Faïck

Le président,

Didier Artus

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX02272 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02272
Date de la décision : 27/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-09-27;21bx02272 ?
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