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27/09/2021 | FRANCE | N°21BX01592

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 27 septembre 2021, 21BX01592


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 20 mai 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2002867 du 18 février 2021, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 20 mai 2020, a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un cert

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 20 mai 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2002867 du 18 février 2021, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 20 mai 2020, a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 25 mars 2021 sous le n° 21BX01592, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 18 février 2021.

Il soutient que le moyen d'annulation tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leur famille n'était pas fondé.

Par une ordonnance du 2 juin 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 août 2021 à 12 heures.

II. Par une requête, enregistrée le 25 mars 2021 sous le n° 21BX01596, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 18 février 2021.

Il soutient que les moyens allégués dans sa requête sont sérieux et de nature à justifier, au-delà de l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation présentées par M. C... en première instance.

Par une ordonnance du 2 juin 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 août 2021 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Didier Artus, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien, né le 23 octobre 1947, est entré en France le 4 avril 2018 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour valable sur la période du 17 avril 2016 au 16 avril 2018. Il a bénéficié d'un certificat de résidence algérien valable du 11 juin 2019 au 10 décembre 2019 en qualité d'étranger malade. Le 14 novembre 2019, il a sollicité le renouvellement de ce certificat sur le fondement des dispositions du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 20 mai 2020, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. C... a demandé l'annulation de cet arrêté. Par un jugement n° 2002867 du 18 février 2021, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 20 mai 2020, a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une requête n° 21BX01592, le préfet de la Haute-Garonne relève appel de ce jugement. Par une requête n° 21BX01596, il en demande le sursis à exécution.

Sur la jonction :

2. Les requêtes enregistrées sous les n° 21BX01592 et 21BX01596 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

3. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".

4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

5. Il ressort des pièces du dossier que, dans son avis du 31 janvier 2020, le collège des médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Algérie, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Aucun des quatre certificats médicaux produits par M. C... ne conclut à l'impossibilité pour l'intéressé de bénéficier en Algérie d'un traitement approprié à son état de santé. Les articles de presse que produit en outre M. C... sur la transplantation rénale et la pénurie de médicaments en Algérie ont un caractère trop général pour établir que l'intéressé ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié. Ainsi, l'intéressé ne produit aucune pièce permettant de remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII. Par suite, c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur le motif tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié pour annuler le refus de délivrer un certificat de résidence algérien opposé à M. C....

6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Toulouse.

Sur la légalité de l'arrêté du 20 mai 2020 :

En ce que concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

7. Par un arrêté du 2 avril 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme D... B..., directrice des migrations et de l'intégration et signataire de l'arrêté en litige, délégation à l'effet de signer les décisions de refus de titre de séjour, les décisions prises sur le fondement de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les décisions fixant le pays de renvoi. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

8. La décision en litige vise l'accord franco-algérien modifié et indique que l'intéressé ne justifie pas être dans l'impossibilité d'accéder aux soins dans son pays d'origine. Ainsi, elle comporte les énonciations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Dès lors, le moyen doit être écarté.

9. Il ressort des pièces du dossier que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a été saisi pour avis, cet avis ayant été rendu le 31 janvier 2020. Par suite, le moyen tiré de ce que ce collège n'aurait pas été consulté doit être écarté.

10. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la décision en litige, que le préfet se serait abstenu de procéder à un examen sérieux de la situation de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle de l'appelant doit être écarté.

11. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

12. Il ressort des pièces du dossier que M. C... ne résidait en France que depuis deux ans à la date de la décision en litige. Si l'intéressé se prévaut de la présence en France de son fils, il n'est pas contesté que celui-ci fait également l'objet d'une mesure d'éloignement. En outre, il ne démontre pas avoir noué des liens personnels intenses sur le territoire français. Par suite, le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. ' L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...) ".

14. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la décision en litige, qui a été prise concomitamment au refus de renouveler le certificat de résidence algérien de l'intéressé, n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de cette dernière décision. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision en litige doit être écarté comme inopérant.

15. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la décision en litige, que le préfet se serait abstenu de procéder à un examen sérieux de la situation de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle de l'appelant doit être écarté.

16. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision en litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

17. Le moyen tiré de ce que le préfet a commis une erreur de droit au regard des dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 5.

18. Il résulte de ce qui précède que, faute pour l'appelant d'avoir démontré l'illégalité de la décision lui refusant un certificat de résidence algérien, le moyen tiré de cette illégalité, invoqué par voie d'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

19. Le moyen tiré de ce que la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 5 et 12.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

20. La décision en litige vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et notamment son article 3. Elle indique en outre que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays, vu notamment l'absence de demande d'admission au bénéfice de l'asile. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision en litige doit être écarté.

21. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la décision en litige, que le préfet se serait abstenu de procéder à un examen sérieux de la situation de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle de l'appelant doit être écarté.

22. Il résulte de ce qui précède que, faute pour M. C... d'avoir démontré l'illégalité de la décision lui refusant un certificat de résidence algérien et de la décision portant obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de cette illégalité, invoqué par voie d'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi doit être écarté.

23. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

24. M. C..., qui ne se prévaut que de son état de santé, ne démontre pas qu'il serait exposé à des peines ou traitements inhumains ou dégradants au sens des stipulations de l'article 3 de la convention précitée. Dès lors, le moyen doit être écarté.

25. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 20 mai 2020 par lequel il a refusé de délivrer à M. C... un certificat de résidence algérien, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Il y a lieu, par voie de conséquence, d'annuler le jugement attaqué et de rejeter l'ensemble des conclusions présentées par M. C... devant le tribunal administratif de Toulouse.

Sur la requête n° 21BX01596 :

26. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du 18 février 2021 du tribunal administratif de Toulouse, les conclusions de la requête n° 21BX01596 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement sont devenues sans objet.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 21BX01596.

Article 2 : Le jugement n° 2002867 du 18 février 2021 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 30 août 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 septembre 2021.

Le président-assesseur,

Frédéric FAICKLe président-rapporteur,

Didier ARTUS

La greffière,

Sylvie HAYET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX01592, 21BX01596 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01592
Date de la décision : 27/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Didier ARTUS
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-09-27;21bx01592 ?
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