La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/09/2021 | FRANCE | N°21BX00141

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 27 septembre 2021, 21BX00141


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 11 juin 2020 par lequel le préfet de La Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2000649 du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de La Guadeloupe a annulé l'arrêté du 11 juin 2020, a enjo

int au préfet de la Guadeloupe de lui délivrer un titre de séjour portant la mention...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 11 juin 2020 par lequel le préfet de La Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2000649 du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de La Guadeloupe a annulé l'arrêté du 11 juin 2020, a enjoint au préfet de la Guadeloupe de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 7 janvier 2021 sous le n° 21BX00141, le préfet de la Guadeloupe demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 10 décembre 2020 ;

2°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 10 décembre 2020.

Il soutient que :

- les moyens allégués dans sa requête sont sérieux et de nature à justifier, au-delà de l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... en première instance ; en outre, l'exécution du jugement attaqué, qui a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, entraînerait la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge dans le cas où ses conclusions d'appel seraient accueillies dès lors que M. A... est sans ressource ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'il ne pouvait légalement fonder le refus de titre de séjour sur le caractère frauduleux de l'acte de naissance produit par M. A... ;

- M. A... n'établit pas qu'il contribue à l'éducation et à l'entretien de sa fille à hauteur de ses capacités depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans conformément aux dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté en litige ne méconnaît pas les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par une ordonnance du 3 juin 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 août 2021 à 12 heures.

II. Par une requête enregistrée le 7 janvier 2021 sous le n° 21BX00441, le préfet de la Guadeloupe demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 10 décembre 2020 ;

2°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 10 décembre 2020.

Il soutient que :

- les moyens allégués dans sa requête sont sérieux et de nature à justifier, au-delà de l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... en première instance ; en outre, l'exécution du jugement attaqué, qui a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, entraînerait la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge dans le cas où ses conclusions d'appel seraient accueillies dès lors que M. A... est sans ressource ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'il ne pouvait légalement fonder le refus de titre de séjour sur le caractère frauduleux de l'acte de naissance produit par M. A... ;

- M. A... n'établit pas qu'il contribue à l'éducation et à l'entretien de sa fille à hauteur de ses capacités depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans conformément aux dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté en litige ne méconnaît pas les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Didier Artus, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant haïtien, né le 5 mai 1984, déclare être entré irrégulièrement sur le territoire français en 2009. Le 30 septembre 2019, il a sollicité un titre de séjour auprès des services préfectoraux sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 11 juin 2020, le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. A... a demandé l'annulation de cet arrêté. Par un jugement n° 2000649 du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de La Guadeloupe a annulé l'arrêté du 11 juin 2020, a enjoint au préfet de la Guadeloupe de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par deux requêtes enregistrées sous les n° 21BX00141 et 21BX00441 le préfet de la Guadeloupe relève appel de ce jugement et en demande le sursis à exécution.

Sur la jonction :

2. Les requêtes enregistrées sous les n° 21BX00141 et 21BX00441 ont le même objet et sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les moyens d'annulation retenus par le tribunal administratif de la Guadeloupe :

3. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants. ". Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".

4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

5. Il ressort de l'arrêté attaqué que, pour refuser le bénéfice du titre de séjour sollicité par M. A..., le préfet s'est fondé sur la circonstance que l'acte de naissance produit par l'intéressé n'était pas authentique et avait été falsifié, comme cela avait été établi par un rapport de la direction départementale de la police aux frontières de la Guadeloupe du 12 décembre 2019. Le caractère frauduleux de la demande de M. A... était de nature à ce que le préfet puisse lui refuser la délivrance d'un titre de séjour. Cependant, ni devant les premiers juges ni davantage devant la cour le préfet n'a établi ni même allégué que le passeport haïtien produit devant le tribunal administratif est falsifié et que les informations relatives à l'identité de l'intéressé sont inexactes. Dans ces conditions, le préfet qui n'a pas remis en cause l'authenticité du passeport produit par M. A..., alors d'ailleurs qu'une précédente mesure d'éloignement de l'intéressé avait été réalisée en 2005 sous cette même identité, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il ne pouvait légalement rejeter la demande de titre de séjour de l'intéressé au motif du caractère frauduleux de son extrait de naissance.

6. En second lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté en litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ".

7. M. A... soutient être présent sur le territoire français depuis 11 ans. Il ressort des pièces du dossier qu'il justifie de sa présence continue sur le territoire depuis 2009, date à laquelle il déclare y être entré. Il soutient en outre, sans que cela soit contesté par l'autorité préfectorale, vivre en concubinage avec Mme C... D..., ressortissante française, depuis octobre 2019, ainsi que le confirme une attestation de l'intéressée. Il n'est pas davantage contesté que de leur relation est née une fille de nationalité française le 17 février 2019, qu'il a reconnu moins de deux mois après sa naissance, et que les parents et l'enfant se sont donc installés pour vivre ensemble au mois d'octobre 2019, ainsi qu'il vient d'être dit. M. A... produit également des factures datées de la fin du mois de mars 2019 au début de l'année 2020 à son nom et correspondant à des achats liés à l'entretien d'un nourrisson et une attestation de la mère de l'enfant selon laquelle il aurait contribué à son éducation dès sa naissance, corroborée par celle de sa grand-mère. Dans ces conditions, M. A..., qui cohabite avec sa fille, établit suffisamment qu'il participe à l'entretien et à l'éducation de sa jeune enfant et le préfet n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il remplissait les conditions fixées par les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obtenir un titre de séjour.

8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de La Guadeloupe n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de La Guadeloupe a, par le jugement attaqué, prononcé l'annulation de son arrêté du 11 juin 2020 et lui a enjoint de délivrer le titre sollicité à l'intéressé. Par suite, sa requête doit être rejetée.

Sur les conclusions à fins de sursis à exécution du jugement attaqué :

9. La cour statuant au fond, par le présent arrêt, sur les conclusions à fins d'annulation du jugement du 10 décembre 2020 du tribunal administratif de la Guadeloupe, les conclusions des requêtes n° 21BX00141 et 21BX00441 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement sont devenues sans objet.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fins de sursis à exécution des requêtes n° 21BX00141 et 21BX00441 du préfet de la Guadeloupe.

Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes du préfet de La Guadeloupe est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 30 août 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 septembre 2021

Le président-assesseur,

Frédéric FAICKLe président-rapporteur,

Didier ARTUS

La greffière,

Sylvie HAYET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX00141, 21BX00441 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00141
Date de la décision : 27/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Didier ARTUS
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-09-27;21bx00141 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award